vendredi 13 mars 2015

Le meilleur des socialistes



Emmanuel Macron a participé hier soir à sa première grande émission de télévision, Des paroles et des actes, sur France 2. Le rendez-vous était très attendu. Le ministre de l'économie, depuis sa nomination, avait commis quelques bévues impardonnables en politique : il avait osé dire la vérité, appeler un chat un chat, un illettré un illettré et un pauvre un pauvre. Même les socialistes, qui devraient assumer ce vocabulaire social, ont du mal avec les mots et une patate chaude dans la bouche avant de l'ouvrir, se réfugiant dans des éléments de langage. Macron est direct, sans circonvolution : question de génération, aussi. L'homme politique à l'ancienne mode ne sortait de l'ambiguïté qu'à ses dépens, se faisait un point d'honneur de ne jamais répondre immédiatement à une question posée, ignorait le oui et le non tranchants, laissait ses propos libres d'interprétations, accumulait les deuxième, troisième, quatrième degrés et plus, pratiquait souvent l'ironie en guise d'argument.

Rien de tout ça chez le jeune ministre trentenaire, mais le contraire (à tel point qu'on se demande s'il est vraiment un homme politique) : l'oeil vif, la réplique facile, la concentration extrême, rien d'allusif, que de l'explicite, de la précision, de la technique. Un virtuose, quoi! Ce qui est logique pour un pianiste. Il en ressort quelque chose de neuf, de frais, qui fait du bien à la vie politique française, percluse par les rhumatismes. Je craignais un peu pour ces trois heures d'antenne en direct, trois débats et les questions des journalistes : j'ai été épaté, ébloui. Macron, c'est le meilleur d'entre nous.

Sa première qualité, à l'évidence, c'est sa supériorité intellectuelle, à faire blêmir les crapauds et les cageots du parti. Ses interlocuteurs, adversaires ou journalistes, il les écrase tous. D'ailleurs, les uns et les autres se tiennent à carreau, sentant qu'ils ne font pas le poids. Emmanuel Macron, c'est le premier de la classe qui a de la classe ! Moi qui n'ai jamais été bon élève et encore moins premier, je suis admiratif, je me laisse doucement dominer. C'est étrange : discuter avec un imbécile qui raconte n'importe quoi fatigue, mais écouter un homme intelligent qui dit des choses compliquées repose.

Je ne vous parle pas du contenu : rien de nouveau dans ce qu'il a dit. La vérité se passe de toute nouveauté. Quand on est honnête, on ne peut qu'être d'accord avec lui. C'est un technicien, mais pas non plus un technocrate. On sent la passion et la conviction en lui, il croit en ce qu'il fait et dit : c'est sa grande force, beaucoup plus que sa grande compétence. Macron, qu'on aurait pu croire lisse et consensuel, s'est révélé en réalité très offensif, ne laissant rien passer. Qu'est-ce que ses adversaires lui reprochent ? D'avoir été banquier ! A ce niveau d'argumentation, on peut dormir tranquille. Chacun son truc : pour gérer les comptes de l'Etat, je préfère un banquier d'affaires à un marchand de cacahuètes.

On se trompe en croyant qu'Emmanuel Macron est un séducteur. Ce n'est pas du tout ça : il ne compose aucun personnage, il n'a pas la volonté de plaire, il ne flatte personne, il insiste sur le collectif, ne se met pas en avant. Le ministre dit ce qu'il pense, se présente tel qu'il est, tout simplement. Un beau gosse n'est pas forcément un séducteur (c'est plutôt le crapaud qui rame en ce sens). Mais j'ai été séduit, je me suis dit : des petits Macron, il en faudrait des milliers à tous les étages du parti ...

Son premier contradicteur a été Philippe Martinez, le nouveau secrétaire général de la CGT, un type incroyable, tout droit sorti d'un film de Jean Yanne des années 70. Moustache contre sourire d'ange, quel catch ! Le gagnant ? Honnêtement, personne : l'un et l'autre ne boxent pas dans la même catégorie, évoluent dans des mondes différents, n'appartiennent pas à la même gauche. Difficile de les départager : le vainqueur, ce sera celui dont on se sent le plus proche. Martinez est un brave, mais Macron est un bon : mon choix est vite fait.

Avec Apparu, le débat était singulier. Ces deux-là, finalement, sont assez proches, autant que peuvent être proches le centre droit et le centre gauche. Ce qui les sépare, ce sont les logiques d'appareil, à quoi Macron se dit complètement étranger, à quoi il préfère les majorités de convictions. Oui, tout ça me va aussi. Et puis est venue la confrontation avec Florian Philippot, du Front national : Emmanuel Macron a torché le morveux, c'était un régal ! Le facho à cravate ne savait plus quoi répondre, à part réciter son bréviaire. Le morceau d'anthologie, qui fera date au zapping, c'est l'échange sur la Chine, ce con de Philippot prônant un protectionnisme intelligent, Macron lui expliquant magistralement que faire le malin devant la puissante Chine conduirait notre économie au chaos. J'aurais bien voulu que le combat se poursuivre, pour le plaisir de voir le n°2 du FN recevoir des gifles supplémentaires (il a la tête à ça).

A mes amis de gauche qui hésitent encore, je pose la question décisive : aimeriez-vous que votre fils ressemble à Macron ou à Mélenchon ? Je n'ai pas besoin de donner la réponse tellement elle va de soi. Les grands questionnements idéologiques se résolvent parfois par des constats existentiels. A la fin de l'émission, j'aurais bien vu quelques assistants amener sur le plateau un piano, où Emmanuel Macron se serait installé pour nous faire des gammes ou interpréter un morceau, avec autant d'aisance qu'il nous avait parlé de graves problèmes économiques et financiers, ne quittant jamais ce sourire qui le met à distance de la vie et des autres.

Le meilleur des socialistes a-t-il un avenir ? Il ne faut jurer de rien en politique, lui-même l'a très bien compris. Son principal défaut, c'est sa première qualité : la supériorité intellectuelle. On peut pardonner à quelqu'un beaucoup de choses, avoir fait une crasse, être infidèle, mentir, mais pas d'être supérieurement intelligent. La nature humaine n'est pas suffisamment humble et généreuse pour pratiquer ce genre de pardon. "Les ratés ne vous rateront pas", je ne sais plus qui disait cela. C'est pourquoi je formule tous mes voeux de réussite à Emmanuel Macron, je lui souhaite le plus bel avenir possible parmi les socialistes, mais je ne suis pas sûr non plus qu'il n'y laisse pas sa peau.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Puisque j'ai plus que l'âge je choisis Mélenchon qui a l’agressivité permettant de rebondir dans un monde de brutes.
Pour Macron j'aurais peur que l'on lui fasse du mal et que çà le casse.
Considérations affectives primaires mais ainsi peuvent être les pères !

Anonyme a dit…

je suis d accord Macron il fait parti d une generation differente - pas nouvelle - de politicien, en Anglais il est on the edge of the box, rather than outside the box.