dimanche 16 juillet 2017

Le Pen me fait rire



Nous sommes dimanche, rions un peu. Les occasions sont rares en politique, encore plus rares quand c'est l'extrême droite qui est à l'origine. Le magazine du Monde, M, est revenu cette semaine sur le débat du second tour de la présidentielle, qui a valu à Marine Le Pen non sa défaite (elle était prévisible), mais l'ampleur de cette défaite (dont la conséquence s'est fait sentir plus gravement quelques semaines après, aux législatives : l'impossibilité pour le FN de former un groupe parlementaire). Comment expliquer un si pitoyable débat, de l'avis des frontistes eux-mêmes ?

C'est là où l'on commence à rire. Le Pen aurait été malade, dans l'après-midi du jour J, un problème à l'œil, qui ne voyait plus rien, un peu comme dans la Bible certains personnages sont frappés soudainement de cécité. Je ris parce qu'on pense au père borgne, à l'œil de verre (oui, je sais, ce n'est pas beau de se moquer d'une infirmité ; mais tant pis !). Mon explication (et là, je redeviens sérieux, à moitié en tout cas), c'est que Marine Le Pen a somatisé, intériorisé une angoisse (la crainte de perdre momentanément la vue ne peut être que psychologique) : le retour du refoulé d'extrême droite, en la personne du père pirate, bandeau sur l'œil dans les années 60 et 70. Ne vous moquez pas à votre tour de moi : mon interprétation vaut bien les analyses des consultants psychothérapeutes sur BFMTV.

Marine Le Pen avance un autre motif de son débat raté avec Emmanuel Macron : la fatigue (trop de déplacements les jours précédents, un manque de temps pour assimiler ses fiches et dossiers, une difficulté à se concentrer l'instant venu). Je ris encore, pardonnez-moi. La fatigue, c'est l'excuse à la mode, autrefois réservée au seul mauvais élève ou à l'adulte paresseux. Aujourd'hui, les salariés sont fatigués au travail, (le fameux burn out, dont je continuerai à dénoncer l'imposture scientifique, sans m'en fatiguer), les écoliers rentrent fatigués de leur semaine de quatre jours et demi, les policiers sont épuisés dans leurs tâches quotidiennes, les militaires sont essorés depuis l'application du plan Vigie Pirate, etc. etc. Alors, pourquoi pas Marine Le Pen ? Jadis, on cachait sa fatigue, perçue comme une faiblesse, quasiment une honte ; de nos jours, on l'exhiberait presque avec fierté.

La vérité, c'est que le leader d'extrême droite était en belle forme lors de ce débat, offensive dès le début, pleine de mordant. Je n'ai décelé en elle, jusqu'à l'ultime fin, aucun signe de fatigue. Au contraire, elle était énergisante, sur-vitaminée, manifestement dopée à ses propres certitudes. Mal préparée ? Je n'en crois pas non plus un traitre mot. Ce soupçon parce qu'elle cherchait dans ses dossiers et mélangeait ses fiches n'est pas pertinent. Sur Macron, pour l'attaquer sur sa vie personnelle, elle était très préparée. Elle avait travaillé consciencieusement ses mensonges. Ce que Le Pen manifestait ostensiblement, dans son apparente incompétence, c'est son mépris de toute compétence, de ceux qu'elle appelle, à travers et au-delà de Macron, les "sachant" (c'est son expression). Pleine de morgue et d'ironie, Le Pen avait parfaitement réussi, de son point de vue, son débat : cela se sentait, dans la satisfaction de son visage, juste après.

Qu'est-ce qui s'est donc passé pour que l'affaire tourne à la catastrophe ? C'est que l'opinion publique a compris, en trois heures de débat, ce qu'était Marine Le Pen, une vérité toute simple que le tourbillon médiatique fait parfois oublier : une femme d'extrême droite, fascisante en son fond, étrangère à la culture républicaine. Elle s'en défendait jusqu'alors, s'indignait d'une telle remise en cause : le débat a fait couler le maquillage.

Il s'est passé avec la fille ce qui s'est passé avec le père, vingt ans plus tôt : fauchés en pleine gloire électorale par un comportement ou un mot malheureux mais révélateur, "point de détail" qualifiant les chambres à gaz des camps nazis pour Jean-Marie. Marine aura surtout chuté lors de cette séquence proprement hallucinante du grand débat, quand elle s'est mise à faire des gestes incompréhensibles, à mimer on ne sait quoi, en concluant par un éclat de rire qui ne s'adressait qu'à elle-même, faisant penser à une femme ivre ou folle. Emmanuel Macron, s'il n'y avait son calme, aurait presque pu être déstabilisé par un spectacle aussi stupéfiant, une mort en direct pour la candidate d'extrême droite, un suicide involontaire (ou volontaire, allez savoir). Vous ne croyez pas qu'il y a de quoi en rire, en ce beau dimanche de la mi-juillet ?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

OK c'est dimanche mais quand même, elle ne me fera jamais rire. Sans Macron dans la course, quid du résultat final de la Présidentielle!

Erwan Blesbois a dit…

Dans le burn out ce n'est pas le travail qui détruit le travailleur, c'est le travailleur qui par absence de solidarité entre travailleurs, dans une société de rivalité et de guerre de tous contre tous, détourne ses propres forces contre lui-même, aussi parce que la communauté n'a plus d'ennemis extérieurs à combattre. Quand une communauté ne se soude plus par rapport à un ennemi extérieur, elle se soude par une dépense qui est le sacrifice de ses membres les plus faibles, où tout du moins ceux qu'elle désigne comme tels, parce qu'ils sont différents.

Emmanuel Mousset a dit…

Voilà une définition bien compliquée.

Erwan Blesbois a dit…

Ce qui est atteint chez le travailleur français, et au delà chez tout Français dans son intimité, c'est toute légitimité à ce que s'exprime encore une spiritualité française. Cette spiritualité avait pour racine le catholicisme. Or le catholicisme se meurt y compris dans les campagnes et beaucoup d'intellectuels en rajoutent une couche en dénonçant en bloc et sans nuances tout ce qu'ils nomment "l'idéologie française", qui faisait aussi le ciment de son identité. Il est à noter que si c'est la France qui à cause de ses racines et de son identité, bref de son histoire intime, de son roman national, de son génie propre, porte tout le poids de la responsabilité de la Shoah, cela en dédouane finalement l'Allemagne qui elle a retrouvé le chemin de la réussite, quand la France fait du surplace. Et après, ces mêmes intellectuels après avoir détruit l'esprit français, viennent pleurer que le jihad est à nos portes. Ils voudraient le beurre (la destruction de l'esprit français et son remplacement par l'idéologie libérale anglo-saxonne), et l'argent du beurre (la protection d'une nation souveraine).

Bernard Visse a dit…

Je partage cette analyse, Emmanuel Comme souvent !

Emmanuel Mousset a dit…

C'est que nous "marchons" ensemble dans la même direction !