dimanche 30 avril 2017

Les braves gens ne sont pas des salauds



Longtemps, je n'ai pas assisté aux cérémonies patriotiques. Drapeaux, fanfares, gerbes, allocutions me paraissaient vieillots, inutiles. C'était bon, à mes yeux, pour les officiels. Et puis, il y a une vingtaine d'années, devenant représentant d'une famille politique, je me suis senti le devoir d'honorer les invitations à ces manifestations. Très vite, j'ai changé d'avis. N'étant plus responsable, j'ai continué à participer, autant que possible, à ces rendez-vous traditionnels, que je considère maintenant de la plus haute importance : ce sont des leçons d'histoire, dont la valeur symbolique est essentielle. J'aimerais que nos concitoyens soient plus nombreux à les rejoindre.

Ce matin, devant le monument de la Résistance et de la Déportation, boulevard Gambetta, hommage a été rendu à toutes les victimes des camps de concentration. Il est évidemment fondamental de se souvenir de cette monstrueuse tragédie pas si ancienne, en plein cœur du XXème siècle. Bien sûr, il y a tous ceux qui vous diront : c'est vieux, c'est du passé, on ne reverra plus ça, inutile d'en parler, pensons aux problèmes d'aujourd'hui. Non, ce n'est pas du passé, et rien ne garantit que l'horreur ne se reproduira pas, sous des formes nouvelles, inédites, inattendues. L'histoire est pleine de ce genre de répétitions.

La journée nationale de la déportation nous invite aussi à réfléchir : comment un continent civilisé, moderne, humaniste a-t-il pu laisser s'installer une machine de mort collective ? Vu d'aujourd'hui, nous désignons avec raison les salauds : nazis, fachos, collabos. Mais ceux-ci, à toutes les époques, n'ont jamais été qu'une poignée, qui existent et gouvernent parce que des millions de gens les ont soutenus et portés au pouvoir. Des braves gens, des types honnêtes, qui n'auraient pas fait de mal à une mouche, de bons copains, des pères de famille, des travailleurs consciencieux, des citoyens irréprochables : dans les années 30, ils ont peu à peu glissé du côté des salauds, sans toujours s'en rendre vraiment compte ...

Qu'est-ce qui a séduit ces braves gens, en ce temps-là ? Le culte de l'ordre et de l'autorité, la critique de la finance internationale, l'aspiration au protectionnisme économique, l'exaltation de l'identité nationale. Racistes, les braves gens ? Non, seulement un peu xénophobe, juste ce qu'il faut : halte à l'immigration, les étrangers dehors, fermeture des frontières ! Les braves gens ne sont pas des salauds, mais leurs sentiments et leurs ressentiments ont permis aux salauds de s'installer, de poser des miradors et des barbelés et d'exterminer des millions d'innocents.

Impensable aujourd'hui ? Dans les années 30, c'était déjà impensable, et on a vu la suite ... La barbarie peut se reproduite, certes pas à l'identique, mais de façon différence, plus atténuée, mise au goût du jour, présentable. En tout cas, les braves gens ne peuvent plus dire qu'ils ne savent pas. Ils sont encore moins excusables qu'autrefois. Il ne dépend que d'eux de ne pas rejoindre les salauds.


En vignette : dépôt de gerbes, par Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin, William Damien, représentant des associations d'anciens combattants, résistants et déportés, Magali Daverton, sous-préfet.   

