jeudi 8 décembre 2016

Zyva zyva, Peillon !



Celui-là, on ne l'attendait pas, et coucou, le voilà, comme le lapin qui sort du chapeau. Mais qui est le magicien à la baguette ? C'est le mystère de ce candidat mystère, Vincent Peillon. Qu'on ne s'étonne pas trop : c'est un classique en politique, la pochette surprise, le postulant de la dernière heure. Certains stratèges en font toute une stratégie : laisser filer le temps, ne rien laisser paraître, se dévoiler tout à la fin. Peillon, personne n'avait jamais entendu dire qu'il rêvait d'être président de la République, lui non plus peut-être. Mais c'est sans doute une vocation tardive, comme en religion. Pas mal joué d'ailleurs : en surprenant son monde, on devient moins vulnérable qu'en s'exposant très vite. Que du classique, je vous dis.

C'est aussi une vieille ficelle que de ne pas se déclarer directement, de le faire savoir par d'autres. Quand on n'a pas énormément d'atouts pour soi, il faut savoir susciter le désir, le retenir quelques jours pour le faire grossir, avant d'annoncer officiellement qu'on "y va", dans le jargon politique. Zyva zyva, Peillon ! Au fait, Peillon "y va", mais pourquoi ? Et pour quoi ? Et pour qui ? Il va sûrement nous l'expliquer, quand le non candidat devenu presque candidat sera vraiment candidat.

Vincent Peillon a-t-il un projet présidentiel ? Peut-être, mais je n'en ai jamais entendu parler, je n'ai rien lu de lui à ce sujet. Même en tant que député européen, mandat qu'il exerce depuis deux ans, il n'a guère été bavard. Vincent Peillon traduit-il au moins, à gauche, une sensibilité politique, un courant d'idées, quelque chose qu'on pourrait identifier par un nom ? Je ne pense pas, je ne vois pas. C'est bien sûr un homme intelligent, puisqu'il fait de la politique. Il a de nombreux écrits à son actif. Mais il n'est pas représentatif de quoi que ce soit. C'est pourtant un préalable pour concourir dans ce noble scrutin qu'est l'élection présidentielle. Il faut incarner autre chose que soi-même. Peillon, non.

Pour le moment, qui est court, son positionnement est central, entre Valls et Montebourg, et son projet est le rassemblement. A peine malin et pas très original. Peillon veut jouer les tranches de jambon entre deux gros morceaux de pain. On ne vise pas l'Elysée avec ce genre de cuisine. D'autant que les résultats donnent le contraire : Peillon veut rassembler et sa candidature divise encore plus (avec lui, c'est le 11ème candidat à la primaire de la gauche, et ce n'est pas fini).

J'en viens presque à me demander si le but de cette candidature qui tombe du ciel n'est pas celui-là : diviser, gêner, empêcher. C'est, là encore, une rouerie politique bien connue : multiplier LES candidats pour faire perdre UN candidat. Car, en ce domaine, contrairement à la vie ordinaire, plus on est de fous et moins on rit. La candidature Peillon embarrasse qui ? La candidature Valls. Plus les candidats se multiplient, plus le premier de la liste a des difficultés : c'est aussi inéluctable que la chute des corps en physique.

Vincent Peillon, c'est également le bon candidat pour ceux qui ne veulent pas encore choisir de candidat, qui attendent de voir la tournure des événements entre les deux poids lourds, Manuel Valls et Arnaud Montebourg. Peillon, c'est une voie de garage avant de se décider vraiment, une fois la primaire passée et qu'on va entrer dans le dur de la campagne présidentielle. C'est une option qui ne mange pas de pain. Le soutenir, c'est prendre position sans trop s'engager, pour ne pas faire jurer l'avenir. En politique, il faut savoir se mettre en roue libre, en stand by ; c'est plus prudent, quand les temps sont incertains. Autant ne pas pédaler pour rien ...

Il y a dix ans, Peillon, Montebourg et Hamon étaient copains ; ils avaient fondé ensemble, le NPS, Nouveau Parti Socialiste, rien que ça, une aile gauche propre sur elle, fréquentable, pas gueularde, comme Filoche ou Lienemann. Maintenant, tous les trois sont concurrents dans la course à l'Elysée, et le NPS a disparu. Allez y comprendre quelque chose ... Cette primaire ressemble de plus en plus à un congrès du Parti socialiste, avec ses courants, ses sous-courants et ses sous-marins. Manuel Valls s'en inquiète, et l'on comprend bien pourquoi : les torpilles sont pour lui.

Bon, me direz-vous, Vincent Peillon a le droit de se porter candidat, nous sommes en démocratie et il n'y a rien à redire. Je veux bien, mais à partir de là, si Vincent Peillon est candidat, Ségolène Royal peut être candidate, Christiane Taubira peut être candidate, Martine Aubry peut être candidate, Julien Dray peut être candidat, Anne Hidalgo peut être candidate, Bernard Cazeneuve peut être candidat, Michel Sapin peut être candidat ... J'arrête là, je risque d'en oublier. Si Vincent Peillon est candidat, une bonne vingtaine d'autres, en cherchant bien, sont tout aussi légitimes à se porter candidats. C'est vraiment ça la démocratie ?

