lundi 10 juillet 2017

L'école des parents



Dans la circonscription de Saint-Quentin comme ailleurs en France, les écoles choisissent progressivement de revenir à la semaine de quatre jours. J'étais, je reste toujours favorable aux quatre jours et demi. Toute personne raisonnable, soucieuse de l'intérêt de l'enfant, ne peut que vouloir l'étalement et non pas la concentration du travail, en réservant l'après-midi à des activités qui demandent un peu moins d'effort. Ce n'est même pas un objet d'étude, mais le bon sens. Pourquoi notre société n'est-elle pas faite de gens raisonnables ? Ca, c'est une autre question ...

Emmanuel Macron a-t-il eu raison de donner la liberté aux écoles ? C'est un choix politique que je comprends : l'opinion était massivement contre la réforme de François Hollande, les parents au premier chef. Peut-on avoir raison contre l'opinion ? Peut-on gouverner un pays contre l'avis de la majorité ? Encore une question philosophique ... Macron a choisi la prudence politique. La mesure avait été annoncée pendant sa campagne. Il a donc raison de l'appliquer.

Le rejet violent d'une sage décision (la semaine de quatre jours et demi) est trop profond et généralisé pour ne pas être un fait de société. Les parents ont sanctuarisé le week-end (samedi et dimanche) : on ne peut plus y toucher. Les activités périscolaires de l'après-midi ne les intéressent plus : ils inscrivent leurs gamins à tout un tas de clubs, associations, académies privés qui leur semblent plus illustres que les mêmes activités au sein de l'école. Le mercredi tout entier leur est dévolu, ainsi qu'après les heures de cours. Les gosses sont crevés, mais là c'est pour la bonne cause, celle des parents qui investissent et se projettent dans la réussite sociale de leurs petits. N'est-ce pas une illusion, et pour les parents, et pour les enfants ? Mais puisque j'ai dit que je ne poserai pas de questions philosophiques ...

La semaine dernière, dans le Courrier picard, à propos d'une nouvelle méthode d'enseignement (validée par personne sauf par les parents) qui pourrait être reconnue à Saint-Quentin, une mère de famille a eu cette phrase hallucinante (que je cite de mémoire) : avant, mon enfant pleurait quand il devait aller à l'école ; maintenant [avec la nouvelle méthode], il pleure quand il n'y a pas école. Madame, pleurer parce qu'il n'y a pas école, c'est comme préférer le travail à la liberté : ce n'est pas normal, sauf pour les hypocrites et les moralistes (qui ne font souvent qu'un). Je ne connais pas, moi non plus, cette nouvelle méthode d'enseignement, mais les réactions qu'elle suscite m'inquiètent.

La vérité est la suivante : les enfants ne sont plus aujourd'hui des enfants, mais ce que leurs parents veulent qu'ils soient. Le désir d'enfant est devenu le désir de ce que doit être l'enfant, c'est-à-dire correspondre au désir des parents. Cette tendance a gagné l'école. En 1989, la loi d'orientation scolaire décidait, à juste titre, de "mettre l'enfant au cœur du système", là où autrefois on avait surtout de considération pour l'enseignant. Aujourd'hui, insensiblement, ce sont les parents qui sont au centre du système, et s'ils n'y sont pas physiquement, ils sont présents mentalement dans les têtes de l'administration et des personnels. Les parents sont-ils les mieux placés pour connaître et défendre les intérêts de leurs enfants ? Voilà une dernière question philosophique à laquelle je ne répondrai toujours pas, même si j'ai ma petite idée.

20 commentaires:

Anonyme a dit…

J ai connu la semaine des 5 jours et les 13 semaines d été. Puis les 40 heures et les 5 semaines de congés annuels.

Erwan Blesbois a dit…

La réponse est évidemment non, les parents ne sont pas les mieux placés pour connaître l'intérêt de leurs enfants, pas plus que l'enfant lui-même.

Anonyme a dit…

Les enfants fatigués ou surprotégés?

Anonyme a dit…

Au delà de la question des rythmes scolaires, le problème sous-jacent et prégnant tient aux occupations périscolaires.
En dehors du sport ou des jeux, certaines collectivités misent sur ce temps pour expérimenter des théories d'égalité de genre pudiquement appelées égalité garçon-fille, par véhiculer un certain nombre de "valeurs" et non de "savoirs" parfois contraires aux convictions des parents, y compris religieuses.
Dans ces conditions, la semaine de 4 jours participe à remettre l'école dans son rôle de transmission de savoir et pas d'éducateur public. Jusqu'à preuve du contraire, une société libre laisse aux parents le choix de l'éducation de leurs enfants. C'est là tout l'enjeu.
Certes, malheureusement l'école participe à ce mouvement de déformation de la jeunesse et cela a toujours été plus ou moins ainsi, mais le périscolaire reste à discrétion des parents pour corriger le tir. Aussi, cette réforme était une régression des libertés et une difficulté supplémentaire pour les collectivités chargées d'en organiser la mise en oeuvre.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Un enfant surprotégé est un enfant fatigué, parce que vulnérable.

2- Une "régression des libertés" ? Bigre ! En ce qui concerne les "valeurs" qui s'immiscent dans une école qui ne devrait être dédiée qu'aux "savoirs", je suppose que vous voulez parler du catéchisme ?

Anonyme a dit…

Précisément, un catéchisme compilant les prêches de Najat Vallaut Belkacem, de Marlène Shiappa ou de Vincent Peillon.