17 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Macron instrumentalise la Shoah contre la "vieille bête immonde". Mais ce ne sont pas les jeunes militants du FN qui rendent impossible l'enseignement de la Shoah, ou qui vont chercher sur internet des faits alternatifs à l'existence des camps de la mort, mais bien plutôt nommons-les, les jeunes de banlieue, issus de la "diversité culturelle", fruits du communautarisme, du multiculturalisme des "cultures en France" contre la culture française, voulus par le libéralisme afin d'exploiter une main d'œuvre à bon marché, peu revendicatrice, de créer du dumping social en défaveur de la population dite de souche, historiquement implantée depuis plus de temps, et qui semble être devenue un obstacle à l'ubérisation de la société, et donc in fine un obstacle à l'enrichissement indécent de ceux qui détiennent les capitaux. Projet d'enrichissement indécent purement matérialiste et vecteur d'aucunes valeurs morales porté par Emmanuel Macron, sauf quand il s'agit de stigmatiser l'adversaire nourri au mépris que lui voue la caste des heureux de la mondialisation, caste peu nombreuse par définition, mais qui a recourt à l'argument moral pour retourner les foules contre un parti dont les racines plongent dans le pétainisme, même si il se prétend aujourd'hui gaulliste. On traite ce parti comme un adversaire lorsqu'il s'agit d'éliminer les rivaux dangereux tels Mélenchon ou la droite conservatrice de Fillon, puis on le traite en ennemi (du genre humain), lorsque les choses sérieuses commencent, comme l'échéance électorale du second tour : nul doute que la majorité des Français effrayés tombera dans le panneau, pour ma part je prône l'abstention. Ni Macron, ni Le Pen, et tout chantage moral glisse sur moi comme de l'eau sur une plume.
On pourrait retourner l'argument de la bête immonde contre Macron, "il est toujours fécond le ventre d'où a surgi la bête immonde". Mais ce n'est pas aujourd'hui le ventre que l'on croit. Ce n'est peut-être pas celui que dénonce Macron qui voit la paille dans l'œil du voisin et ne voit pas la poutre dans le sien. Dans les années 30, c'est la finance internationale qui a cherché à instrumentaliser le nazisme contre le communisme, car les nazis n'ont jamais été favorables au partage des richesses, puis la créature a échappé à son maître. Entre les deux tours la question de l'islamo-fascisme qui recrute dans les banlieues française les aspirants au djihadisme et qui nie la réalité de la Shoah, est passé à la trappe et l'on nous ressort les années 30, mais nous ne sommes plus dans les années 30, la situation est inédite. Cependant comme dans les années 30, c'est toujours l'oligarchie qui a un coup d'avance pour instrumentaliser tout et n'importe quoi contre ses adversaires, jusqu'à ce qu'effectivement une créature immonde sorte de tout ça, et se retourne à nouveau contre son maître, car on ne peut pas impunément chercher à manipuler tout le monde indéfiniment, un jour ou l'autre il y aura un retour du bâton, d'où qu'il vienne. Les salauds ne sont pas ceux qu'on croit quand tout bascule à l'imparfait !

Erwan Blesbois a dit…

Globalement lors de ces élections, on pourra dire que la finance internationale déterritorialisée globalement libérale-libertaire a instrumentalisé le FN et la colère populaire pour éliminer au premier tour la vieille droite libérale-conservatrice jugée trop rigide et clivante pour être véritablement efficace afin de mener les réformes qui conduiront à l'ubérisation de la société, et engendrer aussi l'élimination de la gauche de rupture sociale-libertaire de Mélenchon qui remet en cause le pouvoir de l'argent, encore bien plus dangereux pour le pouvoir médiatico-financier que le FN, tout comme dans les années 30 le monde de la finance finit par tout céder à Hitler pour contrer le communisme.

Erwan Blesbois a dit…

Là il s'agit d'un coup de maître, car un plébiscite en faveur de Macron lui faciliterait la tâche, se présentant comme le rassembleur qui a terrassé la bête immonde, rendant impossible toute contestation à son projet d'ubérisation de la société.

yvesgerin a dit…

Pas assez de monde mais présence remarquée de Madame Macarez

Emmanuel Mousset a dit…

Erwan, le FN n'est pas pour toi un danger. Le danger, c'est Macron. Ok, très bien, assume jusqu'au bout cette position, et nous en reparlerons.

