samedi 13 juin 2015

Et maintenant DSK



La fidélité n'est pas pour moi un vain mot en politique. Elle est même une valeur fondamentale. Je peux aussi utiliser un mot moins fort, mais qui revient au même : cohérence. J'en ai tant vu, tant entendu qui changeaient, s'adaptaient, renonçaient, se retournaient, sans gêne aucune, avec au contraire la fierté du malin à qui on ne la fait pas, qui connaît les règle du jeu et pour qui compte seulement d'obtenir un bout de pouvoir quelque part. Mais que retiendra-t-on de ceux-là ? Rien. Oui, il faut être fidèle en politique, suivre sa ligne, ne rien lâcher, quoi qu'il arrive, quoi qu'on pense autour de soi. Vous devinez où je veux en venir : DSK et sa relaxe.

La fidélité n'est pas l'aveuglement, le déni, encore moins le mensonge. DSK aurait été un violeur et un corrompu, je l'aurais dénoncé plus fort que n'importe qui. La fidélité n'est pas l'amitié, qui est prompte à pardonner, à défendre coûte que coûte. J'ai horreur de l'amitié en politique, parce qu'elle tourne toujours à la copinerie ou à la manipulation. L'amitié est un sentiment strictement privé, qui ne devrait pas avoir sa place dans l'action publique. Mais la fidélité, oui, parce qu'elle n'exclut pas la lucidité. Je pense même qu'il ne peut y avoir de fidélité que dans la lucidité : savoir très clairement pourquoi on soutient untel, à quoi on s'engage.

DSK est donc innocent, devant le tribunal de Lille comme devant celui de Manhattan. Je le sentais dès le départ, pour connaitre l'homme. Ma fidélité à sa personne et à sa ligne politique n'ont jamais flanché. Cet homme aura été pendant quatre ans bafoué, dénigré, humilié en France et dans le monde entier. Une sorte de justice populaire, un tribunal de l'opinion planétaire se sont tenus au jour le jour, notamment à travers les médias, pour étaler les moeurs de cet homme riche et puissant. Aucune accusation ne tenait : ce n'était qu'une enfilade de mensonges, de ragots. Mais le mal est fait, au nom du bien : une réputation est irrémédiablement salie, une carrière présidentielle est brisée.

Pourtant, il y a un grand vainqueur dans cette affaire : non pas la justice, qui n'a fait que son travail, qui est subordonné aux intérêts de la société, mais la MORALE. Ah, la morale ! C'est la grande passion de notre temps, on l'a vu dans l'affaire récente qui a frappé Manuel Valls. La morale, pourquoi pas ? me direz-vous. Oui, bien sûr, et je crois que chacun a sa morale, vous, moi, DSK. Le problème est ailleurs : en République, la morale doit être une pratique purement privée. Pour le reste, chacun citoyen, chaque responsable public, chaque homme politique doivent être seulement conformes à la loi, à toute la loi, mais à rien qu'à la loi. C'est ce qu'on appelle aussi la LAICITE. Aujourd'hui, la laïcité est oubliée ou dénaturée, la loi est instrumentalisée et la morale est devenue la reine de ce monde.

DSK a choisi de mener une vie privée très libre, dans le libertinage sexuel. Il n'est pas le seul, il n'est pas le premier, y compris et surtout à son niveau de responsabilité. De grands empereurs romains étaient des partouzeurs, des rois de France très catholiques avaient plusieurs maîtresses ; la prude, puritaine et hypocrite Amérique s'est donnée comme chef d'Etat un baiseur notoire, malade du sexe, John F. Kennedy. Ces hommes-là avaient-ils raison ou tort ? Faut-il les absoudre ou les condamner ? C'est une question d'appréciation personnelle, sur quoi je n'ai pas à me prononcer (ou plutôt je garde mon avis pour moi). Car la politique n'a rien à voir avec tout ça. Sur ce blog, je n'ai jamais rien dit de ma vie privée, sinon quelques détails amusants, non significatifs (par exemple mes origines berrichonnes). Si vous connaissiez ma morale personnelle, plus d'un lecteur serait surpris. Mais tout ça ne vous regarde pas et je n'en parlerai jamais. J'aimerais que notre société en reste à ce principe-là, ne mêle pas morale et politique au détriment de celle-ci.

