samedi 17 décembre 2016

Macron, libéral ou pas ?



Une semaine après le grand meeting d'Emmanuel Macron, En Marche ! Saint-Quentin a fait le point. Norbert, qui était présent à Paris, a été impressionné par l'organisation. Pour un tout jeune mouvement, c'est une réussite ! Mike Plaza, responsable des Jeunes avec Macron dans l'Aisne et chargé de la sécurité, s'est félicité aussi de la bonne tenue du rassemblement. Unique incident : quatre militants du NPA qui ont tenté de projeter des boules puantes (!). Contre 15 000 personnes, le rapport de forces n'était pas vraiment en leur faveur ... Notre souhait à tous : la prochaine venue d'Emmanuel Macron dans le Saint-Quentinois.

Philippe Lemarchand, professeur d'économie, nous a exposé les principales propositions du candidat, qui ne sont pas encore toute dévoilées, mais dont la philosophie prend largement corps. Avec cette question centrale, qui revient souvent dans les rencontres et discussions : Macron est-il libéral ou pas ? L'interrogation est sans doute trop théorique, prise comme telle. Ce qui compte, ce sont les mesures concrètes, à partir de quoi on peut porter un jugement. Car si être libéral, c'est admettre l'économie de marché, je ne connais pas beaucoup de monde qui soit rigoureusement antilibéral.

Si on lit honnêtement les textes d'Emmanuel Macron, comme Philippe l'a fait, on constate que sa politique économique est un mixte d'offre et de demande (que classiquement on oppose, de façon abusive). Chez Macron, la relance de la demande passe par l'amélioration du pouvoir d'achat (voir billet de lundi dernier). Quant à l'offre, elle est stimulée par la baisse des charges des entreprises (en remplacement du crédit emploi-compétitivité, trop complexe), afin d'inciter à l'embauche et à l'investissement. Un pur libéral ne compte que sur l'offre et ignore la demande.

De même, un pur libéral n'accepte aucune nationalisation, écarte toute intervention de l'Etat. Ce n'est pas le cas de Macron, qui propose au moins une nationalisation : celle de l'UNEDIC, qui est déjà entrée dans les faits, puisqu'on peut dire que c'est l'argent public qui finance aujourd'hui les allocations chômage. Un libéral intégral ou intégriste ne voit pas non d'un bon œil l'intervention des syndicats ; il ne conçoit les relations économiques que comme des rapports conflictuels et contractuels d'individu à individu, où le plus fort ne peut l'emporter que sur le plus faible.

Ce n'est pas la vision de Macron, qui veut au contraire renforcer le rôle des organisations syndicales, en leur redonnant les marges de négociation qu'elles ont perdues au profit de la loi. A ceux qui croient encore que le progrès social passe par une extension du droit du travail, l'exemple de la social-démocratie scandinave apporte un démenti : les lois sociales sont restreintes, la négociation entre partenaires sociaux est prioritaire, les syndicats sont puissants, la situation des salariés bien meilleure qu'en France.

Un libéral cherche à réduire l'Etat à ses fonctions minimales, régaliennes. Emmanuel Macron propose certes de diminuer les dépenses de fonctionnement, mais c'est pour augmenter les dépenses d'investissement. Il ne prône pas le retrait dogmatique de l'Etat, mais au contraire son intervention ciblée et son rôle protecteur. Et quand Macron souligne les limites de l'administration, c'est au profit de l'économie sociale, des partenaires locaux, du tissu associatif, pas du laisser faire, de la loi de la jungle. Il s'agit de mobiliser toutes les compétences, où qu'elles se trouvent, d'où qu'elles viennent.

Macron n'est pas non plus libéral en matière de traitement du chômage, puisqu'il propose d'étendre l'allocation chômage à tous, y compris en cas de démission, afin de permettre une mobilité à risque réduit. Le chômage doit être perçu en termes de transition professionnelle, et les garanties qui vont avec, principalement la formation. Celle-ci, aujourd'hui, profite essentiellement aux salariés qui veulent améliorer leurs compétences, pas à ceux qui souhaitent changer de branche d'activité. Quant aux chômeurs, les difficultés qu'ils rencontrent en matière de formation sont énormes. 

