dimanche 18 décembre 2016

Le train sifflera trois fois



La grande foule s'est rassemblée hier soir sur le nouveau parvis de la gare de Saint-Quentin, inauguré en grandes pompes, sous le froid et la bruine. Des rayons lasers annonçaient dans les nuages l'événement, qui a débuté par un récit historique du bâtiment, à deux voix, Frédéric Pillet et Victorien Georges. Après, un bon coup d'Harmonie municipale nous a réchauffés. Puis est venu le moment attendu et solennel des allocutions officielles.

Si les locomotives avaient des oreilles, elles auraient sifflées, puisque l'inauguration a basculé dans le meeting anti-SNCF, sous les applaudissements du public, qui trouvait là une nouvelle occasion de se réchauffer. Le maire Frédérique Macarez pour commencer, le député Julien Dive sur un mode plus mineur et le président de Région Xavier Bertrand en crescendo, tous les trois, à leur façon, ont dénoncé les trains qui partent en retard, qui n'arrivent pas à l'heure, qui ne sont pas confortables, les lignes qui sont supprimées, les gares qui n'ont pas d'accès handicapés, la mise en conformité qui traîne jusqu'en 2022. Il ne manquait plus que le tarif élevé des billets et la complexité des réductions pour que ce soit la totale

Il y en a un dans la foule qui buvait du petit lait (quoique le vin chaud aurait été meilleur) : c'est Benjamin Marchandise, le président de l'Association des Usagers des Transports-Aisne-Nord, l'AUTAN. Après une telle offensive, le président du département, Nicolas Fricoteaux, n'avait plus grand-chose à dire. Le représentant de l'Etat, Nicolas Basselier, a fait ce qu'un préfet sait faire : une référence culturelle, un clin d'œil à Salvador Dali, en affirmant que le centre du monde n'était plus désormais la gare de Perpignan, mais de Saint-Quentin. Au fait, Saint-Quentin-Perpignan, c'est combien de temps, avec ou sans les retards de train ? Bon, je ne vais pas remettre le couvert ni faire de la surenchère, pas plus que vous jouer le sketch de Chevalier et Laspalès ...

Sinon, le président de Région a eu droit plusieurs fois à du "cher Xavier", les autres ne bénéficiant pas de cette familiarité. Le "cher Xavier" a démarré malin son intervention, en rappelant le nom du père du nouveau parvis, Pierre André. Il a aussi souhaité que les nouveaux trains soient fabriqués par des Picards. Là, les oreilles des locomotives ont dû être satisfaites. Julien Dive, habile aussi, a d'emblée prévenu qu'il ferait court, parce qu'il avait "froid aux mains et aux pieds, comme tout le monde". Tout le monde a ri.

Des mécontents, il n'y en avait pas que parmi les officiels. Dans la foule, j'ai rencontré un rédacteur d'Astronomie Magazine (basé à Itancourt, disparu cet été) qui m'a confié tout le mal qu'il pensait du nouvel éclairage du parvis. Le bleu n'est pas bon pour les yeux, l'orangé aurait été plus approprié, la lumière n'éclaire pas suffisamment le sol, elle est un terrible piège pour les insectes, qui viennent s'y brûler les ailes (nous sommes tout près de la réserve naturelle du parc d'Isle).

Tout à la fin, la façade de la gare s'est enflammée, non de la révolte des élus, mais par des projections psychédéliques, et nous avons tous un peu dansé sur la musique électro de Daft Punk (surtout parce qu'il faisait de plus en plus froid). Le bon coup de cymbales et de trompettes des Stimulants nous a stimulés (c'est fait pour ça), direction les yourtes où était distribué du chocolat chaud, qui est parti aussi vite que le public. Il ne restait plus que les lasers dans le ciel et les locomotives qui pouvaient enfin dormir sur leurs deux oreilles.

