samedi 29 avril 2017

Ambiance de marché



J'ai toujours pensé qu'une distribution sur un marché valait bien un sondage d'opinion. Ce matin, nous étions six En Marche ! du côté de la rue des Toiles. Aucun militant FN, contrairement à mercredi dernier, mais ceux du POI, Parti ouvrier indépendant (extrême gauche), avec le tract au titre suivant : "Pas une voix pour les candidats de la réaction ! Pas une voix pour M. Macron et Mme Le Pen ! RESISTANCE !" Ce n'est pas vraiment l'idée que je me fais de la résistance, sur le plan historique du moins. La droite n'était pas absente, mais individuellement : Julien Dive, Marie-Laurence Maitre, Vincent Savelli, Freddy Grzeziczak ...

Autant le dire tout de suite : l'accueil envers Macron est moins bon qu'avant le premier tour. A Saint-Quentin, on sent que les 30% du Front national sont passés par là. C'est qu'un deuxième tour inaugure une campagne nouvelle. Cette fois-ci, les passions, quand il y en a, sont exacerbées : on ne fait pas plus opposés que Le Pen et Macron ! Les réactions traduisent ce choc des candidatures. Et puis, il y a tous ceux, nombreux ce matin, qui rejettent les deux candidats et s'apprêtent à s'abstenir ou à ne pas aller voter. Là aussi, la situation a complétement changé : plus de réflexe anti-FN, plus de vote républicain. On a beaucoup parlé, à propos de Fillon, d'un "vote caché", finalement inexistant. Je crois qu'il pourrait être réel, du côté de l'électorat de Mélenchon, au profit de Le Pen, dans un souci de radicalisation.

Bien sûr, il faut relativiser ces impressions par le fait que de nombreux passants prennent notre tract favorablement, nous assurent de leur soutien, manifestent leur rejet de l'extrême droite. Encore heureux ! Mais si je devais faire une estimation à la louche, je dirais que c'est du 50/50. Il y a aussi les silencieux, les souriants, les polis dont on ne sait pas ce qu'ils pensent ni ce qu'ils feront le jour de l'élection.

Ce qui est stupéfiant, c'est l'influence des médias. Une dame m'asticote sur l'épisode de la Rotonde. Je lui répond assez facilement que c'est une brasserie ordinaire et que Macron a bien le droit d'aller prendre un pot pour remercier son équipe au soir du premier tour. Elle en convient mais me dit que l'image véhiculée par la télévision reste négative aux yeux de beaucoup, y compris à ses propres yeux, nonobstant mon explication. Comme si l'image télévisée prévalait sur la réalité. J'ai immédiatement pensé à la distinction que fait désormais la météo entre la température réelle et la température ressentie. C'est la victoire assumée de la subjectivité sur le réel ! Nous ne sommes plus dans la politique, mais dans le fait de société.

Dans la même veine, une marcheuse se dit horrifiée de ce qu'elle lit sur les réseaux sociaux (où je ne vais pas) contre Emmanuel Macron : un torrent de boue, les pires rumeurs pour l'avilir. Les pères de la République rêvaient à un citoyen responsable faisant des choix argumentés à l'issue d'un débat rationnel : nous en sommes très loin ! Mais, après tout, la République en a vu d'autres et son idéal n'a jamais cessé d'être malmené.

Ce que je retiens de ces deux heures passées sur le marché de Saint-Quentin, c'est que rien n'est joué pour le second tour : le résultat demeure incertain et le pire n'est pas à exclure. Pour tout dire, je suis inquiet, raisonnablement inquiet. Il faudra mobiliser jusqu'au dernier jour, défendre Macron jusqu'au bout, ne lâcher sur rien. J'irais plus loin : la victoire ne suffit pas ; il faut une LARGE victoire. Sinon, aux législatives qui suivront, ce sera une vague FN qui emportera tout et rendra le pays ingouvernable. Oui, aujourd'hui, pour la première fois depuis le lancement d'En Marche ! je suis inquiet.

