jeudi 27 juillet 2017

Un drôle de libéral



Emmanuel Macron est tout autant un drôle de libéral que Bourvil était un drôle de paroissien, dans le film de Jean-Pierre Mocky portant ce titre. Sa première décision de politique industrielle est tombée cet après-midi : nationaliser les chantiers navals STX de Saint-Nazaire ! Bien sûr, ce n'est pas une nationalisation au sens du Programme commun des années 70 : pas d'étatisation, de rachat ou d'expropriation, mais une prise de participation temporaire, en vue de reprendre les négociations avec le groupe italien qui veut s'emparer du site français et obtenir de lui un accord plus satisfaisant. Malgré tout, c'est une mesure qui contredit le libéralisme que ses adversaires imputent à l'actuel gouvernement.

Ce n'est pas une surprise : Emmanuel Macron a toujours défendu, en matière d'économie, un point de vue pragmatique. Son étonnant ni droite ni gauche s'illustre ici parfaitement : ni libéralisme sauvage, ni étatisation autoritaire. Surtout, contre l'idéologie purement libérale, Macron s'est fait, durant la campagne présidentielle, le défenseur d'un Etat stratège, interventionniste quand il le faut. Ce n'était pas chez lui des paroles en l'air : en tant que ministre de l'Economie, il s'était par exemple illustré dans la défense de l'acier français contre les velléités chinoises. On en vient donc à se demander pourquoi ses adversaires l'ont affublé de cette étiquette à leurs yeux infamante, que la réalité dément : libéral.

La nationalisation temporaire est un concept inventé il y a dix ans par un autre drôle de libéral : Dominique Strauss-Kahn ! Le malentendu des antilibéraux est sémantique : il vient de ce qu'il confonde libéralisme et capitalisme (remarquez bien qu'ils se proclament antilibéraux, et pas anticapitalistes). La différence est très simple : le libéralisme est une idéologie qui repose, comme son nom l'indique, sur la liberté, qu'elle érige en absolu. Pour un libéral, on ne peut pas dissocier la démocratie et le marché. Cette école de pensée provient du siècle des Lumières. Locke, Montesquieu ou Condorcet en sont quelques exemples. C'est un courant progressiste, la gauche des origines, devenue social-démocratie de nos jours. L'histoire lui a donné raison : le socialisme autoritaire, qui nie le marché et accorde tout à l'Etat, aura été un échec et une tragédie. La gauche antilibérale n'est qu'un discours, une posture qui se termine dans la tyrannie et dans le sang lorsqu'elle arrive au pouvoir, à Moscou, à Pékin ou à Cuba.

Le capitalisme, lui, n'est pas une idéologie, mais un mode de production économique qui repose sur le profit et qui n'hésite pas à avoir recours à l'Etat quand ça l'arrange (par exemple pour mettre en place des politiques protectionnistes ou pour chasser des concurrents encombrants). Karl Marx explique fort bien comment le capitalisme déteste la concurrence, favorise la concentration, aboutit à la formation de cartels, de trusts. En ce sens-là,  le libéralisme est anticapitaliste : il combat la rente, le monopole, l'héritage, il organise le marché à travers des règles rigoureuses, à l'opposé du laisser aller laisse faire dont on le caricature. On dirait que les antilibéraux, qui mélangent tout, ont étudié l'économie dans Bibi Fricotin. Leur haine de ce qu'ils croient être le libéralisme va jusqu'à ne pas le préférer au fascisme (lui aussi antilibéral), par exemple en refusant de choisir entre Le Pen et Macron au second tour de la présidentielle, ce que n'a jamais osé la gauche républicaine. Etrange, aveugle et dangereuse gauche antilibérale !

Mais ce n'est pas elle qui prendra le pouvoir, ni aujourd'hui, ni demain : l'histoire a tranché en sa défaveur. Les 7 000 emplois de STX, la défense du savoir faire français, la préservation d'un site unique dans la construction de navires militaires, c'est au libéral Emmanuel Macron qu'on le doit. Un drôle de libéral !