Un ultime argument joue en défaveur de Vincent Peillon, devrait le dissuader de déposer sa candidature. C'est peut-être l'argument le plus invalidant : Peillon est prof de philo ! En apparence c'est un avantage, en réalité c'est un boulet. Un prof de philo fait des cours, fait des livres, fait des conférences, fait des articles et c'est déjà beaucoup. Mais il ne fait pas de politique, il ne sait pas ou il fait mal. Non, croyez-moi, un prof de philo, ce n'est pas fait pour ça.


En vignette, l'une des dernières apparitions politiques de Vincent Peillon ministre... à Saint-Quentin, venu soutenir la tête de liste à l'élection municipale, Michel Garand, le 10 mars 2014.

9 commentaires:

SQ a dit…

Prof de philo, comme quelqu'un...
Ancien président de ligue de l'enseignement, comme quelqu'un...
Socialiste du PS, comme quelqu'un...
Allez, un p'tit effort, quelqu'un et portez-vous aussi candidat.
Et ce quelqu'un deviendra alors vraiment quelqu'un au moins à Saint-Quentin !
Je vous promets de voter pour ce quelqu'un !

Anonyme a dit…

Peillon fût un professeur de philosophie, et par certains aspects le reste; ce qui fait de lui une personnalité atypique. Vous devriez être plus sensible à sa démarche hormis sa candidature à la primaire socialiste.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, aucune sensibilité à son égard. Peillon me laisse froid.

Anonyme a dit…

Emmanuel Mousset ou le colin froid qui ne lit que ce qu'il veut bien lire, non pas la personne mais la démarche de Vincent Peillon : un socialiste mais dans la lignée de Jules Ferry, un progressiste façon IIIè République dont on devrait s'inspirer étant donné les classements internationaux de notre système scolaire. Ils indiquent tous la baisse du niveau scolaire étant donné les "réformes" diverses et variées des ministres de l'éducation tant de droite que de gauche qui se sont succèdés depuis 25 ans en rabaissant de façon constante les moyens accordés à l'apprentissage des savoirs fondamentaux. Vous-mêmes, en tant que prof de philo, vous devez constater, comme bien des gens, la baisse du niveau de maîtrise de l'orthographe.

Emmanuel Mousset a dit…

Ah ! "le niveau baisse" : oui, je connais la chansonnette, à désespérer les défenseurs de l'école, dont je suis. Et si c'était la vue des vieillards qui racontent ces sornettes qui baissait ?

Anonyme a dit…

Encore une fois l'aveuglement et l'esprit très franco-français de Monsieur Mousset qui ne veut pas connaître ce qui dérange son confort intellectuel petit-bourgeois de prof de philo de la France périphérique. C'est bien connu : les classements internationaux comme PISA de notre système scolaire, ça n'existe pas. Ils font le constat du déclassement de notre système scolaire et de sa baisse de niveau. Je n'invente rien.
Sortez donc de votre cocon et confrontez-vous au reste du monde. Mais j'oubliais que Monsieur Mousset ne lit que ce qui conforte ses opinions. Dormez bien! Le réveil n'en sera que plus rude!

Emmanuel Mousset a dit…

Les classements internationaux, établis sur des critères internationaux, sont très discutables. Mais je constate que vous ne les discutez pas.

Anonyme a dit…

Monsieur Mousset qui se prétend européen donc apatride, internationaliste ne veut pas voir ce qui dérange sa franchouillardise. Il est un point que je puis vous accorder c'est que ces classements internationaux ignorent le meilleur de notre système scolaire: les grandes écoles qui forment l'élite de demain de notre pays sont à l'abri de ce déclassement parce que vous y êtes admis sur un concours très sélectif qui ne prend donc que les meilleurs, ceux dont les parents ont un solide capital culturel pour permettre à leurs enfants d'échapper aux lacunes de plus en plus graves de notre système scolaire. Mais lisez donc le livre de la journaliste de "L'Obs" Carole Barjon "Mais qui donc sont les assassins de l'école", vous serez édifié du moins si vous voulez sortir de votre prêt-à-penser qui vous arrange tellement. Même l'incurable optimiste Emmanuel Todd le reconnait, mais vous ne le lirez pas non plus pour la même raison.

Anonyme a dit…

"Et si c'était la vue des vieillards qui racontent ces sornettes qui baissait?" une affirmation qui ne manque pas de sel quand le tenancier de ce blog dit il y a quelques temps qu'il était vieux dès son plus jeune âge. Maintenant qu'il est encore plus vieux il s'entiche d'un jeune-vieux Macron. Décidément comme le disait le Général à propos de Pétain "la vieillesse est un naufrage". Cependant de nos jours les vieux aiment faire du jeunisme pour se donner l'illusion d'être "moderne".