mardi 25 juillet 2017

L'APL n'est pas le problème



Je veux revenir aujourd'hui sur la réduction de 5 euros. Elle est sans doute la première mesure impopulaire du gouvernement Macron, puisqu'elle frappe d'abord les catégories modestes (je mets les étudiants à part, j'ai traité ce sujet dans le billet de samedi dernier). Autour de nous, nous pouvons constater qu'elle passe mal. C'est pourquoi il faut l'expliquer, en s'adressant justement aux catégories les plus modestes.

Dire d'abord que l'APL est une aide dont on se passerait volontiers, puisqu'elle signale des conditions de vie difficiles, qui exigent un soutien financier pour l'accès au logement. Le problème ne vient donc pas de l'APL, mais des situations sociales qui la rendent indispensables. Ce qu'il faut, c'est traiter le mal à la racine, que nous connaissons : le chômage, le faible pouvoir d'achat qui conduisent à recourir aux aides sociales. Mais celles-ci ne peuvent pas être une fin en soi.  Si Emmanuel Macron augmentait de 5 euros l'APL, qui applaudirait ? Personne ! Au contraire, cette aumône serait reçue avec le mépris qu'elle mérite.

Le problème n'est donc pas de savoir si l'on va réduire ou augmenter l'APL, mais si l'on va relancer l'activité industrielle, la croissance économique et la création d'emplois. Vous me direz peut-être que ça fait une belle jambe à ceux qui ont 5 euros par mois en moins : oui, je sais bien, mais il n'empêche que la solution est bien celle-là, une vie décente qui rendrait l'APL inutile, sauf dans les situations de grande pauvreté.

La réduction de l'APL n'est ni une promesse, ni un objectif d'Emmanuel Macron. En matière de logement, il l'a dit et répété : ce sera la suppression de la taxe d'habitation. Et là, c'est autre chose que l'APL ! La fin d'un impôt injuste, qui bénéficiera à beaucoup plus de monde que la réduction de l'APL ne nuit. Entre les deux mesures, aucune hésitation : celui qui perdra ses 5 euros y gagnera sans commune mesure avec la suppression de la taxe d'habitation. Il faut tout de même avoir l'honnêteté de comparer, si l'on tient à porter des jugements objectifs.

La décision d'Emmanuel Macron à propos de l'APL ne se comprend que dans un vaste plan de réduction des déficits publics. On ne peut pas continuer dans une voie qui fragilise et menace à terme notre système social. Au bout du bout, ce sont les plus démunis qui paieront ; les riches, eux, s'en sortent toujours : ils n'ont pas besoin de l'aide sociale, ils se moquent de laisser courir les déficits. Sans parler des générations futures, à qui l'on refile le problème, en toute irresponsabilité. Les narquois ironisent sur la logique comptable du gouvernement, qu'ils méprisent : mais qui subira les conséquences d'une non maîtrise des dépenses sociales, quand les caisses finiront par se vider ? On a vu, dans d'autres pays, pas très loin de chez nous, que les classes populaires étaient les premières victimes du laxisme budgétaire.

Le choix d'Emmanuel Macron s'inscrit aussi dans le respect des critères européens, les fameux 3% de déficit. Ce choix est un choix, nullement une contrainte ou une obligation. La France a honoré de sa signature un certain nombre de traités, qui la font appartenir à l'Union européenne. Il en résulte des droits et aussi des devoirs. Je suis totalement européen, je les accepte. Que les anti-européens, Mélenchon, Le Pen et les autres, aient la cohérence intellectuelle et le courage politique de militer pour une sortie de cette Europe qu'ils détestent tant. Pourquoi ne le font-ils pas ? Mais quand on accepte d'en faire partie, il faut accepter les termes du contrat. Toute une série d'économies vont aussi dans ce sens-là, car ce n'est pas à plaisir que le gouvernement baisse l'APL.

Reste un dernier argument, très sensible à gauche : pourquoi ne pas faire payer les riches, au lieu de s'en prendre aux bénéficiaires de l'APL ? Ah ! faire payer les riches ... N'en faisant pas partie, ni vous non plus (un riche a autre chose à faire qu'à lire ce blog), nous serions prêts à applaudir. C'est si simple : faisons payer les riches, et tout sera réglé. Si c'était vrai, j'y souscrirais, sans peine. Le problème, c'est que les riches ont beaucoup d'argent, mais sont peu nombreux (sinon, vous redescendez vite dans les classes moyennes supérieures, qui toute supérieures qu'elles sont, ne s'estiment pas riches). Alors que tous les autres, qui ne sont pas riches, ont beaucoup moins d'argent, mais sont beaucoup plus nombreux. Pas besoin d'être agrégé en économie pour comprendre que c'est en taxant légèrement les seconds qu'on remplit les caisses de l'Etat, pas en taxant fortement les premiers.

C'est injuste ? Mais la vie est injuste ! La justice est une notion relative, idéale, subjective. Ce qui m'intéresse, et ce qui intéresse aussi Macron, ce sont les réalités : réduire massivement le chômage, donner à chacun un salaire décent. Après, justice ou pas, injustice ou non, ce sont des débats philosophiques, pas politiques. Au XXème siècle, un système politique, le communisme, a non seulement fait payer les riches, mais il les a éradiqués de la société, un peu partout à travers le monde. On a vu le résultat : une organisation bureaucratique, tyrannique, finalement inégalitaire et antipopulaire, qui a laissé sévir sa population dans de médiocres conditions de vie. Bravo les antilibéraux ! Il faut vous rafraîchir la mémoire, retrouver le sens de l'Histoire. Je m'éloigne de l'APL et de sa réduction de 5 euros ? Pas du tout, je suis en plein dedans ! Le communisme, c'est la population entière vivant d'APL et dans un logement déplorable, constaté dans toutes les sociétés se réclamant de cette idéologie et se targuant pourtant de ses avantages sociaux. Non merci.