L'engagement européen d'Emmanuel Macron est très fort. Dans quel autre meeting voit-on des drapeaux européens et français agités à égalité ? Le candidat veut réactiver le couple franco-allemand, proposer à notre principal partenaire un deal : la réduction des dépenses contre un allégement des contraintes qui pèsent sur la croissance. On retrouve ici ce que j'ai mentionné au début : le mixte entre l'offre et la demande, la rigueur et le développement.

Au final, pour répondre à la question initiale, je dirais que non, Emmanuel Macron n'est pas libéral, au sens que lui donnent l'opinion publique et les commentateurs politiques en France. Est-il alors social-libéral, comme beaucoup le qualifient ? Encore moins, puisque ce terme est à la fois contradictoire et polémique. Social-démocrate ? C'est mieux, mais ce n'est pas ça non plus. La social-démocratie est un moment historique particulier, largement dépassé par les évolutions contemporaines. Réformiste ? Si l'on veut, mais le mot prenait tout son sens quand il s'opposait au révolutionnaire, qui aujourd'hui n'existe plus guère. Et si, pour désigner l'engagement d'Emmanuel Macron, on employait l'étiquette qu'il s'attribue le plus souvent ? C'est un progressiste, contre la figure du conservateur, qui, elle, est très répandue.

Puisque nous sommes dans des querelles (pas vaines) de vocabulaire, nous pourrions tout au plus admettre que Macron est un libéral au sens du XVIIIème siècle, un esprit éclairé qui réfléchit et agit pour le progrès et le bien-être des sociétés. Libéral au sens politique et philosophique, au sens qu'il a encore gardé aux Etats-Unis d'Amérique, mais pas en Europe. 

Sur toutes ces questions, pour connaître les prises de position précises et réelles d'Emmanuel Macron, pour échapper à la caricature et à la désinformation, je vous recommande de consulter le site mis en place par les Jeunes avec Macron : vision-macron.fr . C'est clair, rapide, pédagogique. A vous, après, de vous faire votre idée personnelle.

6 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

...Je crois qu'Emmanuel Mousset sur ce blog a plusieurs fois préconisé l'écrasement de la Grèce sous le rouleau compresseur allemand, et de son orthodoxie financière qui asphyxie désormais l'Europe entière, que les britanniques ont quitté renouant avec le vieux réflexe churchillien de résistance à l'Allemagne nazie. Les Allemands n'ont jamais fait preuve de sentimentalisme et ils renouent avec les valeurs hégéliennes de leurs grands parents, sans honte ni remords. La prochaine victime pourrait bien être la France, si nous continuons tous à nous comporter collectivement de façon si faible et désunie : les Français font semblant d'avoir de faux scrupules à faire preuve de courage, pour masquer leur lâcheté intrinsèque, qui les fait renouer avec les valeurs de capitulation du pétainisme, capitulation dont Fillon serait le champion idéologique.
L'"homo œconomicus" moderne est globalement pervers, nous sommes tous contaminés par la perversion. Mais les enfants eux sont innocents, c'est le sens de mon existence désormais. Contre les collègues, contre la hiérarchie, contre les psys, contre la destruction de l'école notamment qui n'est que la face cachée du terme crucial de la trinité de l'orthodoxie financière : innovation. L'esprit d'innovation et sa face obscure la destruction sont incompatibles avec la mémoire et l'identité que recelait l'école, c'est donc en réalité avec la mémoire et l'identité, l'esprit qui s'en va. Le libéralisme qu'il soit politique ou économique aura été responsable de la mort de son père : l'esprit des lumières, qui lui même puisait sa source à l'esprit de la Grèce antique.
"Notre" monde commun va sans doute être détruit de notre vivant, reste à savoir si en sortira le chaos ou bien une renaissance sur d'autres bases plus humaine, l'idéal selon moi sur la mémoire, l'identité et la culture
J'ai cette "chance" d'être à l'avant garde de cette conscience de la "destruction du monde", que d'autres perçoivent de manière intuitive mais à la manière d'un jeu jouissif, comme le voyeurisme. Disons que par la proximité d'un père pervers, je discerne peut-être mieux les contours de cette destruction programmée : oui il y a un côté rigolo et jouissif, comme le dit Emmanuel Mousset pour qualifier mon état d'esprit parfois. La destruction est dionysiaque...