4 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Ce qui fait la culture : la mémoire et l'identité, sont en train de disparaître sous les coups de bouloir du libéralisme économique dont la trinité idéologique de l'orthodoxie financière est : croissance, baisse des dépenses publiques et innovation. Par conséquent ce qui fonde la figure du père en Europe n'est plus la culture mais l'économie. Les Allemands sont bien le père fouettard des Grecs et sont désormais qualifiés de derniers défenseurs de la liberté dans le monde occidental, puisque les Etats-Unis auraient basculé du côté du populisme.
Je n'ai pas encore bien saisi la nuance entre libéralisme politique et libéralisme économique. Il me semble que Macron est un libéral-libertaire, c'est peut-être le côté libertaire qui lui donne la dimension de libéral sur le plan politique, par opposition au conservatisme politique. Mais le côté "libertaire", qui encourage notamment la liberté et la défense des droits de l'homme sous la forme du multiculturalisme, de l'antiracisme, du féminisme notamment ; se fait de toute façon au détriment de l'égalité et de la fraternité. Les libertaires sont en réalité les meilleurs amis du libéralisme économique et du progressisme à la Macron, qui se fait au détriment du socialisme, dernier bastion aujourd'hui disparu et qui aurait été en mesure de défendre le droit des peuples contre celui des élites exploitrices. Désormais tout est aux mains de l'oligarchie dont les minorités sont les alliés objectifs, et dont le nouvel ennemi est le populisme. Le "monde libre" est le dernier bastion de l'exploitation consentie des peuples à une oligarchie. Ce n'était pas une fatalité au départ, mais ça l'est devenu avec le tournant libéral et le retour aux sources adam smithiennes, opéré par les Occidentaux au début des années 80, sous l'influence de Thatcher et Reagan.
Egalité et fraternité ne sont valables que pour des peuples ou des nations qui acceptent d'avoir une mémoire commune, or toutes les minorités aujourd'hui exaltées, y compris les femmes, refusent d'avoir une mémoire commune et prônent globalement la scission avec un monde de valeurs communes dont l'origine en Europe remontait à l'antiquité. C'est pour cela que la figure de la Grèce comme bouc émissaire de l'orthodoxie financière en Europe est tout à fait symbolique et révélatrice du véritable esprit du libéralisme et non pas anecdotique. Il faut toutefois préciser que les Grecs actuels n'ont plus rien à voir avec les Grecs anciens, mais l'analogie est intéressante sur le plan de la signification symbolique...

Emmanuel Mousset a dit…

J'aurais préféré que tu me parles de Gary Cooper et de Grace Kelly, surtout un dimanche de vacances.

Anonyme a dit…

Ce discours anti SNCF était très déplacé , à croire que les assemblées d'élus ne sont plus que des salles de spectacle .. et que les problèmes se résolvent à coup d’invectives dans le style boniment de foire … Depuis la diffusion des débats à la TV ou sur les réseaux ... Il eu été plus classe de parler du dur travail des cheminots des époques passées où il est vrai , les trains arrivaient à l' heure ...
Quant au bleu en particulier sous le pont , on dirait un tsunami figé ........... En conclusion , le public était venu pour un hommage au passé réhabilité , pas pour entendre une autosatisfaction de la municipalité actuelle , le projet a été porté par PIERRE ANDRE avec toutes ses difficultés et XAVIER BERTRAND a bien dit la vérité ... Que les dandies du conseil en prennent de la graine .... Peu sans doute ont vu les architectes travailler avec les vues prises par ballon , que d’heures de travail … Pour finir plus court que les discours , il est recommandé par les préfectures d’éviter ce type de longs discours soit l’été ( comme une fois à LESDINS ) soit l’ hiver comme ce samedi en plein air … Il fallait trouver une formule plus light ,et éviter que la plupart des gens partent pendant cette séquence de stars éloquence , enfin au début de la cérémonie , un passage résumé sur l’écran mis bien trop bas …. Un passage d’introduction à la cérémonie aurait sans doute motivé la foule …. Enfin une foule relativement petite de locaux passionnés.. C’était une invitation à rester …

14 / 18 a dit…

"discours = autosatisfaction" ?
Bien sûr que oui !
Bon sang, mais c'est bien sûr !
Comme disait l'inspecteur Bourrel, à la fin de ses cinq dernières minutes, il y a cinquante voire soixante ans...
Pourquoi discourir lors d'inaugurations ou de réceptions ?
Pour s'auto-encenser pardi !
Qui pourrait le faire mieux que soi-même ?
Quelquefois, après une inversion de la majorité au pouvoir, pour rappeler la néfaste majorité précédente et se parer des meilleures volontés possibles pour la mandature qui pointe...
Mea culpa...
Dans mes jeunes années, j'y suis allé aussi à ces inaugurations ou cérémonies où les vraies fleurs à découvrir ne sont en réalité que des chrysanthèmes...
Je n'y vais plus depuis que le dernier poilu de la "guerre que je préfère, celle de 14 / 18" selon Georges Brassens (mais avais-je obligation de préciser vu le niveau culturel des intervenants ici) a défuncté.
Même au niveau national, on s'écoute parler dans ces discours chrysanthémiques.
Oui, des inaugurations et autres célébrations locales, on pourrait s'en passer et tout irait quand même pareillement !
Mais...
Comme disait ma grand'mère : "Vous n'aimez pas ? Ne tentez pas d'en dégoûter les autres !"
Eh bien si, j'ai cette faiblesse !
Excusez-moi, grand'mère !