mardi 18 juillet 2017

Pierre, Paul et le loup



La suppression de la taxe d'habitation, on est pour ou contre : c'est un choix politique, avec ses avantages et ses inconvénients. Emmanuel Macron a inscrit cette mesure dans son programme : il a été élu, il doit donc l'appliquer, il a dit hier qu'il le fera. Il y a au moins un point sur lequel tout le monde, droite ou gauche, s'accorde : la taxe d'habitation est le plus injuste de tous les impôts. La droite, qui réclame à corps et à cri la réduction des impôts, devrait être heureuse de cette suppression. La gauche, qui ne jure que par la justice sociale, l'égalité, le pouvoir d'achat pour les plus modestes, devrait s'enthousiasmer pour une réforme qui va dans ce sens. Et pourtant, sa suppression est loin de faire l'unanimité. J'ai écouté les arguments contre, ils se réduisent à trois, aucun n'est convaincant :

1- L'argument du loup. C'est l'axiome de Martine Aubry, inspiré par sa grand-mère : Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup. La suppression de la taxe d'habitation aurait le sien, caché. Argument nullissime : l'alerte au flou est une facilité rhétorique, fréquente aujourd'hui. Face à n'importe quelle réforme, son adversaire le plus primaire dire : c'est flou, et s'en tirera ainsi à bon compte, puisqu'il est inutile et impossible d'argumenter contre le flou, de même qu'on ne se bat pas contre le brouillard. Essayez : prenez n'importe quoi, dites "c'est flou" et vous aurez gagné. Sauf que vous aurez dit n'importe quoi, et que ça se voit ! Le projet de Macron concernant la suppression de la taxe d'habitation n'est pas du tout flou, mais très précis. Quoi de plus précis que de dire : Je vais supprimer la taxe d'habitation en 3 ans, pour 80% des assujettis ?

Vous allez me dire : Nous ne connaissons pas les détails. Ah ! les détails ... Mais je n'en ai rien à faire, des détails. Ce qui m'intéresse d'abord, c'est la mesure politique, le principe général : les modalités techniques viendront forcément après et confirmeront la décision de départ. Elles seront discutées par les spécialistes et par les parlementaires. Si Macron arrivait avec un projet vissé jusqu'au dernier boulon, ses adversaires auraient beau jeu de dire qu'il ne laisse aucune place au débat parlementaire, que c'est quelqu'un d'autoritaire, qu'il impose une mesure sans discussion possible ! Laissons donc le flou de côté : il n'y a pas de loup, c'est le pauvre argument de ceux qui n'ont pas d'argument.

2- L'argument de Pierre et de Paul. Non, rien à voir avec les saints et glorieux Apôtres. Là encore, le pseudo-argument s'appuie sur une sorte de proverbe, dont sont très friands ceux qui n'argumentent pas vraiment : déshabiller Pierre pour habiller Paul. Comme pour la fable du loup, vous pouvez ressortir la blague à n'importe quelle occasion, à propos de n'importe quelle réforme que vous ne portez pas dans votre cœur (allez-y, essayez, vous verrez, ça marche à tous les coups, à tel point qu'on se croirait presque intelligent en utilisant ce sophisme). La suppression de la taxe d'habitation, c'est très bien, disent ces paradoxaux adversaires, mais ce qu'on vous donne d'une main, on vous le reprend de l'autre (encore une formule triviale !), puisqu'il faut bien compenser quelque part, il faut bien qu'au bout de la chaîne il y ait quelqu'un qui paie.

Ah ! bon ? Mais alors, selon cette apparente logique et ce faux bon sens, aucune réforme n'est possible, puisque de toute façon il y a toujours quelqu'un qui paie quelque part ! C'est la théorie du déplacement des problèmes : vous croyez en régler un, vous n'avez fait que le transporter ailleurs. Non, ce mécanisme mental n'est pas le mien. Non seulement parce qu'il est grippé, fallacieux, erroné et même vicelard, mais surtout parce qu'il est l'argument de tous les conservatismes : on sait ce qu'on perd mais on ne sait pas ce qu'on gagne, c'est bien en théorie mais c'est mal en pratique, le mieux est l'ennemi du bien, c'est pire que mal, et blablabla. Moralité : ne changeons rien du tout ! Voilà le discours de nos fringants néoconservateurs. Désolé, ce n'est pas le mien : je suis progressiste, pour la justice sociale, l'égalité et je veux que les choses avancent, qu'on supprime complètement, et pour tout le monde, la taxe d'habitation.

