mardi 31 mars 2015

Leçons de campagne



1- La politique gouvernementale ne doit pas changer. Ce ne sont pas des élections locales qui peuvent infléchir une ligne nationale. Après trois ans de gouvernance social-démocrate et deux qui restent à accomplir, on ne va pas se mettre à réorienter la politique du gouvernement ! Changer à mi-parcours, ce serait la pire des décisions, quoi qu'on pense de cette politique. Et puis, pour faire quoi à la place ? Tirer la leçon des urnes ? Oui, allons-y : les Français ont mis en tête l'UMP et assuré un beau succès au FN. En toute logique, il faudrait droitiser la politique gouvernementale : pas question ! Garder le cap, intensifier les réformes, c'est la seule solution. Le PS a perdu les élections départementales non pas parce qu'il ne gouverne pas assez à gauche (ça veut dire quoi, d'ailleurs ?), mais parce que les résultats se font attendre.

2- Il faut continuer le combat contre le FN. Le grand vainqueur du scrutin, c'est l'extrême droite, si l'on compare avec les précédentes élections cantonales. L'UMP a progressé de quelques points, arrivant en premier, mais le FN a fait un bond en avant, s'implantant désormais dans nos villes et campagnes, captant à son profit une partie de l'électorat populaire qui auparavant votait à gauche. C'est le FN qui peut mettre en échec le PS lors de la prochaine présidentielle : c'est donc lui qu'il faut combattre en priorité, danger pour la République. Le Premier ministre a vaillamment relevé le défi, lancé l'offensive, limité ainsi la casse dans les rangs socialistes : il faut poursuivre cette offensive anti-FN.

3- Le rassemblement de la gauche est possible. Sa division est l'une des causes de la défaite. Mais la désunion n'est pas une fatalité, contre toute apparence. Qu'est-ce qui rassemble ? Soyons réalistes : ce ne sont pas les idées (sinon, les partis ne se mettraient jamais d'accord); c'est la perspective du pouvoir, l'accès aux responsabilités, la répartition des places. En 1981, Marchais et Mitterrand se détestaient, le PCF faisait voter en sous-main pour Giscard. Mais la dynamique de la victoire a conduit les communistes à entrer au gouvernement. Aux primaires citoyennes de 2011, Montebourg, au second tour, a rallié Hollande, alors qu'il était politiquement plus proche d'Aubry. Pourquoi ? Parce que Hollande avait le vent en poupe, parce qu'il incarnait une possible prise de pouvoir. Aujourd'hui, au sein du PS, l'aile gauche, profondément hostile à la politique social-démocrate de Hollande, ne fera pourtant jamais sécession, parce qu'en dehors du parti, elle ne serait plus rien, elle perdrait son peu de pouvoir (bien qu'elle n'ait aucune influence sur la ligne politique actuelle). En politique, le pouvoir est la clé de tout, même quand c'est une petite clé. Le pouvoir, personne ne le refuse, sauf les fanatiques et les philosophes, mais ils ne sont pas très nombreux, surtout au PS. L'approche des présidentielles et des législatives de 2017 rassemblera tout le monde, quand il faudra y réfléchir à deux fois pour préserver ses intérêts électoraux. La politique, en démocratie, est rarement composée de suicidaires.

4- Le parti socialiste doit changer. Des sections exsangues, le fond du panier, les intellectuels qui désertent, des places fortes qui tombent, une immersion dans la société civile qui se réduit comme peau de chagrin, des élus qui gèrent ce qu'il leur reste de clientèles : le PS d'aujourd'hui, c'est la SFIO à la fin des années 60, avant que François Mitterrand ne refonde totalement le parti à Epinay. Il nous faut un nouveau congrès d'Epinay, non pas idéologique (le parti est définitivement social-démocrate), mais organisationnel. Car il n'y a plus vraiment de parti socialiste à la base, malgré les efforts de Camba : la gauche aujourd'hui, c'est l'action gouvernementale. Mais il faut bien une structure large et efficace pour la défendre et la populariser. C'est ce qui nous manque, c'est ce qu'il faut construire.

5- Il faut préparer les prochaines victoires. Les élections régionales, à la fin de l'année, ce sera difficile. Nous resterons probablement dans le prolongement des départementales. L'espoir, ce sont les présidentielles, avec cette fois les résultats de la politique gouvernementale, les divisions au sein de l'UMP, Sarkozy pas forcément meilleur candidat de la droite, le FN siphonnant les voix de l'UMP. Dans ce contexte, Hollande peut jouer sa partie et espérer gagner. La fenêtre de tir est étroite, mais elle existe. La leçon des départementales, c'est que le PS résiste à son étiage traditionnel, 20 à 22% de l'électorat. Par le passé, il a connu des défaites beaucoup plus lourdes, qui ne l'ont pas empêché de gagner quelques années plus tard (cantonales de 1992 et législatives de 1993, vraies catastrophes, mais victoire aux législatives de 1997). Si le PS a beaucoup perdu dimanche dernier, c'est aussi parce qu'il avait beaucoup gagné dans la décennie. Les résultats électoraux ne se jugent pas dans la fixité d'un scrutin, mais à travers une évolution sur plusieurs années. Un mouvement de balancier rythme notre vie politique. De plus, la présente défaite de la gauche a été amplifiée par sa division et la percée de l'extrême droite. Pour être honnête, le parti socialiste n'est pas en grande forme, mas il garde la forme. En attendant de prochaines victoires.

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