samedi 29 juillet 2017

LREM contre le vieux monde



Durant toute cette semaine, il a beaucoup été question des "couacs" à l'Assemblée nationale : vice-présidente débordée, votes mal organisées, cacophonie générale. La faute à qui ? A la République En Marche, bien sûr ! Ils sont nouveaux, ne savent pas gérer les débats, font n'importe quoi. Ah ! avec les vieux briscards du parlementarisme, qui savaient tout du fonctionnement depuis plusieurs décennies, c'était autre chose : efficacité garantie !

Eh bien non : vive le désordre ! Ou plutôt : vive le nouvel ordre ! Car tout dépend, comme toujours, de quel côté on se place, comment on voit les choses. Je ne parle même pas de l'argument de l'apprentissage : il est évident et donc ne m'intéresse pas. Non, je veux souligner et soutenir le vent de fraîcheur qui souffle sur le Palais-Bourbon. On a ouvert les portes et fenêtres, des novices se sont installés, les pratiques changent : bravo et encore !

L'ordre ancien, c'était des pupitres qui claquent, des bourrins de la politique qui lancent des vannes, des exclamations pour déstabiliser les intervenants, des rappels au règlement pour la forme, de fausses indignations, des oppositions de circonstance, des sorties d'hémicycle pour faire théâtre, des textes qu'on ânonne parce qu'on est incapable de s'exprimer sans notes et qu'on répète ce que le Parti a dit de répéter, des questions orales le jour où les débats sont filmés pour que les électeurs voient leur député à la télé ... Ah ! il était joli, le vieux monde, pas mort mais qui bouge encore : c'est ainsi qu'il faut comprendre les récriminations infondées et polémiques qui se sont abattues sur les députés de la LREM, dont je salue le courage, l'opiniâtreté et l'efficacité face à ce vieux monde qui leur fera plus de crocs-en-jambe que de cadeaux.

Et savez-vous quelle est la raison de fond (car en politique, il faut toujours en revenir au contenu politique, au-delà des gesticulations d'empêchement) ? La loi sur la moralisation de la vie publique. C'est une révolution sur laquelle on n'insiste pas assez. Imaginez un peu : un parlementaire ne pourra plus embaucher des membres de sa famille, le sang n'étant plus le moyen de se constituer d'indéfectibles fidélités. Un parlementaire ne pourra plus disposer d'argent propre à distribuer comme il l'entend (la suppression de la réserve parlementaire). Un parlementaire devra se faire rembourser de ses frais en présentant les justificatifs, comme un vulgaire quidam. De quoi provoquer un scandale et faire hennir le vieux monde !

Le plus drôle, c'est que l'Assemblée nationale, malgré les doutes, les critiques et les résistances sur ce projet de loi, l'a finalement adopté dans une très large majorité. Beaucoup de députés ont crié, mais très peu se sont levés pour voter contre. Après tout, la nuit du 4 août 1789, les représentants de l'aristocratie aux Etats Généraux ont bien voté pour l'abolition de leurs propres privilèges ! C'est là la force immense du macronisme, qui a déjà balayé bien des habitudes anciennes et qui va continuer sa révolution : être en phase avec l'opinion publique, traduire par des décisions politiques les aspirations profondes de la population. Contre ça, le vieux monde ne peut rien et finit par courber l'échine. Au Parlement, les chiens aboient et la caravane macronienne passe, en écrasant tout sur son passage. 

Et pour quel résultat ? Un parlementaire qui ne sera plus ce qu'il était depuis déjà longtemps : une hyper assistante sociale, qu'on sollicite pour des sous, des places ou de menus avantages, dans une totale illusion, puisqu'un député ne peut rien de tout ça, sauf à la marge. Enfin ! la noble fonction de parlementaire est restituée dans sa fonction initiale : faire les lois, et rien que ça. Sous la Révolution française, c'est ainsi qu'on le comprenait, avec raison.

Nos grands ancêtres républicains auraient été stupéfaits de voir un représentant du peuple couper le cordon d'inauguration d'une foire au boudin, se mêler de l'économie locale en se targuant de l'implantation d'une entreprise (dans laquelle il n'y est pour rien le plus souvent), donner un peu d'argent pour un concours de pétanque. On a fait descendre la République bien bas ... Je rêve d'antiquité, d'Athènes et de Rome, comme nos révolutionnaires de 1789 : un parlementaire qui soit ce qu'il devrait être, le législateur de la République, et uniquement ça. Avec Macron, avec En Marche, on y va.

11 commentaires:

Philippe a dit…

Pas de cocorico svp dans les pays nordiques cela se fait depuis longtemps.
Au Danemark les journalistes peuvent aller consulter les dépenses demandées en remboursement par chaque parlementaire et en consulter les justificatifs donc leur sincérité et bien fondé.
On en est pas là !
Le « macronisme » n’en est qu’une pâle copie timorée !

