mercredi 26 juillet 2017

De Nice à St-Etienne du Rouvray



Si vous regardez les gros titres des quotidiens de ce matin, vous faites ce curieux constat : aucun, à part La Croix, n'évoque la commémoration du Père Jacques Hamel, assassiné il y a un an dans son église par deux islamistes. A la radio, on parle surtout des incendies de forêt et du dernier film de Luc Besson. Bien sûr, la commémoration est relatée, mais secondairement. Si l'on compare avec les cérémonies de même type, pour l'attentat de Nice, la différence de traitement est spectaculaire. Pourtant, égorger un prêtre pendant sa messe, c'est un fait unique en France, tragique, traumatisant. Pourquoi l'impact semble-t-il moindre dans l'opinion qu'un camion fou qui écrase 80 personnes ? Je vois cinq raisons :

1- Notre pays est largement déchristianisé, indifférent et étranger à la religion. En la matière, nous sommes devenus des ignorants. Plus que cela : la religion nous inquiète. L'image du prêtre est communément associée à celle du pédophile. Dans ces conditions, le meurtre d'un homme d'Eglise ne déclenche pas le scandale et l'horreur que nous aurions pu éprouver autrefois.

2- La compassion contemporaine ne s'exerce que lorsqu'elle peut s'identifier aux victimes. Nous aurions tous pu nous retrouver à Nice, un 14 juillet, pour assister au feu d'artifice. Mais qui va s'identifier à un vieux prêtre catholique, faisant sa messe un matin de la semaine, entouré de quatre ou cinq fidèles ? Personne.

3- Notre société est en quête de boucs émissaires à travers ses institutions. A Nice, très vite, la sécurité a été mise en cause, jusqu'à viser la responsabilité du ministre de l'Intérieur. A Saint-Etienne du Rouvray, aucune polémique a suivi la tragédie. Les seuls coupables étaient les assassins. Impossible alors de se délecter dans la recherche morbide d'une vérité impossible, comme c'est souvent le cas dans ce genre d'attentat.

4- Contrairement à ce qu'on a dit, l'amour n'a pas été la seule réponse au carnage de Nice. Le lendemain, une stèle de la haine, au milieu de la chaussée, était érigée à l'aide de mégots, vieux papiers, détritus, sur laquelle les passants venaient cracher, en guise d'exorcisme. Les peluches, les fleurs et les bougies n'ont donc pas été les seules réactions. Surtout, les délits racistes ont notablement augmenté dans la région, lors des semaines qui ont suivi. Enfin, n'oublions pas, en août dernier, la stupéfiante chasse aux burkinis sur les plages du Midi. A Saint-Etienne du Rouvray, c'était exactement l'inverse : réconciliation et pardon, jusqu'à voir se multiplier sur nos écrans la présence de musulmanes voilées au côté des catholiques.

5- Ce matin, à Saint-Etienne du Rouvray, les commémorations se sont déroulées dans les cadres traditionnelles de deux grandes institutions : l'Eglise catholique et l'Etat républicain, l'une se basant sur l'Evangile, l'autre sur la Déclaration des droits de l'homme. Messe d'un côté, cérémonie républicaine de l'autre. A Nice, la ritualisation était inédite, prolixe, parfois surprenante, emprunte d'individualisme et de sentimentalité, sans rapport avec aucune tradition historique, politique ou religieuse. 

Je ne sais pas s'il faut déplorer cette différence et cette inégalité dans le devoir de mémoire. Mais il est intéressant de le remarquer.

2 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Ce qui est Sacré dans notre société, c'est l'enrichissement des déjà très riches et toujours plus riches, et de l'autre côté le sacrifice (déclassement, appauvrissement) des classes populaires et moyennes. Là à ces deux pôles du Sacré, s'exerce toute la violence du symbole (il s'agit toujours de défendre les valeurs du libéralisme, ou encore de la pensée calculante, au détriment de toute autre alternative). Ce qui est Sacré c'est le système économique et ses règles de croissance et d'austérité budgétaire, c'est tellement Sacré que plus personne n'ose démonter dialectiquement un dogme qui s'impose à tous comme celui de la CROISSANCE . À part ça je ne vois plus grand chose de Sacré dans les rites de l'église ou dans la liturgie républicaine, on pourrait parler d'attitudes rituelles, de transcendance certes. Mais de rien de tout ce qu'implique le sacré, comme déchaînement de la violence, encadré aujourd'hui par le sacro saint monde médiatique qui en assure la légitimité et la justification. Là au sein de ce monde médiatico culturel, sont les vrais prêtres de notre société. Qui assurent la caution éthique de la mise à mort des franges les plus fragiles de la population française, mais au delà, de la population mondiale. Car le Sacré a toujours à voir avec la violence et avec le sexe (ce qu'implique par exemple une position de haut rang : c'est la disponibilité des ressources matérielles et sexuelles pour son propre compte, mais en échange d'un service à rendre au système) En échange de sexe et d'argent, pour payer leur dette, les élites pérennisent intellectuellement et spirituellement le système.

Philippe a dit…

Tu as raison Erwan
à Calais on sacrifie ceux qui gagne leur vie difficilement ... chut ... dans les médias en français
http://www.express.co.uk/news/world/832557/migrant-attack-calais-trucker-over-head-with-brick
Par contre pour d'autres c'est cool ...
http://www.lejdd.fr/politique/harlem-desir-un-poste-a-losce-et-1220195-euros-par-an-3397988