Anonyme a dit…

Il n'avait sans doute pas saisi, pas compris. Il croyait que c'était moderne. Emmanuel Macron n'a pas compris que l'époque est à la sincérité, la vraie. Emmanuel Macron n'est plus un ovni. Il n'est plus la chose a-politique et technicienne qui gouverne Bercy. Il veut convaincre l'électeur. Mais la démarche, revendiquée sincère et au-dessus des clivages, a viré au désastre
Ce lancement de ce parti est d'abord le fruit d'une déception personnelle, d'une bouderie du jeune ministre. Sa fausse modestie affichée cache mal son énorme déception de n'avoir de réforme majeure à son crédit, alors que le quinquennat Hollande touche à sa fin. De Macron-ministre, on se souviendra, peut-être, de la libéralisation du travail le dimanche et des transports en car. Pour un ministre de l'Economie si réformateur, le bilan est mince, même vu de droite.
"En Marche", c'est donc le nouveau parti d'Emmanuel Macron. Le narcissisme est assumé - EM, comme Emmanuel Macron. Mercredi 6 avril, l'actuel ministre est sur son estrade, à Amiens, devant une centaine de personnes triées sur le volet: ce n'est pas une "rencontre citoyenne", mais un lancement de produit. Ce n'est pas un meeting politique mais un micro-show 2.0 avec inscription préalables et filtrages, validations et "flash-code" individualisé.
"Je pense qu'on peut, par ce mouvement, refonder par le bas. De manière sincère, authentique, en vrai."
L'image est belle, l'arnaque puissante.
La campagne de Macron est "sincère, authentique et vraie" comme une promotion pour Monsanto. De l'OGM politique à l'arrière-goût néo-libéral.
Mediapart révèle ensuite comment "le patronat héberge le siège du nouveau parti:" une amie du ministre et épouse du dirigeant d'un fameux Think-tank patronal prête son adresse au nouveau parti pour son siège social.
Qu'un ministre de l'Economie, par ailleurs ex-banquier, s'imagine incarner la relève post-politique et uberisée de la société illustre jusqu'où la classe dirigeante est tombée.
Très bas.
Ami citoyen, ne sois pas dupe.


Emmanuel Mousset a dit…

En Marche ! un "désastre" ? J'en voudrais bien tous les jours comme ça, des "désastres" !

Las Vegas a dit…

Un "désastre" ? Et vous en voudriez des comme ça tous les jours, cher professeur ?
Il semble par exemple que le 6 janvier dernier à Las Vegas, votre nouveau mentor avait fait forte impression avec "France is back" alors qu'il était encore chargé de l'économie française...
500 invités triés sur le volet, bien entendu, bankables et trébuchables comme il se doit... Tous ronds de flan après la prestation...
Et aujourd'hui, que son ministre tutélaire n'apprécie guère le cavalier seul hors PS (ni à gauche, ni à droite, paraîtrait-il), de votre génial inspirateur politique depuis que DSK vous a fait faux bond (oserais-je "fausse queue" ? allons-y, "fause queue") voilà qu'on lui cherche quelques poux pour 379 000 malheureux euros dépensés donc à Las Vegas à votre héros pédestrian (combien d'années vous faut-il travailler, cher professeur, pour gagner l'équivalence de cette somme dépensée en une seule réunion de quelques heures à Las Vegas pour fièrement annoncer le retour de la France selon lui sur le plan financier mondial)...
Pas le moins cocasse : c'est l'inspection générale des finances (corps d'élite dont votre mentor faisait partie il n'y a pas si longtemps), qui va examiner cet embrouillamini...
Offensive contre "en marche"...
Ou n'importe quoi du "marcheur" à moins de dix mois de se présenter à la "présidentielle" ?
Vous en voulez d'autres (des désastres dont vous semblez raffoler) ?
Avec des inconséquents pareils, y a qu'à demander !

Emmanuel Mousset a dit…

Pour vous, le vrai "désastre", ce serait que Macron devienne président de la République. On y va ...

Las Vegas a dit…

"Pour vous, le vrai "désastre", ce serait que Macron devienne président de la République. On y va ..."
Non, ce ne peut être pis que ce qu'on voit depuis le début de la 2ème guerre mondiale et le processus de décolonisation démarré aussitôt après sa fin.
"Tout fout l'camp" chantait Marcel Mouloudji.
Et ça continue de foutre le camp.
Alors que ce soit avec E M ou avec F F voire M L P...
Tant ira la cruche à l'eau...