Un catéchisme comme j'en avais en sciences éco et sociales sur la nécessité pour les hommes de faire la vaisselle à la place de leur femme, comme je l'entendais en physique sur l'absence de Dieu, ou en anglais avec des années entières consacrées aux aborigènes ou à l'apartheid et jamais un mot sur le génie britannique, en allemand sur le réchauffement climatique et la montée des eaux qui atteindrait Paris avant 2010, en Histoire géo avec les envolées lyriques en faveur des révolutions, en éducation civique avec la consécration des droits contraceptifs et abortifs comme des avancées majeures; idem en sciences nat d'ailleurs. Voilà le catéchisme de l'esprit du temps...

Même si l'élève est naturellement en situation d'infériorité pour résister aux idées toutes faites, le cadre du cours offre une dialectique possible, une confrontation entre le professeur et son auditoire, un contrôle des parents aussi.

La problématique du périscolaire est qu'il n'en est rien. Le jeu est insidieux, il crée des comportements, les fait passer pour naturels, acquis. Pas de sanction, pas d'examen, pas de raisonnements.

Quant aux droits des parents, voici une petite anecdote historique : le roi Louis IX s'est vu conseiller de faire élever les enfants juifs dans la religion chrétienne. Il s'y est refusé au nom justement de ce droit des parents d'élever leurs enfants dans le respect de leurs croyances. Est-ce trop demander d'avoir aujourd'hui la même liberté ?

Erwan Blesbois a dit…

Dans un monde aussi destructuré et atomisé que le nôtre, abandonner tout projet éducatif de la part de l'école au profit des seuls parents, c'est encore creuser les inégalités de naissance, sous le prétexte fallacieux de liberté. C'est donc accroître la fracture entre deux France, et c'est augmenter le risque potentiel de guerre civile, ce qui serait contre productif pour les libéraux eux-mêmes.

Erwan Blesbois a dit…

Anonyme du 11/07, 9:16, C'est bien vous faites une leçon de macronisme à Emmanuel Mousset, qui visiblement n'a rien compris au projet macronien.

Emmanuel Mousset a dit…

Louis IX, précurseur de la laïcité ? Pourquoi pas. Mais l'école que vous nous décrivez n'est pas celle dans laquelle j'ai été élève, ni celle dans laquelle j'enseigne.

Anonyme a dit…

Pour une unité du temps scolaire et de l année civileenviron 150 jours d école par an ,c est le ferment d une atteinte du lien social,le décalage est trop important pour des salariés qui sont à environ 220 jours.Les enfants ont une perception faussée du monde du travail.. Quand aux enseignants,pour la plupart,ils ont passé toute leur vie dans cet environnement spécifique.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous ne pouvez pas comparer un élève et un salarié, une école et une entreprise.

Anonyme a dit…

Monsieur MOUSSET , nous connûmes des semaines complètes y compris le samedi au Lycée .... Et c'est vrai si vous faites encore 48 HEURES en 6 JOURS et parfois 52 en 7 JOURS pour des besoins de charges dans le privé , où si vous êtes pompiers , policiers , gendarmes , hospitaliers en horaire normal mais aussi en rappel urgence et d'astreinte , c'est décalé par rapport aux autres et aux jeunes scolarisés .... Mais que peut on y faire ... La loi ne peut in fine diriger à la fois l’économie, les besoins sociétaux des collectivités et le service 24 // 24 dit de service public ...........

Erwan Blesbois a dit…

Les valeurs de l'entreprise qui reposent sur l'innovation constante, la destruction créatrice, le contrôle des agents par les usagers, sont en train de s'immiscer dans l'école, au point d'en faire disparaître toute trace de mystique, métaphysique, idéologie, personnalité même... Donc à terme toute trace de spiritualité. L'école devient peu à peu un objet de consommation comme un autre...

Emmanuel Mousset a dit…

C'est la fin de tout. C'est même le tout de la fin.

Erwan Blesbois a dit…

Ce n'est pas la fin du libéralisme, ce n'est même pas le commencement de la fin, mais c'est peut-être, je dis bien peut-être, la fin du commencement. Afin que le monde redevienne humain.

Emmanuel Mousset a dit…

Tu n'es qu'un nihiliste. Le monde est humain, depuis des millénaires. C'est toi qui ne l'aimes pas, qui veut sa fin. Mais la fin de l'humanité ne la rendra pas plus humaine.

Erwan Blesbois a dit…

Bien vu ! Mais le monde libéral pourrait bien être une fabrique à Sweeney Todd... (ceux qui ont vu le film de Tim Burton comprendront)

Anonyme a dit…

Prof remplaçant,je ne fus pas recu au capes.Partant en entreprise,le changement radical du nombre de jours de congé fut un choc culturel dont je ne suis jamais remis.Ah le bonheur de travailler au mois d'Aout.

Erwan Blesbois a dit…

Je suis certainement un nihiliste, mais toi tu es un chanceux, et ce que tu dois à la chance, c'est-à-dire à peu près tout, tu l'attribues à ton esprit. Mais qu'est-ce que l'esprit dans un monde purement matérialiste ? Tu es un "inactuel", mais un Homme du passé. Je suis aussi un "inactuel", mais je suis un Homme du futur. Car si la société développait toutes les conséquences du libéralisme, alors elle serait totalement nihiliste. En cela, parce que tu ne résister pas, pour ton confort spirituel, tu es finalement bien plus nihiliste que moi, toi qui vis dans le présent, sans jamais envisager l'avenir...

Emmanuel Mousset a dit…

La chance, la chance, c'est vite dit ...