mercredi 19 juillet 2017

Le général va se faire foutre



Le titre de ce billet n'exprime, de ma part, aucune vulgarité ou impolitesse, encore moins une absence de retenue dans l'écriture. Je respecte tout le monde en général, et en particulier les prêtres, les militaires et les élus de la République. Mais j'applique à la lettre le principe biblique, dans la vie privée comme dans la vie politique : œil pour œil, grossièreté pour grossièreté ... Le général de Villiers a tenu des propos indignes et inqualifiables devant la Commission Défense du Parlement, affirmant qu'il ne comptait pas se "laisser baiser" par le chef de l'Etat, en rapport avec la réduction du budget militaire. Je sais bien que les militaires ont leur langage, fleuri, un peu dur, qui ne prête guère à conséquence dans une chambrée ou au mess. Mais quand on est chef d'Etat-major et qu'on sait tenir ses hommes, on tient aussi sa langue. Le général a manqué à cette règle, qui fait d'ailleurs la force des armées : il devait donc partir.

Ne me dites pas que son viril propos a été tenu à huit-clos, qu'il n'y a donc pas scandale politique. Mais si, il y a ! La Commission Défense n'est pas un club privé ou un salon mondain. C'est une instance éminemment publique et politique, où se retrouvent les élus du peuple, de toute sensibilité. Que le général, le soir, au lit avec son épouse, puisse s'exprimer vertement contre son autorité de tutelle, là oui, c'est un laisser aller strictement privé, dont chacun d'entre nous fait usage, en guise de soupape, pour que le carafon n'explose pas. Mais dès que le général met un pied dans l'enceinte du Parlement, il entre dans un lieu public, où toute déclaration peut être retenue contre lui, sauf peut-être à la buvette ou dans les chiottes.

Ne croyez pas non plus que c'est la forme qui me choque. A la limite, je m'en moque, même si, dans un pays qui traverse une crise d'autorité, il est malvenu qu'un haut gradé donne le mauvais exemple. Non, ce qui n'est pas acceptable, c'est qu'un militaire, en sa qualité de chef d'Etat-major, conteste une décision politique à laquelle, quoi qu'il en pense, il doit se soumettre. Un général, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas un délégué syndical ou un représentant du personnel.

Le pire, c'est que le cinq-étoiles, qui a une page Facebook comme n'importe quel pékin, a fait sur celle-ci, le jour même de l'incident, la théorie de son insubordination, à travers cette formule plus que transparente : "personne ne mérite d'être aveuglément suivi". Mon général, si vous me permettez cette remarque, vous contredisez la définition même du devoir militaire, qui consiste à suivre aveuglément l'autorité supérieure, en l'espèce le chef des Armées qu'est le président de la République. Un simple caporal le sait ; alors, un général ... La seule limite à ce noble service, c'est la conscience de chaque homme, général ou pas, qui lui intime de désobéir au nom des valeurs morales, lorsqu'il estime que celles-ci sont bafouées. Mais les questions budgétaires n'en font pas partie.

Emmanuel Macron, en montrant la porte au général de Villiers, a certainement manifesté son plus bel acte d'autorité depuis son élection. Il s'est montré à la hauteur de la fonction, dans sa tâche la plus délicate : congédier un homme de qualité, qui a fait ses preuves, qui mérite toute notre estime mais qui, dans les circonstances présentes, a failli. Le président de la République a réagi avec la promptitude, la clarté et la hauteur requises : devant les militaires, "Je suis votre chef" ; à la presse, "Si quelque chose oppose le chef d'Etat-major des Armées au président de la République, le chef d'Etat-major change". De Gaulle n'aurait pas dit mieux. En République, un général ne fait pas de politique, sinon en tant que simple citoyen.

La politique, justement, venons-y. Le budget de la Défense baisse de 850 millions en 2017 et sera augmenté jusqu'à 34,2 milliards d'euros en 2018. Est-ce scandaleux ? Non. Mais la question doit être poussée beaucoup plus loin : le gouvernement a décidé d'un plan d'économies dans la dépense publique. On peut penser qu'il a tort et laisser filer les déficits. Je pense qu'il a raison, parce que le système risque l'explosion. Mais où faut-il faire des économies ? Tous les gouvernements précédents, de droite comme de gauche, reconnaissaient cette nécessité, mais "sanctuarisaient" certains ministères, jugés "régaliens" (notez la particularité de ce vocabulaire).