11 commentaires:

citoyen a dit…

mélanger allégrement liberalisme( économique car cet adjectif ne s'applique qu'à l'économie) avec liberté comme dit l'autre " faut l'faire" et vous l'avez fait; on attendait une lecture plus nuancée de votre part mais hélas vous êtes devenu macron dépendant ..comme vous étiez DSK dépendant..en attendant le suivant; en fait vous êtes une girouette* cherchant- en vain-(combien d'échecs?) à exister en politique; dans quelques années Mousset deviendra ( sur le plan local car votre "notoriété est quand même très limitée) un nom commun comme rustine, macadam ( je ne vous souhaite pas "poubelle" ) ,synonyme d'opportuniste pour coller exactement à la chanson de Jacques Dutronc
*pour la girouette, je connais la formule d'Edgard Faure donc inutile de me la rappeler

Erwan Blesbois a dit…

Oui oui tout va bien, il suffit de sortir dehors pour voir les bienfaits du libéralisme sur 300 ans : des routes, des ronds points et des bagnoles partout, le vacarme qui en découle partout. Les paysages ruraux défigurés, le réchauffement climatique, le ciel saturé d'avions. L'intimité du foyer, violé par cet écran que l'on appelle télévision et devant lequel petits et grands sont en dévotion. Le monde entier rongé par cette étrange gangrène que l'on appelle libéralisme. Jamais le monde n'a été aussi laid, le monde du travail a bouffé tout le reste. Et ce n'est qu'un très pâle échantillon de ce qui nous attend.

Erwan Blesbois a dit…

Mais puisqu'on vous dit que toute cette laideur qui envahit tout le champ du visible, n'est qu'apparente, et qu'au fond de lui même, dans son intimité la plus profonde, mais tellement profonde que personne ne la ressent, jamais l'humanité n'aura été aussi libre : mais enfin c'est l'évidence même...

Philippe a dit…

LA MELANCOLIE
C'est un' rue barrée
C'est c'qu'on peut pas dire
C'est dix ans d'purée
Dans un souvenir
C’est d’voir marcher un Mousset
Pour un Macron en limousine
Bon, bien sûr, Léo aurait trouvé quelques mots beaucoup plus percutants !

Erwan Blesbois a dit…

Je ne pense pas être assez stupide pour ne pas faire du matérialisme, l'essence même de la perversion : c'est le monde où nous vivons.

A P a dit…

ni ni ou en même temps ?
Ni gauche ni droite ou gauche et en même temps droite ?
Que ne faut-il pas essayer pour tenter de faire oublier un minimum le coup et le coût des cinq euros des A P L ?

Valérie a dit…

il agit simplement en banquier. il s'appréte à faire une plus value ou pas car il a déjà dealé avec un de ses généreux donateurs pour lui revendre l'affaire!!!! on en reparlera!!!!!!

Emmanuel Mousset a dit…

AP : nationaliser pour faire oublier les 5 euros des APL, c'est prêter à Macron une intelligence politique qui ne va peut-être pas jusque là ! Surtout, ce serait payer très chère un oubli que personne d'ailleurs n'oublie. Votre argument est extravagant et irrecevable.

Valérie : Si Macron réalise une plus value pour remplir les caisses de l'Etat, je dis bravo, génial ! Mais là encore, c'est attribuer à Macron trop d'intelligence politique. Il cherche plus modestement à préserver un site, la nationalisation lui permettant de se mettre en position de force dans la suite des négociations. D'autre part, ce n'est pas parce qu'on est un ancien banquier qu'on agit en banquier à la tête de l'Etat. C'est d'ailleurs impossible : les deux fonctions sont complètement différentes. Un chef d'Etat ne fait pas plus value : à son niveau, dans sa fonction, ça n'a aucun sens. Chef d'Etat et chef d'entreprise, ce n'est pas la même chose.

Philippe a dit…

"Un chef d'Etat ne fait pas plus value : à son niveau, dans sa fonction, ça n'a aucun sens. Chef d'Etat et chef d'entreprise, ce n'est pas la même chose. "
Faut un peu relativiser ...
Il y a eu dans notre histoire française de véritables entreprises familiales à la tête de l'Etat.
Pour ce type de gouvernance familiale nous ne sommes "tranquilles" que depuis 1870 ...

Emmanuel Mousset a dit…

Evidemment, je ne remontais pas aussi loin dans notre histoire. Mais bravo pour votre perspicacité de longue durée !

Philippe a dit…

La perspicacité de brève durée ! Une curiosité locale ?
En effet quand on marche ... dans la vie ... il ne faut pas regarder que le bout de ses godillots mais aussi regarder derrière et devant.
Revenons à la politique politicienne
Derrière on sait un peu mais devant ... devant si les circonstances s'y prêtent on se passera du vote des citoyens ... 2005 l'oligarchie de droite a ouvert la voie, en Grande Bretagne on y pense fortement ... à suivre !
et la Commission européenne constituée de non élus qui réprouve les votes ne lui conviennent pas, et menace de pan-pan cul-cul les élus « non conformes » en les priant instamment de revoir la copie des citoyens
L’avenir ne sera plus la famille au sens des bonaparte mais plus probablement la Pieuvre au sens du film « L’honneur des Prizzi ».