Emmanuel Mousset a dit…

Ca se fait ailleurs mais ça ne se faisait pas en France avant Macron : cocorico !!!

Philippe a dit…

L'emploi que j'ai fait du mot cocorico était une allusion à Coluche.
Notre ami Mousset confirme.

Emmanuel Mousset a dit…

Coluche ? Une référence qui m'honore.

Philippe a dit…

Le nouveau Monde est très vieux !
La guerre du faux bat y son plein … Petit clin d’œil à Umberto Eco.
Dans la news :
http://actu.orange.fr/france/plus-value-chez-danone-penicaud-juge-les-accusations-absurdes-et-blessantes-CNT000000LzgNu.html
je lis :
Selon Mme Pénicaud "il est important de se dire que les entrepreneurs, des dirigeants, des personnalités qui prennent des risques, qui vont créer en réalité de la valeur économique et donc de la possibilité d'emploi, c'est normal que, sans excès, ils gagnent de l'argent et aient le retour de leur investissement et de leurs responsabilités".
Sauf qu’un DRH (appellation du même tonneau que préposé à la place de facteur) n’est pas une fonction dans laquelle des risques importants sont pris dans une entreprise.
Le nom ancien de cette fonction subalterne était : « chef du personnel ».
J’en ai fréquenté certains comme amis, ils sont peu payés quand tout va bien.
Par contre pour les exécutions sociales que sont les licenciements collectifs ils sont très bien payés.
Tout a été dit sur leur mentalité dans le film « Une étrange affaire » de Pierre Granier-Deferre.
Picoli y joue le rôle de bourreau.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous semblez étonné, parce que votre jugement est purement moral (ce n'est pas un reproche, c'est une précision). Qu'un chef du personnel, qui est là aussi pour licencier quand c'est nécessaire, soit mieux rémunéré quand il a du travail, en l'occurrence la conception d'un plan de licenciements, c'est normal. Mais dans votre a priori moral, comme dirait Kant, licencier est mal et un licencieur est une personne mal intentionnée. Qui a raison, qui a tort ? C'est une question de "point de vue", comme dirait Nietzsche. Vous avez donc entièrement raison ... et moi aussi.

Philippe a dit…

" Qu'un chef du personnel, qui est là aussi pour licencier quand c'est nécessaire"
Tout est dans le "quand c'est nécessaire".
et surtout qui en estime la nécessité.
Danone est un groupe international qui a toujours fait des bénéfices.
Je me suis renseigné sur les sites d’infos économiques.
Après un bénéfice de 1.8 milliards d’euros enregistré pour l’année 2011, une augmentation de 5.4% des dividendes versés aux actionnaires, Danone décide de supprimer 900 postes, invoquant la baisse de consommation.
En fait comme pour d’autres grands groupes CAC40 le but est de se séparer du personnel d’encadrement qui a un peu d‘ancienneté.
Un peu comme si l’État pouvait licencier les profs ayant 15/20 ans de maison pour les remplacer par d’autres nouveaux n’ayant pas d’ancienneté … sûr que le contribuable s’y retrouverait !
Avec notre ami E.Mousset on finit par compléter/pasticher beaucoup de grands textes.
Celui de Martin Niemöller cette fois :

Quand ils ont licencié les Danone,
il n’a rien dit,
il n’était pas un Danone.

Quand ils ont licencié les profs de philo,
il ne restait plus personne
pour protester. »

Emmanuel Mousset a dit…

Si l'Etat décidait de supprimer l'enseignement de la philosophie dans les lycées (qui est une exception française), il aurait sans doute ses raisons et sa décision relèverait de sa responsabilité. Quant à moi, je ferais autre chose, comme je faisais autre chose avant d'être enseignant. Ce ne serait pas non plus un drame.

Philippe a dit…

Votre réponse ne correspond ni à votre âge ni à notre époque …
Dans cette situation, à notre époque et à votre âge vous devenez un … un rien chez les riens ... de sous préfecture
Mais tout finit par une chanson
https://www.youtube.com/watch?v=22pvsGx1dPs

Emmanuel Mousset a dit…

Je n'ai jamais prétendu être de mon âge et de mon époque. Le style et les réflexions de ce blog le prouvent. Mais ça ne me gêne pas du tout.

Anonyme a dit…

E M par ses réponses souvent concises se positionne presque toujours comme un jeune aventurier et il l'est sans doute encore dans sa tête au moins après vraisemblablement l'avoir été à ses débuts dans la vie hors du cocon d'origine.
S'il est honnête, il est surprenant que sa quête ne l'ait mené qu'au professorat où il se complaît depuis pas mal de temps avec un certain succès apparent.
Il aurait pu continuer son aventure de chevalier industrieux et poursuivre vers la finance ou la politique politicienne.