dimanche 9 juillet 2017

Saint Blaise Pascal ?



La grande nouvelle du week-end aura été incontestablement la possible béatification du philosophe français Blaise Pascal par le pape François. Le dossier promet d'être passionnant, car la décision est loin d'être évidente. En faveur du philosophe, il y a sa vie. Quoiqu'il ait fréquenté un temps les salons des grands seigneurs libertins, son existence a été austère, jusqu'à l'ascétisme. A ce que l'on sait, il n'a jamais entretenu aucun commerce charnel, restant chaste tout au long. Voilà un bon point. Il a même porté un cilice pour calmer d'éventuelles ardeurs. Surtout, Pascal a pratiqué exemplairement la charité. Peu de temps avant de disparaître, il hébergeait chez lui une jeune fille pauvre.

Mais il en faut plus pour devenir saint. Ce qui précède, un sage stoïcien ou un philanthrope laïque peuvent tout aussi bien s'en targuer. Blaise Pascal a-t-il eu une expérience mystique, un contact surnaturel ? Oui ! C'est sa fameuse nuit de feu. Il en a tiré un texte, d'une grande élévation spirituelle, écartant au passage tout soupçon de dinguerie. Ces quelques heures ont été si importantes pour lui qu'il en a gardé le papier (appelé Mémorial) dans la doublure de sa veste, découvert par hasard après sa mort, quasiment par miracle.

Puisque nous parlons de miracle, en avoir fait un, directement, avancerait le dossier de béatification. Mais je crains qu'il faille répondre non. Il y a bien le miracle de la Sainte-Epine : sa nièce guérie, sans intervention ni explication médicales, simplement en touchant la couronne du Christ. Mais Pascal n'y est pour rien, sauf par ses prières.

Autre pièce qui peut jouer en sa faveur, mais discutable elle aussi : le philosophe chrétien est connu pour son ouvrage "Les Pensées", une collection de réflexions qui visaient explicitement à une apologie de la Religion. La sainteté se mesure aussi à l'influence spirituelle. Sauf que le livre a inspiré de nombreux athées (je citerais Althusser, Bourdieu), qui trouvaient à travers ces pages une intéressante psychologie, une forte morale et même une critique politique. Mais ce n'est pas tant pour son étude des Saintes Ecritures que les "Pensées" ont été honorées. Quant au célèbre "Pari de Pascal" sur l'existence de Dieu, a-t-il jamais convaincu ou converti qui que ce soit ?

Plus épineux (sans jeu de mots avec le miracle susnommé), il y a l'appartenance de Pascal au courant janséniste. Cette secte (au sens américain, non péjoratif) défendait et pratiquait un christianisme des origines, pur, rude, évangélique, admirable mais condamné par l'Eglise de l'époque. Les jansénistes lorgnaient vers saint Augustin, alors que les intellectuels catholiques en pinçaient pour saint Thomas d'Aquin.

Il y a pire : Blaise Pascal a écrit un pamphlet, un brûlot contre les jésuites, "Les Provinciales", dans lequel il les tourne en dérision, en les contestant violemment. Ce sont eux qui au Vatican et ailleurs tenaient le haut du pavé, et c'en est un sacré que Pascal leur envoie à la gueule. Si François, premier pape jésuite, procédait à la béatification du pire ennemi de la Compagnie de Jésus, ça ne manquerait pas de sel. Mais justement : ne manquons-nous pas aujourd'hui de ce sel de la terre dont parle l'Evangile? Après tout, ce même François a cité, dans son discours d'intronisation, l'écrivain Léon Bloy, qui dégueulait contre les cathos de son temps.  Et puis, entre chrétiens, le pardon est tout de même possible, passés quelques siècles.

Pascal a-t-il été martyr ou confesseur de la foi ? En matière de sainteté, c'est une preuve décisive. Louis XIV a durement persécuté les jansénistes et fait fermer leur centre de Port-Royal. Mais Pascal lui-même n'a rien subi, à part les contrariétés que rencontre tout intellectuel qui ne pense pas comme la majorité. Il y a plus embêtant : la sainteté se traduit par la dévotion populaire qu'elle suscite, avant ou après la mort. A quoi sert un saint, sinon à intercéder en faveur des fidèles, auprès de Dieu ? Or, a-t-on jamais vu ou entendu parler d'un chrétien priant Pascal pour que le saint philosophe lui attire les faveurs du Très-Haut ? Moi pas. Mais ce n'est pas non plus une contre-preuve rédhibitoire.

Voilà ce qui me vient immédiatement à l'esprit. L'affaire est à suivre, le dossier à compléter. Ce qui est certain, c'est que Blaise Pascal n'entrera pas en odeur de sainteté comme Simone Veil a été élue au Panthéon : il faudra une longue enquête, des témoignages, des preuves, des expertises et des contre-expertises. Les catholiques sont plus méfiants et scrupuleux que les républicains avant d'admettre l'un des leurs parmi les saints.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Et pourquoi pas SAINT MANU MOUSSET ; moine infatigable de la politique .........

Emmanuel Mousset a dit…

C'est trop. Et puis, il m'arrive de me fatiguer.