Nicolas_le2 a dit…

Ne pas être dupe, donc, de l’escroquerie sémantique consistant à nommer une chose par son contraire — spécialité typique des totalitarismes : le prétendu « antifascisme » est en vérité la forme la plus achevée de fascisme observable à ce jour. Il en a les méthodes (désinformation, propagande, dressage idéologique), le sectarisme, l’intolérance hystérique, le goût immodéré des slogans et la haine du débat, le traitement des contradicteurs par l’intimidation et la calomnie, et la connivence avec les franges les plus barbares de la population. L’antifascisme est aujourd’hui le déguisement que prend la complaisance pour les plus noirs desseins de destruction de la France. Il est la parure avantageuse dans laquelle se drape l’esprit de soumission et de collaboration. Mais cette imposture va finir. L’éclaircissement sémantique est en cours. Les yeux se dessillent. Les masques tombent. Les charlatans de l’humanisme font de moins en moins recette. Bientôt, ils raseront les murs. Car le temps n’est plus loin où tout le monde comprendra enfin qu’« antifasciste » signifie « collabo ».
http://les-minuscules.blogspot.fr/2015/08/lantifascisme-en-une-minute.html

Nicolas_le2 a dit…

Nos Jean Moulin en carton feraient bien de s'aviser que l'essence du fascisme, c'est précisément le refus de la discussion au profit des injonctions. La substitution des slogans aux explications, des réflexes à la réflexion. Le choix de l'intimidation au détriment de l'argumentation. Le recours non pas aux arguments, mais aux hurlements pour combattre les opinions divergentes.

Nos résistants de salon apprendront également que Staline, docteur ès goulag, préconisait de traiter son adversaire de fasciste pour le disqualifier, le salir (autrement dit, le diaboliser...) et s’épargner ainsi une discussion argumentée. D’investir le terrain de la condamnation morale pour éviter d’être entraîné sur celui, bien plus glissant, des arguments et des faits. De substituer la calomnie à l’affrontement loyal. Grand classique : quand on n’a rien à opposer à la contradiction, on s’en prend au contradicteur…

Enfin, ces idiots utiles, ces dupes de toutes les impostures se souviendront des paroles du coton tige Lionel Jospin (une fois retiré des affaires — pas fou l’animal) : « Avec le Front national, nous n’avons jamais été dans une situation de menace fasciste, et même pas face à un parti fasciste. Tout antifascisme n’était que du théâtre » .

Autrement dit, la très originale, très courageuse et très tolérante haine du F-Haine agit comme un efficace révélateur de conformisme. Un signe incontestable de crédulité. Elle traduit une naïveté sans borne, une extraordinaire paresse de l’esprit, un renoncement total à exercer son discernement, son intelligence, ses plus élémentaires capacités d’observation. Quand on s’approche du bétail à propagande, qu’on écoute un des ces innombrables moutons, pétri de ses certitudes d’ignorant, réciter son catéchisme antifasciste en bêlant docilement — sans jamais argumenter, et pour cause — contre le danger fasciste, le retour de la bête immonde et la démocratie en danger, on peut être sûr d’avoir affaire à quelqu’un dont l’esprit critique n’est plus fonctionnel. Quelqu’un qui a abdiqué toute lucidité, toute capacité à examiner les discours qu’on lui soumet, toute exigence d’honnêteté intellectuelle. Quelqu’un dont le sens de la vérité a été anéanti par des décennies de conditionnement, d’endoctrinement, de formatage idéologique. Un esclave des médias, manipulable à souhait, consentant à tous les enfumages, à toutes les désinformations. Un complice objectif du totalitarisme idéologique qui répand ses ravages depuis trois décennies, et occulte la préparation sur notre sol d’une tragédie sans précédent.

http://les-minuscules.blogspot.fr/2017/04/marche-funebre.html

Emmanuel Mousset a dit…

Désolé, Nicolas : j'ai pour habitude d'appeler un chat un chat, un con un con et un facho un facho. Comme je suis tolérant, je vous laisse le soin de choisir à laquelle de ces trois catégories vous appartenez.