11 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Les classes défavorisées ne se révoltent pas contre l'injustice, mais contre la violence sacralisée par la figure de Macron, qui leur est faite dans le monde du travail. Macron ne sait pas ce que c'est un "pauvre" ou un "chõmeur", selon ses dires, ils ne sont "riens".

Philippe a dit…

Complément version humour généalogique à la remarque d’Erwan …
Eh oui même en généalogie on s’amuse !
Si ce que l’on prête à Macron «  ils ne sont « riens » » … à moins que ce ne soit qu’une fake news future vraie news !
Louis Pasteur est un sot !
E. Macron, le génie des Deux Mondes, serait la preuve que la génération spontanée existe.
Bien entendu il n’en est … rien …
La génération spontanée n’existe toujours pas, les manouvriers de la vallée de l’Authie, des « riens », lui ont légué leurs gènes et l’ascenseur républicain a fait le reste.
Un souhait : Que les familles qui ont bénéficié, dans le passé pas très lointain, de l’ascenseur républicain n’en claquent pas la porte à celles qui les suivent !

Philippe a dit…

« Pas besoin d'être agrégé en économie pour comprendre que c'est en taxant légèrement les seconds qu'on remplit les caisses de l'Etat, pas en taxant fortement les premiers. « 
E Mousset est quoiqu’il en dise est l’idiot utile typique (le rien), une quasi caricature.
Dire « faire payer les riches » et s’en moquer est assez superficiel.
Car en effet « les riches » ne veut pas dire grand-chose.
Dans un commentaire précédent je suggérais que Macron (et prédécesseurs) protège tout simplement les « copains ».
On a les listes à Bercy d’un grand nombre de propriétaires de comptes non déclarés au fisc français, leur délit pénal reste caché aux autres citoyens et on … fait des transactions … mot soft pour dire magouille.
Phénomène mondial de classe ce qui n’excuse rien, à ce propos je disais à propos d'un comportement du même acabit :
"Suite à son analyse du désastre financier de 2008 « dans son livre « The Chickenshit Club » le journaliste Jesse Eisinger (Pulitzer 2011) estime que les magistrats feraient preuve de complaisance à l’égard de leurs camarades de l’élite américaine par solidarité, ils sortent des mêmes universités qu’eux.
Il ne voit pas d’autres explications qui tiennent la route ! »

Le futur a dit…

J'ai entendu qu'une réforme de plus grande ampleur concernant les APL était prévue à l'automne. Est-ce vrai ?

A P a dit…

Cette aide à se loger se traduisant par une somme d'argent versée directement au propriétaire s'est traduite en ceci :
Des habitations de vieilles personnes venant à se libérer suite au décès ou au départ en maisons de retraite des deux ou une personnes qui y résidaient depuis des lustres rachetées pas trop cher et vite fait bien fait transformées en trois ou quatre appartements loués à des gens bénéficiant des aides d'état avec les autorisations nécessaires des maires concernés.
Pas trop grave si le complément du loyer dû par les locataires sont peu ou prou touchés... Rien que trois APL c'est déjà du revenu suffisant en rapport du capital avancé.
Cette aide à se loger ainsi distribuée aura servi à développer le nombre des tout petits appartements dans des anciennes maisons individuelles tout en augmentant le prix des loyers.
Des exemples, j'en ai des dizaines et des dizaines.
Et dans les rues, c'est devenu la galère pour pouvoir stationner que ce soit pour les riverains ou pour les autres.

Philippe a dit…

D'accord avec A.P. l'idéal serait un nombre suffisant de résidences pour étudiants dans le parc des bailleurs sociaux ... à condition qu’ils restent sociaux mais cela nous renvoie à C Guilluy et à son constat concernant la gestion politique qui en est faite dans les mégapoles.

Erwan Blesbois a dit…

La logique politique actuelle est une logique sacrificielle, mais non au sens économique mais religieux du terme, Philippe, puisque vous êtes globalement d'accord avec moi. La violence inouï que l'on impose aux peuples soumis (vous remarquerez que j'emploie le terme soumis comme Houellebecq, mais moi pour désigner la soumission au libéralisme, non à l'islam) à la logique mondialisée, est d'ordre sacré du même ordre d'idée que le sacrifice sacré des soldats vaincus, du haut des pyramides aztèques.

Anonyme a dit…

J'aime bien la formule " les riches" oui il y en a mais beaucoup moins que dans les fantasmes de mélenchon Le comble de la démagogie pratiquée par les bobos n'est pas mal non plus!!

Anonyme a dit…

Parfaitement en accord avec votre démonstration..

L P a dit…

J'aime bien la formule " les riches" ...
Qu'est ce qu'un riche ?
Il n'y a pas de définition valable.
Qui possède cent euros est riche pour celui qui n'en détient que dix.

Emmanuel Mousset a dit…

Une définition n'est pas une comparaison. Soyez simple : un riche, c'est quelqu'un qui n'est pas pauvre. Définition sans doute discutable, mais je n'en trouve pas de meilleure.