lundi 16 mars 2015

Le soleil de l'Aisne



L'Aisne est souvent cité, ces derniers jours, comme un département que le Front national pourrait remporter lors des élections départementales. Marine Le Pen s'en est vantée plusieurs fois. Florian Philippot, ce soir, dans le débat organisé par RTL, a fait aussi référence à l'Aisne. La venue de Manuel Valls et d'une dizaine de membres du gouvernement corrobore qu'il y a péril en la demeure. Déjà, aux élections européennes, le signal d'alarme avait été tiré. Aujourd'hui, un sondage renforce la terrible menace : 41% dans l'Aisne pour le FN. Plus terrible encore : le vote d'extrême droite est un vote de classe, jeune et ouvrier. Il se substitue en partie au vote traditionnel de gauche.

La semaine dernière, au journal du matin de France-Inter, Jean-Christophe Cambadélis a demandé à la gauche de ne pas se tromper d'ennemi ni d'analyse : le vote FN n'est pas motivé par un rejet de la gauche en particulier, encore moins de la politique gouvernementale. Quand on vote à l'extrême droite, ce n'est pas pour reprocher aux socialistes de n'être pas assez à gauche ! Non, la raison n'est pas politique, mais idéologique : c'est un vote identitaire, une crise culturelle profonde, un rejet global de la représentation politique. Je ne suis pas certain que les partis républicains aient mesuré l'ampleur, la profondeur, la gravité de ce mouvement antirépublicain, qui ne peut pas se réduire à une simple protestation sociale.

L'analyse du premier secrétaire du parti socialiste peut être utilement prolongée par les réflexions que nous propose l'excellent hebdomadaire Le un, consacré cette semaine à la montée du vote FN. Le point de vue du démographe Hervé Le Bras est particulièrement intéressant et iconoclaste : "le vote FN n'est plus porté par la question de l'immigration, c'est terminé, mais par celle des inégalités sociales". Par cette dernière expression, il ne faut pas entendre ce que la gauche y mettait traditionnellement : les différences de salaires, le clivage entre les exploités et les nantis.

Non, c'est plutôt ce que j'appelle une crise culturelle, sociologique, que Le Bras traduit ainsi : "le vote FN, c'est un trouble avec les voisins, la disparition d'un rapport de confiance. Le fait de ne plus connaître les personnes qui vivent à proximité nourrit un sentiment d'inquiétude". Je ne donne ici qu'un petit échantillon, il faut lire l'ensemble de l'analyse. J'en retiens que la gauche ne peut plus récupérer l'électorat FN par les moyens classiques, les catégories de la gauche traditionnelle.

Vendredi prochain, dans la matinée, une éclipse aura lieu dans le ciel de l'Aisne. Le soleil va s'assombrir, la pénombre va endeuiller notre département. Les anciens Romains y auraient vu un signe effrayant, l'annonce d'un grand malheur. Nous n'adhérons plus aujourd'hui à ces superstitions, nous sommes rationalistes. Le déclin de l'astre solaire ne durera qu'un temps. Dimanche, il faut que l'Aisne reste dans la lumière, qu'elle ne se perde pas dans une terrible obscurité.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Quand le parti socialiste au pouvoir fait la même politique que sarkozy, il n'y a donc rien d'étonnant que l'électorat se tourne vers ceux qu'ils croient anti-systême. Le meilleur moyen pour le ps d'enrayer la résistible ascension de mlp aurait été, une fois au gouvernement, de faire une véritable politique sociale... Mais ça on peut toujours rêver.

Emmanuel Mousset a dit…

Quand on est anti-système, on peut parfaitement voter pour l'extrême gauche. L'explication n'est donc pas celle que vous donnez.

Anonyme a dit…

Sauf que l'extrême gauche n'a pas la même diffusion médiatique que le fn. Les médias favorisent aussi le vote fn.

Anonyme a dit…

Voter pour l'extrême gauche impossible, explications ci-dessous ...
L'extrême gauche s'est tirée une balle dans chaque pied quand elle se déclare ou donne à penser qu'elle est favorable à l'immigration actuellement essentiellement de religion musulmane ostentatoire.
La culture française, celle de la fille aînée de l’Église, s'est distanciée au fil des siècles de la religion dominante catholique. Cette distanciation vis à vis du fait religieux a gagné toutes les couches de la société, y compris les couches les plus populaires et les femmes.
Boboland, par mépris des classes populaires, interprète cela comme du racisme alors que c'est non pas du racisme mais de l'anti-religion ou de l'a-religion !
Émile Combes et les siens ont gagné avec le temps leur combat idéologique certainement au-delà de ce qu'ils imaginaient
La religion musulmane qui leur semble trop prosélyte et trop visible importune les « à bas la calotte » (ou inconscients de l'être … leurs successeurs), « à bas la calotte » que la majorité des français sont devenus.
Bien entendu des réactions anti-religieuses poussées à l'excès peuvent donner les mêmes dévoiements que le racisme.
Par ailleurs le FN et encore plus le RBM est un parti de contestation sociale reprenant à son compte tout ce qu'a abandonné la « gauche ». Elle a abandonné l'idée socialiste, elle a abandonné l'idée sociale de protection (contre le dumping salarial par exemple, contre une immigration à « bénéfice patronal » pesant sur les très bas salaires et les emplois très peu qualifiés etc.)
Pour ce peuple contestataire il n'y a aucune raison que ceux qui n'ont pas bien travaillé conservent leurs emplois trop bien payés …
Ces élections qui vont se succéder pendant 3 ans peuvent se voir comme un licenciement collectif, licenciement collectif qu'on applique sans états d'âme aux gens de peu dans les entreprises.

Anonyme a dit…

Pour pouvoir voter plus à gauche que PS encore faudrait-il que des candidatures au moins EELV sinon FDG voire autre encore possible se soient manifestées... Elles sont où ces candidatures là ?
Quand j'ai vu arriver à sa réunion un candidat PS en Mercedes haut de gamme, cela a refroidi mon ardeur sociale par défaut de "verts"...
Pour ma part, je pense ainsi par défaut aller déposer un "blanc" dimanche matin...

Anonyme a dit…

Sauf que EELV et le FDG ne sont pas des partis anti-système. Pour preuve, ils n'ont pas hésité à appeler à intégrer le gouvernement socialiste et à multiplier les alliances électorales avec le PS.