Je ne me fais pas d'illusions : notre société a basculé depuis quelques années dans une moralisation de la vie publique, un impératif de transparence, une valorisation de la vie privée qui modèlent désormais les mentalités. L'illustration la plus flagrante est le phénomène mondial du Facebook, dont les pages mêlent fréquemment éléments de la vie privée et considérations publiques, dans une trivialité et une réactivité souvent consternantes. Je ne crois pas hélas qu'on reviendra en arrière. Mais la politique peut rester la politique, ses représentants demeurer fidèles à leurs missions, sans se soumettre à l'opinion, sans courber l'échine devant la morale ambiante.

C'est pourquoi je crois encore en l'avenir politique de Dominique Strauss-Kahn, qui est la victime emblématique de cet air du temps dont je fais la critique (mais je ne doute pas que bien des lecteurs, au contraire, y adhèrent, et c'est leur droit ; mais je leur demande simplement d'y réfléchir, de prendre un peu de distance et de se prononcer sans se laisser influencer par quiconque). Je ne sais pas si cet avenir sera présidentiel (pour le moment, le candidat naturel, légitime et indiscutable de la gauche, c'est François Hollande, président de la République). Mais je suis persuadé que DSK doit retrouver sa place à gauche : ils ne sont pas si nombreux, parmi les socialistes, les personnalités qui disposent de sa compétence, de son expérience et de son influence. Oui, après sa relaxe, DSK, c'est maintenant.

14 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Tu as un don indéniable : celui de te tromper dans tous tes pronostics politiques. DSK ne reviendra jamais au tout premier plan politique. En plus les Français ont-ils vraiment confiance en la justice comme c'est ton cas ? On sait qu'à Manhattan, DSK a acheté le silence de Nafissatou Diallo, lui versant 1 (ou plus) millions de dollars pour qu'elle retire sa plainte au civil. Si tu appelles ça la justice ! Quant à la France nous savons bien que les puissants sont très rarement éclaboussés par des scandales avérés, et que la justice classe le plus souvent l'affaire en non lieu ou en relaxe. Si la justice française était impartiale cela se saurait. La justice ce n'est jamais qu'une affaire de compromis entre les puissants, les faibles sont hors jeu, dixit Nietzsche.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je n'ai pas fait un pronostic, j'ai émis un désir.

2- Tu ne crois pas en la justice, tu mets en doute l'impartialité de son fonctionnement et de ses professionnels. Libre à toi, mais je suis républicain, je ne te suis donc pas.

Erwan Blesbois a dit…

DSK a-t-il oui ou non acheté le silence de Nafissatou Diallo pour 1,5 million de dollars ? Ce fait l'accable et prouve qu'il avait quelque chose à se reprocher. Si DSK avait été pauvre il n'aurait pas pu payer. Que serait-il arrivé ?
Pour la justice française, force est de constater qu'elle toujours très timide lorsqu'il s'agit de condamner des puissants. Marx aurait parlé de justice de classe, Nietzsche parle de compromis entre les puissants.
Après en démocratie libre à chacun de se mettre du côté des puissants, et de ne jamais faire preuve de faiblesse. Mais a-t-on vraiment le choix ? La justice des hommes accompagne la logique de dichotomie entre misère et richesse. Oh mais je sais bien que les faibles ont aussi des armes pour se défendre ! Dans l'affaire de la justice des hommes personne n'est innocent. Personnellement je crois plus en l'interprétation des faits (l'art), que dans les faits eux-mêmes, qui sont toujours l'objet d'une interprétation, même dans la justice qui se prétend objective, alors qu'elle est toujours subjective. L'art se réclame de la subjectivité, il a donc raison contre la justice. Je fais donc plus confiance à Ferrara lui-même admirateur de Pasolini, pour me faire une opinion de DSK, que sur la justice française et républicaine.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, tu fais une interprétation purement subjective du droit américain, qui, dans sa grande sagesse, met en place des systèmes de compromis et de compensation. C'est le propre de tout système juridique. Quant à l'argument de l'argent, c'est celui que ressortent les élèves dans les plus mauvaises copies : ce préjugé n'est pas digne de toi, Erwan. La pauvre Diallo et ses très efficaces avocats ne s'en sont pas trop mal sortis, non ? Et le riche et puissant DSK a quand même été broyé par cette justice que tu dis se mettre au service des riches et des puissants. Mais tu es du côté de l'art : tout t'est donc permis, et je suis dans l'obligation de pardonner tes erreurs.