Avec Emmanuel Macron, TOUS les ministères seront concernés, devront faire des efforts (nous savons aussi que les collectivités locales n'en seront pas exonérées, voir le billet d'hier sur la suppression de la taxe d'habitation). Je crois que c'est justice, égalité et efficacité. Ce qui est demandé à l'Education nationale, par exemple, doit être aussi demandé aux Armées. Aucun secteur ne doit bénéficier du privilège d'une exemption. Cette ligne politique exige du courage, de l'autorité et du discernement (car il ne s'agit pas d'amputer gratuitement, si je puis dire, les budgets). Les Français, j'en suis persuadé, comprendront et suivront. Car qui pourrait accepter qu'on réclame des efforts aux uns et pas aux autres ?

12 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Je ne comprends pas cette notion d'économie pour les nations, les armées, les administrations, alors que le village global ne cesse d'accumuler, de s'enrichir suivant les principes de l'avarice. Je comprends qu'un Général puisse pêter un câble face à un sentiment aussi ignoble et peu chevaleresque que l'avarice. À la société française toute entière on demande les mêmes efforts qu'aux coureurs du Tour de France, alors qu'autrefois ils trouvaient leurs forces dans un encouragement universel dans les campagnes de la part du peuple, ils sont désormais tous dopés pour tenir le coup. De la même façon, pour tenir le coup, la société française toute entière se dope au sexe et à la réussite (sous peine d'abandon... Quant au sexe il ne peut être que la récompense de la réussite, les deux s'alimentent l'un l'autre), dans un contexte global d'avarice, alors que jamais l'argent n'a autant coulé à flot.

Philippe a dit…

Dans la mesure où on accepte l’héritage et que l’on poursuit la politique militaire extérieure agressive des gouvernements français précédents depuis 1990 il faut doter nos militaires des moyens efficaces vis à vis des ennemis.
Simple exemple
Nos véhicules blindés légers hélas déjà anciens très utilisés en Afrique où ils servent de véhicules de leurrage et de balisage sur les immenses pistes seraient insuffisamment efficaces contre certaines mines actuelles.
Il faudrait améliorer ce parc de véhicules…
Bref ce militaire, sans doute trop proche de ses hommes et femmes, a pensé de son devoir de demander pour eux, de meilleurs équipements.
Sa faute inexpiable : être plus proche des gueux que des bobos ...
Mais il a tort de penser que les gueux puissent pour certains être autre chose que de la chair à canon.

Anonyme a dit…

Les chastes oreilles du petit Mousset ont été choquées par la rude franchise du Chef d'Etat-major des armées Pierre de Villiers. Pauvre petit ! Normal la chose militaire lui est étrangère comme la défense du pays sacrifiée sur de médiocres considérations comptables. Normal, encore il défend son mentor Macron, le président qui s'inscrit dans la totale continuité de ses prédécesseurs qui ont désarmé notre pays en lui refusant sans arrêt les moyens pour les opérations militaires extérieures qu'il lui est demandé d'accomplir avec des moyens sans cesse restreint. Si nous étions en guerre cela s'appellerait de la trahison passible de la peine de mort. En 1990 le budget de la défense représentait 4% du budget national, en 2017 il n'est que de moins de 2%. Notre pays n'était pas alors engagé alors dans autant d'OPEX ou OPérations EXtérieures. Il est notoire pour beaucoup de gens sauf monsieur Mousset qui fait la politique de l'autruche que les restrictions de crédit en tous genres imposées depuis 1990 finissent par atteindre l'os, le coeur de nos capacités de défense. Normal il n'a qu'une vision très court-termiste de petit-bourgeois.

Commencer par baisser le budget en cours d'années pour le remonter l'année suivante est soit incohérent soit mensonger. Dans sa campagne électorale Macron n'avait pas fait preuve d'une telle incohérence en la matière de défense. Certains hommes politiques pensent qu'en raison de considérations de politique étrangère le budget de la Défense doit être sanctuarisé en le retirant des critères de convergences européennes parce qu'après tout ces Opex sont aussi dans l'intérêt des autres pays européens qui ne font aucun effort de défense.
Je pense que le gouvernement Philippe-Macron va se livrer à des jongleries comptables comme tous ses prédécesseurs pour nous faire croire qu'il va atteindre les 2% du budget consacré à la Défense. Mais la médiocrité et l'esprit de petit comptable du ministre du budget a déjà prévalu, ce qui n'est pas flatteur pour un président qui se targuait de rompre avec certaines pratiques anciennes. Il en sera ainsi dans tous les domaines. Chassez le naturel, il revient au galop.

Emmanuel Mousset a dit…

Je vous jure que je n'ai pas de problème avec mes oreilles.