Je ne doute évidemment pas qu'une grande partie de la population française est attachée à la République. Mais je crains qu'une autre partie, non négligeable, n'en a rien à faire, est au contraire séduite par la figure autoritaire de Le Pen, dans une société qui travers une crise de l'autorité, à tous les niveaux. Qu'est-ce que cela donnera dans huit jours ? Je n'en sais rien. Je sais seulement qu'il faut tout faire pour que Macron soit élu et Le Pen largement battue.

4 commentaires:

Philippe a dit…

J’ai entendu parler d’un livre anglo-saxon dans lequel l’auteur estime que l’électeur se comporte principalement en être essentiellement « affectif »… en clair pas très raisonnable au final ...
Parler de ressenti c’est parler de l’affectif.
Le Fouquet’s avait été désastreux en terme d’image pour Sarkozy mais le 2ème tour était passé.
La Rotonde laisse entendre/croire qu’il n’y a plus besoin de 2ème tour donc plus besoin d’électeurs.
C’est pas très élégant et un peu dans la veine de l’éthylisme en Artois ou l’analphabétisme en Bretagne.
J’avais de mon côté entendu parler de l’abus d’excitants sans doute illicites dans certains milieux survoltés des finances … que n’en parle-t-il pas !
Cet amateurisme comportemental aura-t-il un impact ?
Je n’en suis pas sûr, il y aura peut être plutôt un élu ou une élue avec une minorité de voix par rapport aux inscrits.
Une forte accentuation du déficit de légitimité est plutôt à craindre.

Anonyme a dit…

Le succès de Macron démontre la stupéfiante influence de l’image sélective sur les esprits français qui continuent - on en revient toujours pas - à être matés par un écran. Soral et Dieudonné n’ont pas autant d’influence sur l’entreprise Le Pen que ce qu’on affirme. Le FN est un parti qui existe depuis très longtemps, il a été instrumentalisé par Mitterrand dès 83 d’une façon efficace. La même méthode est utilisée aujourd’hui parce que la population a changé, qu’elle n’a pas de mémoire ni aucun sens de l’Histoire et qu’il est donc à nouveau facile d’agiter un épouvantail fictif comme le FN pour forcer l’élection de celui qu’on a au préalable formaté... Macron est le fossoyeur de la France, mais ce jeune homme rempli de lui-même, narcissique jusqu’à la caricature, adoré par sa femme-maternante, admiré (faussement) par ses "soutiens" qui y voient une formidable opportunité pour retrouver un ministère ou une place grassement payée par nos deniers, ce jeune homme est un ballon vide de vraie intelligence. Tout est artificiel chez Macron, tout est sur papier mais rien n’est dans ses veines ni dans ses tripes. C’est un pur produit de la post modernité à laquelle s’identifient une partie de la jeune génération, celle des portables, des écrans de poche, des aéroports et des salons "vip" de gares. Cette génération aura une chute très rapide et très violente.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous avez raison, la population n'a pas de mémoire et aucun sens de l'Histoire. Sinon, Le Pen n'aurait pas autant de voix.

Philippe a dit…

Ceux qui ne connaissent pas ou n’ont pas vécu l’histoire « récente » de la France sont très nombreux.
Dans le JO AN (AN = Assemblée Nationale) du mercredi 29 janvier 1958, compte rendu de la 2ème séance du mardi 28 janvier 1958 le député JM Le Pen explique dans un discours fleuve que les algériens sont une chance pour la France.
Il précise : « J’affirme que dans la religion musulmane rien ne s’oppose au point de vue moral à faire du croyant ou du pratiquant musulman un citoyen français complet. Bien au contraire. Etc. etc.»
Que sait un homme d’un autre homme ?
Ma réponse serait … seulement les choses qui lui permette de mépriser l’Autre pour se valoriser Lui.
Ce qui conduit certains misanthropes à dire plus je connais les hommes plus j’aime mon chien.