Erwan Blesbois a dit…

Je sens une certaine ironie dans tes propos. quant à l'argument des bons et des mauvais élèves ; je suis irrévocablement du côté des mauvais. Je suis ce qu'on appelle un corrompu par le bas, quand DSK est un corrompu par le haut. Oui c'est pas beau à voir, une jeune fille littéraire et cultivée dirait même que je suis absolument dégoûtant et abject. Jusqu'à quand la société me laissera vivre de mes petites magouilles, je ne le sais point. En tout cas je n'aime pas les pervers, et j'ai l'intime conviction que DSK est un pervers. Comme tous les pervers DSK n'est pas un homme courageux, c'est un lâche qui n'avouera jamais aucune faute car il n'en a pas conscience. C'est le propre des pervers de ne pas avoir conscience d'eux-même, il n'est sensible qu'à l'image qu'il a essayé de se construire dans et par les médias, et qui s'est retournée contre lui et est maintenant détruite. DSK est un ange déchu, c'est un homme brisé à jamais. Il ne reviendra pas au devant de la scène.

Anonyme a dit…

Comme quoi "personne" n'a semble t-il de volonté d'ouvrir les yeux pour remédier à l'ordre qui découlerait sur l'égalité, les affaires peuvent reprendre le court magistralement. Aux uns on traite brutalement, aux autres on tente d'humilier pour seulement niveler afin que les regards se croisent, s'entendent et même dans cette position commune, ils ne trouvent pas la voie qui mènerait à la paix. A part les journaux, aucun texte légal ne relayera l'affaire pour l'Histoire qu'on oubliera tant la mémoire ne se vivifie pas à ressasser les peines, l'eau coulera sous les ponts, emportant cette anecdote que quelques descendants mettront en doute préférant douter de ce qu'ils ne vécurent pas, cherchant une vérité qu'on a éparpillée et renfermée dans nos grimoires rangées dans la boite de Pandore. On sait tous que le monde est façonné pour l'homme et non la femme grande négligée depuis déjà bien trop longtemps, comme une dette bien trop élevée impossible à payer dans les milieux secrets. On repart s'essuyant les pieds croit-on tout décrottés, la route est vidée d'une foule qui jadis n'avait rien sentie mais se laissait séduire pensant grandir avec comme notre emblème, c'est dire sur quoi repose parfois nos illusions, prenant l'air charismatique comme un don de naissance sans voir qu'il n'était construit a-t-on apprit que sur des brutalités quasiment validées par un niveau d'étude d'économie approuvé par le monde. Ironie de la vie et du choix de l'emblème qui prend des airs difficilement acceptables les pattes souillés. On assume par non choix. Sachant que la basse-cour continuera de picorer ça et là quelques vers à déterrés qui surprendront encore.
On a cru un instant, que notre époque se pouvait de régler par cet exemple une dissuasion suffisamment notable pour réveiller chez certains des notions de bien ou de mal dans une ambiance où les textes de toute nature refaisaient surface grisant parfois jusqu'à l'extrême les esprits épris de vérité. La vérité est encore de nos jours multifacette à bas reliefs presque rupestre. Chacun la sienne apparemment...
La terre tourne et nous avec...

