vendredi 7 juillet 2017

Didier Marche



Comme dimanche dernier, je cède aujourd'hui la place à notre ami philosophe Didier Martz, qui a des choses fort intéressantes à nous dire sur le slogan le plus célébrissime de l'année : En Marche ! Qu'il en soit remercié.


Ainsi va le monde n° 381 - « En marche »

Je ne sais pas vous mais moi je m'interroge sur la signification profonde du slogan « En marche ». Je dis bien « profonde » car chacun sait bien ce que signifie « en marche ». Une machine à laver est en marche lorsqu'elle fonctionne. D'ailleurs, on se fera vertement corriger lorsqu'on dira qu'elle marche au lieu de qu'« elle fonctionne ». Marcher étant un mouvement réservé aux humains, il ne peut s'appliquer aux animaux. Un animal galope, rampe, sautille, grimpe mais jamais ne marche. Par contre l'homme, dans cette obsession qu'il a de faire toujours comme les autres ne se gêne pas pour emprunter aux animaux leur vocabulaire. Bon. Mais l'homme marche, et la marche, du point de vue de l'ontogenèse, est un mouvement qui s'acquiert dans les deux premières années de la vie. Du point de vue de la phylogenèse, la marche caractérise l'entrée de l'homme dans l'humanité lorsqu'il se mit sur ses deux jambes et mit un pied devant l'autre. On sourit à ce propos mais qu'on imagine ce premier homme passant de la position horizontale « à quatre pattes » à la position verticale « sur deux pattes ». Quel ne fût pas l'étonnement, la surprise, l'émerveillement autour de lui. Scène qui se répète régulièrement sous nos yeux lorsque le bébé passe de l'une à l'autre des positions et qui comme Nabuchodonosor retrouve la condition humaine lorsqu'il sut se redresser, lever les yeux au ciel et regarder devant lui.

Ainsi, grâce à la bipédie l'homme peut se mettre en marche. Mais rien n'indique dans l'expression « en marche » qu'il est en marche vers quelque chose auquel cas elle désignerait une progression, une évolution. « En marche vers... » exprimerait mieux l'idée d'une progression vers un lieu ou un état pour atteindre le résultat ou le but escompté. Ainsi une société est en marche vers le progrès ou vers un avenir radieux ou bien un groupe d'hommes et de femmes se mettent « en marche » pour la paix ou organise une marche blanche pour s'associer à la souffrance de victimes.

On comprend que pour des raisons de commodités communicationnelles, un mouvement ne peut s'appeler « en marche vers... » car il aurait fallu développer et l'espace des tracts et des banderoles n'aurait pas suffi à contenir le slogan. Mais quand même, « en marche » rappelle trop la machine à laver déjà évoquée pour indiquer qu'elle fonctionne. On ne met pas des hommes et des femmes « en marche » comme si on appuyait sur le bouton « ON ».

Il eût mieux valu employer l'expression « en avant marche » qui indique au moins une direction même si celle-ci ne donne pas plus d'idée sur l'objectif. Certes, en général, on marche en avant plutôt qu'en arrière sauf dans le tango. Et puis « En avant marche ! » renvoie trop à l'ordre militaire et autoritaire plus proche du fonctionnement mécanique que de la liberté créatrice. Comme disait Albert Einstein « pour marcher au pas la moelle épinière suffit, le cerveau est superflu ».

Fort heureusement le slogan « En marche » sous-entend bien sûr un projet de société et une direction faute de quoi il se pourrait qu'on nous « fasse marcher », ce qu'on ne peut imaginer. Un ami, quelque peu caustique, se demandait comment avec tant de sièges à l'Assemblée on pouvait être en marche. Bel été à toutes et tous, en général et en particulier. Ainsi va le monde !


La chronique de Didier Martz, essayeur d'idées, sur RCF Reims Ardennes, Radio primitive, Radio Maunau

2 Juillet 2017
www.cyberphilo.org

4 commentaires:

Papy Mougeot a dit…

Pour ma part, je ne trouve pas merveilleux la dérive individualiste de l'idéal de liberté des lumières et, pour moi, Jean-Paul Sartre est le symbole de cette dérive, les soixante-huitards en sont le résultat et il est de plus en plus clair qu'ils nous ont mené dans le mur : disparition en vue de la culture européenne.
Quand à Macron, quand il parle à Versailles, il parle "au peuple" par l'intermédiaire de ses représentants. Lesquels sont réputés un peu plus cultivés que les sans-dent dont parlait Hollande. Donc, merveille, grâce à ses représentants, "le peuple" est capable de tout comprendre et point n'est besoin de lui parler "bébé". En théorie. En pratique, ce n'est pas au président de la République de parler aux sans-dents, car il n'est justement pas le dictateur porté au pouvoir par les acclamations de la foule, malgré les dires de certains journalistes. C'est aux députés, aux préfets, aux services publics, de parler aux sans-dent (quelle proportion d'illetrés, en France, aujourd'hui ? On n'en sait même plus rien, mais probablement plus qu'en 1930).
Donc, bravo à notre jeune président d'avoir une vision au moins à moyen terme, même si l'on ne partage pas toutes ses options, en particulier, justement, cette option "sociétale" qui conduit au triomphe de l'égoïsme, au point de se priver de descendance pour quelques voyages en Thaïlande ou ailleurs.

Erwan Blesbois a dit…

Dans le monde de Macron, il n'y a que les "créateurs de richesses" qui comptent. Les fonctionnaires ne sont pas des créateurs de richesse, ils ne produisent rien, ils ne sont donc "rien" ; aussi Macron va-t-il réduire leurs salaires et "dégraisser" la fonction publique de 120 000 fonctionnaires inutiles et "parasites". Heureusement pour le "salut de l'humanité" les 2000 personnes les plus riches du monde, les créateurs de richesses, ont une fortune totale estimée à environ 7 670 milliard de dollars, soit 3 fois le PIB de la France et un peu moins de la moitié du PIB des Etats-Unis. Tout notre système économique libéral a pour finalité l'enrichissement toujours plus grand de cette caste : c'est ce qu'on appelle un système pyramidal, où la grande masse des populations (dont les fonctionnaires ces parasites), doit se contenter des miettes qui tombent parcimonieusement de ces gâteaux colossaux. Pyramidal comme les pyramides du haut desquelles les Aztèques pratiquaient leurs sacrifices humain. Finalement notre société n'est pas très différente de celles des Aztèques, les sacrifiés sont les chômeurs, les pauvres, les fonctionnaires etc.... Ainsi va le monde, et on n'y peut pas grand chose !

Anonyme a dit…

Futes vous à la convention ???

Emmanuel Mousset a dit…

Non, je n'ai pas de responsabilité à LREM, je ne suis qu'un adhérent de base.