3- L'argument des inquiets. Ce sont les maires de France. Ils sont inquiets, et l'inquiétude est un sentiment qui se respecte. Qu'est-ce qui les inquiète ? Le manque à gagner, la perte de recettes qu'entraine la suppression de la taxe d'habitation. Il est vrai que c'est inquiétant, quand on est élu local. Mais est-ce qu'on peut baser un choix politique sur la seule inquiétude ? Non. Moi-même, plein de choses m'inquiètent, ça n'empêche pas de m'engager, de faire des choix. La vie en général est faite d'inquiétude. On ne ferait rien si on voulait abolir l'inquiétude, supprimer le risque, effacer l'incertitude.

Emmanuel Macron a levé cette inquiétude : la perte sera compensée "à l'euro près". Voilà qui rassure, qui est précis. Mais non : les maires de France sont toujours inquiets. C'est une question de nature : le conservateur est pessimiste et inquiet, le progressiste est confiant et enthousiaste. Toute l'Histoire de France le confirme. Les maires craignent aussi de perdre ainsi leur autonomie financière. Ok, très bien : continuons à défendre l'impôt le plus injuste de France, au nom de l'autonomie financière des collectivités territoriales ! Si l'argument est recevable chez certain, il ne l'est pas chez moi.

Voilà ce que j'avais à vous dire sur la suppression de la taxe d'habitation. Jospin en avait rêvé, Macron le fait. Libre à vous, ami lecteur, d'être l'ardent supporter de la taxe d'habitation : assumez, et je vous attends. Mais ne me ressortez pas la fable de Pierre, de Paul et du loup : je ne suis plus un enfant.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

La taxe d'habitation serait injuste. Alors pourquoi la maintenir pour 20% des foyers les plus aisés? Ils n'ont qu'à ne pas l’être? L'impôt sur le revenu est un impôt "compensateur" bien justifié pour assurer la cohésion sociale. Il est peu contesté. La taxe d'habitation, nouvelle formule devient un second impôt sur le revenu! Alors par exemple pourquoi pas surtaxer l'essence ou le prix de la baguette des familles au revenu correct etc...

Anonyme a dit…

Un point toutefois de réflexion : la taxe d'habitation est un impôt à l'assiette très large. Or, s'il y a bien un enseignement que nous pouvons retenir des dernières élections, c'est la mobilisation des contribuables "directs" et la sous-mobilisation des nombreux Français non assujettis à l'impôt sur le revenu.
La taxe d'habitation constitue l'un des rares impôts sur lesquels les exécutifs locaux ont un pouvoir de taux. En la supprimant, c'est autant le lien avec l'électeur municipal que l'on fragilise. Quand on sait que l'Etat promet une compensation à l'euro prêt, on est donc clairement sur une mesure sans effet d'opportunité pour les finances publiques mais avec un fort impact politique local.
A noter également de nombreuses exonérations existent déjà pour les foyers les plus modestes et que la taxe d'habitation ne disparaîtra pas demain pour tout le monde. Prenons l'exemple des maisons secondaires. Comme quoi ce serpent de mer des finances territoriales n'est pas qu'une question de caprice d'élus mais de stratégie politique.

Emmanuel Mousset a dit…

1- La taxe d'habitation, à terme, sera supprimée pour tous. Les plus aisés peuvent attendre ; ce n'est pas une "injustice" dont ils vont beaucoup souffrir.

2- Les municipalités ne sont pas des féodalités. Au dessus de l'électeur municipal, il y a le citoyen de la République et son vote national. Les municipalités sauront très bien se débrouiller sans la taxe d'habitation. Elles feront ce que nous faisons tous : elles s'adapteront.

Philippe a dit…

"1- La taxe d'habitation, à terme, sera supprimée pour tous. Les plus aisés peuvent attendre ; ce n'est pas une "injustice" dont ils vont beaucoup souffrir."
C'est vrai il faut bien éponger les ardoises de nos grosses têtes ... qq milliards !!
à lire
http://www.lejdd.fr/economie/uranium-la-mauvaise-mine-dareva-au-niger-3371576


Valérie a dit…

avec 25% le ravi de la crêche est le chef, le chef de quoi, le chef de mon cul ! je n'ai pas voté pour ce mégalo pervers narcissique! et j'en suis fiére! je ne pensais pas un jour entrée dans une dictature car ce bas du front à courte vue ne prospose RIEN! lol mon post sera censuré mais tu l'auras lu! mon plus profond mépris pour ce guignol qui nous qui nous gouverne!!!!!valérie!!!!!

Emmanuel Mousset a dit…

Non, au contraire, j'aime beaucoup ce genre de "commentaire", tellement excessif et épidermique qu'il ne peut que donner involontairement raison à Macron, si les seuls reproches qu'on peut lui faire sont ceux-là. Un commentaire raisonnable, argumenté et réellement critique me poserait beaucoup plus de problème, mais je ne le supprimerais pas non plus.