Anonyme a dit…

Votre goût pour les pervers, pour la perversion cela ne nous regarde pas comme vous le soulignez, n'a d'égal que votre dégoût pour le genre humain, que vous qualifiez constamment de mesquin et petit bourgeois.

Anonyme a dit…

Expliquez nous , il semble y avoir une faille dans vos affirmations , quelqu'un de très proche n' a pas désiré continuer sa vie avec DSK ... Sans doute pour ne pas compliquer sa propre vie et celle de ses enfants et de sa famille ...
.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je ne commente pas les jugements personnels sur la vie privée de nos hommes politiques (ou de quiconque).

2- Je n'ai pas de dégoût pour le genre humain, je suis admiratif d'un petit nombre de ses illustres représentants, je méprise l'esprit petit-bourgeois actuel. C'est grave, docteur ?

3- La perversité est un état pathologique qui ne qualifie pas le comportement libertin de DSK, somme toute assez banal. Combien d'hommes, dans leur tête, n'en rêvent-ils pas ? Combien le pratiquent à petite échelle, plus modestement que Strauss ? Ca n'en fait sans doute pas des exemple de moralité ordinaire, mais pas non plus des malades.

4- Je n'ai rien compris au très long commentaire.

Anonyme a dit…

Non, je ne l' ai pas rencontré....mais je l'ai observé, ses attitudes, et j'ai vu ce qu' il était : un manipulateur narcissique...ça n' a rien à voir avec le terme "manipulateur" tel qu' on l' entend. Un manipulateur narcissique est extrêmement dangereux, est menteur, ne supporte pas la contradiction et peut passer de l' homme "charmant" à l' homme glacial et dur en quelques secondes (valable aussi pour une femme). J' ai vu opérer un homme comme cela dans mon entourage. La personne qui vivait avec, a mis 10 ans avant de se rendre compte comment il était : elle était totalement sous son emprise. De plus, ces hommes sont très souvent violents verbalement et physiquement.

Emmanuel Mousset a dit…

Je vous comprends. Mais vous faites de la psychologie, et je fais de la politique.

Erwan Blesbois a dit…

Ce que beaucoup de gens ne savent pas, c'est que la grande Révolution française de 1789, avec son héritage napoléonien a mis fin à 200 ans d'hégémonie française sur le monde. Que la catastrophique aventure napoléonienne, a mis en orbite pour plus de 100 ans, l'empire britannique comme première puissance mondiale, a préparé l'avènement de l'Allemagne qui s'est finalement soldé par un échec (Hitler faisant les mêmes erreurs militaires que Napoléon). C'est sur le plan démographique que tout s'est joué, les Françaises écœurées par les massacres de la Révolution et des guerres napoléoniennes, n'ont plus fait d'enfants, les populations anglaises et allemandes explosaient et dépassaient finalement rapidement celle de la France au cours du XIXème siècle. La France était condamnée à jouer un rôle de second plan à cause de Napoléon, ce "grand homme" si friand de chair à canon. Aujourd'hui les Allemandes ne font plus d'enfants, traumatisées par ce que le IIIème Reich a fait du dynamisme démographique allemand. Il faudrait un peu plus de mesure et de sérénité au plus haut sommet de l'Etat, et un peu moins de fanfaronnades républicaines. Regardez votre passé messieurs, il n'est pas reluisant.

Emmanuel Mousset a dit…

Si je te comprends bien, tout est de la faute à la Révolution ! Et ça te conduit politiquement à quoi ?

Erwan Blesbois a dit…

Que la république fut plutôt dans l'histoire un régime belliciste ou générateur de régimes bellicistes (l'Allemagne). Donc que les républicains devraient être plus modestes, que leur régime n'est pas la panacée, qu'il faut considérer que c'est faute de mieux, en attendant de trouver mieux. Que les républicains arrêtent de faire des moulinets avec leurs bras comme Sarkozy et Valls.