Anonyme a dit…

On ne le dirait pas étant donné votre réaction, et vos propos.
Macron s'est engagé à porter le budget de la défense à 2% ...en 2025... Voilà une promesse digne d'un politicien très ordinaire qui n'engage que ceux qui y croient. Il aura déjà quitté le pouvoir depuis 2022.

Emmanuel Mousset a dit…

Macron a une vision à long terme, qui dépasse sa personne et son mandat. Pourquoi le lui reprocher ?

Philippe a dit…

voir mon commentaire précèdent
je propose, pour rire, que l'on mette E Macron et E Philippe dans un VBL en dotation actuelle sur les pistes du Nord Mali. En leur conseillant toutefois de mettre leur casque sous leurs fesses et non sur leurs têtes ! Réminiscence d’Apocalypse Now … pour les cinéphiles.
En fait actuellement la génération qui vient « aux affaires » est constitué de personnes n’ayant participé à aucune guerre ni même fait de service militaire.
Ce ne serait pas plus mal, bien au contraire, si nos dirigeants étaient devenu pacifistes mais en fait ils restent va-t-en guerre et dans cette situation ces gens ignorants en ce domaine peuvent être dangereux pour une armée en opération de guerre.
Les tiraillements moraux intimes que peut ressentir un militaire ont été parfaitement exposés par un film comme « le crabe-tambour » … pour les cinéphiles … le caca nerveux d’un politicien ne pèse rien dans ce débat moral se déroulant dans un monde qui n’est pas le sien !
De Gaulle qui était de ce monde là n’a pu y faire face aux convulsions violentes engendrées par ce débat qu’avec l’aide des « barbouzes » par des réactions tout aussi violentes ...

Anonyme a dit…

Courageux le général au sommet de la pyramide, ne pouvant plus progresser? On peut parier qu'il a eu l'échine plus souple lors de ses avancements de grades au long de sa carrière sinon il ne serait jamais arrivé CEMA. Ne nous inquiétons pas pour son avenir, le complexe militaro-industriel l'attend sans doute avec de bons émoluments certainement!
Faire des économies sur le matériel et pourquoi pas sur le nombre de généraux: 303 pour une armée qui tiendrait dans le stade de France!

Anonyme a dit…

Chaque français versé environ 1200 euros d'impôts par an de financement de l éducation nationale
D une part environ 100000 postes salariés non pourvus
Des écoles primaires ou travaillera hors vacance une demi journée de moins à salaire égal

Des données qui relativisent le dossier d'une armee que je n aime pas.

Repenser la gestion du temps de travail de tous les fonctionnaires

Ici il n'y a que des profs ce qui empêche tout débat sur le corporatisme

Anonyme a dit…

Macron: "Aucun autre budget que l’armée ne sera augmenté "
Merci pour l’Éducation Nationale ! Et vous êtes d'accord avec çà ????

Philippe a dit…

"On peut parier qu'il a eu l'échine plus souple lors de ses avancements de grades" c'est tout à fait valable dans tous les cas de figure.
Grande caractéristique de l’humain en société !
C’est tellement « normal » qu’au bout de qq décennies d’existence on y pense plus !
Ébauche de listing de la chose
Macron a fayotté avec Hollande à ses débuts.
La famille Hollande avec Mitterrand
De Gaulle et Mitterrand un peu avec Pétain .. à des époques différentes
On généralise … dans la fonction publique on fayotte avant d’être titularisé …
On monte au cocotier
Des « grands » pour pousser leurs rêves/fantasmes géostratégiques câlinent d’autres « grands » pour s’en faire des alliés, dans le temps jadis le camp de la toison d’or, hier le gastro de la Tour Eiffel
Mais en haut c’est comme en bas et inversement.
Car beaucoup de mortels fayottent même quand ils n’ont plus besoin tant ils en ont pris l’habitude !
Au moins on peut dire que ce n’est pas le cas de ce général.
Je peux en sortir des tonnes sur le sujet !

Anonyme a dit…

Macron, une vision à long terme qui dépasse son mandat ? Heureusement que les militaires ne raisonnent pas ainsi de façon irresponsables: peuvent-ils différer de 8 ans les actions que le pouvoir politique leur demande d'accomplir sans les moyens nécessaires? Le devoir d'un Politique, un vrai, c'est de donner aux militaires les moyens pour les opérations extérieures qu'il leur demande d'accomplir. Cela vaut aussi pour les prédécesseurs de Macron largement aussi responsables et coupables que lui.