Anonyme a dit…

Le Pen veut instaurer un ordre des journalistes comme il y a un ordre des médecins. elle en a mare des critiques "infondées" dit elle (à son égard bien sûr) La couleur est annoncée! A quand un ministère de l'information. Seul le libéralisme instaure des contre pouvoirs. Bien entendu dans le domaine économique il faut des compensations. L'exemple de la suppression de la taxe d’habitation pour les familles modestes en est un. Si l'on ne veut pas devenir la Turquie ou l'Egypte en terme de liberté, on a pas le choix.

Anonyme a dit…

Et vous quelle est votre catégorie ce matin ?? On est en droit de le savoir et de comparer puisque vous définissez si bien celles des autres !!!!!!!!

Anonyme a dit…

La très probable victoire d'Emmanuel Macron a déjà le mérite de clarifier le débat politique en mettant fin à ces fausses alternances droite/gauche. Elle permettra au mandataire de l'oligarchie au service de la mondialisation heureuse et de l'Europe ultralibérale sous direction allemande d'imposer sa loi d'airain par des lois travail rétrogrades El Khomri à la puissance 10.
Déjà le mentor de Macron, Jacques Attali,'économiste de cour et courtisan de tous ceux qui nous ont gouverné depuis 1981 avec Mitterrand, a déclaré que la perte d'emplois des salariés de Whirlpool dans une région déjà naufragée par les pertes d'emploi est une "anecdote". Je dis tout net en pesant mes mots Jacques Attali est un salaud de bourgeois apatride, valet du Capital. Le petit-bourgeois Emmanuel Mousset n'est que son laquais. Ce dernier est schizophrène puisqu'il vit dans une région sinistrée par ce qu'il préconise.
Partisan de la France Insoumise il n'est pas question de faire partie de la France soumise en votant Macron avec l'alibi d'une illusoire menace fasciste que même Lionel Jospin a dit en 2007 à propos de 2002 qu'elle n'était qu'un théâtre d'ombres. En conséquence je voterais blanc.

yvesgerin a dit…

La destruction de l'humain est devenue discrete,subreptice,y compris dans le regard vide ou éloigne des foules solitaires addictees aux écrans et à ceux qui les manipulent ou bién en exploitent l'économie planétaire.

yvesgerin a dit…

Image emouvante

Philippe a dit…

"Les braves gens ne sont pas des salauds, mais leurs sentiments et leurs ressentiments ont permis aux salauds de s'installer, de poser des miradors et des barbelés et d'exterminer des millions d'innocents."
J'ai eu la "chance" de connaître physiquement ce type de clôture politique.
Franchouillard innocent je me suis bêtement agrippé à la clôture séparant l'Allemagne de l'Est et celle de l'Ouest du côté de Lübeck fin des années 70.
Un ami allemand m'a tiré en arrière très brutalement ... le vopo (Volkspolizei) sur son mirador me mettait en joue !
Il m’a été expliqué ensuite qu’il pouvait y avoir un tir réel, ce qui selon lui était déjà arrivé.

Emmanuel Mousset a dit…

Aucun problème : je suis chat, et gare à mon coup de patte.

Anonyme a dit…

Un ami a rapporté les propos du Mikis Théodorakis, musicien et grand résistant antifasciste à l'heure de la Grèce des colonels (1967-1974) datant de novembre 2011 selon lequel les banques et leurs exigences allaient nous ramener au fascisme. Malgré une rhétorique outrée ces propos ont une part de vérité et d'actualité dans la mesure où il est demandé à tous les peuples de payer les errements des banques qui devraient les conduire à la faillite. Mais étant "too big too fail" les états et les classes politiques ont préféré se coucher devant elles. Ces derniers cèdent à leurs exigences et mènent des politiques d'austérité sans fin avec l'alibi d'une union européenne. Aussi c'est être hypocrite que de s'étonner et crier au loup quand des formations populistes font de plus en plus d'audience et se trouvent aux portes du pouvoir. Pour être pris au sérieux mieux vaut soigner les causes pour en réduire voire annihiler leurs effets.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, quand le loup est là, il faut crier dessus. Et le loup, c'est Le Pen.