dimanche 4 décembre 2016

Joie de vivre




Jeudi soir, 86 personnes ont assisté à la projection du documentaire d'Isabelle Debraye, "Et puis nous sortirons revoir les étoiles", consacré à la catastrophe ferroviaire de Vierzy. La famille d'Isabelle était présente (vignette 1). J'avais vu le film à la télévision, en version courte, mais sur grand écran, il n'y a pas photo, c'est le cas de le dire : émotion, image, couleur, message, tout ça est rendu plus dense, plus évident.

Le débat qui a suivi (vignette 2) a laissé place aux souvenirs, aux témoignages, mais aussi à des questions typiquement actuelles, que le film n'aborde pas : les suites judiciaires, l'indemnisation des victimes, le sentiment de culpabilité. Je me suis alors rendu compte que si j'aime ce documentaire, c'est aussi pour cette raison-là : il n'est pas contemporain, il ne parle pas d'argent, de tribunal ou de psychologie, il se concentre sur une question élémentaire mais humainement essentielle : comment faire face au malheur, comment tenir bon, comment continuer à vivre ?

On ne se pose plus trop cette question-là aujourd'hui, parce qu'elle est trop simple pour un monde complexe, qui la refoule sans doute. La réponse que je crois voir dans le film d'Isabelle Debraye est inscrite dans une scène, au bord de la plage, sur une enseigne : "Joie de vivre". Oui, quels que soient nos malheurs, la joie reste là, c'est à nous d'y croire et d'aller la chercher. Joie toute simple de cueillir des cerises, de regarder au loin les phoques de la baie de Somme, de chanter à tue-tête les Neiges du Kilimandjaro de Pascal Danel en jouant aux cartes.

A la fin de la séance, un spectateur a posé la question classique à la réalisatrice : quel est votre prochain projet ? Réponse : une fiction, peut-être. Mais Isabelle nous a aussi fait comprendre qu'elle attendait un heureux événement, que son projet dans les prochains mois était celui-là. Joie de vivre. 

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Vierzy :: Le bilan sera de 108 morts, 87 blessés.

Première expérience pour un jeune gradé de la Brigade des sapeurs - pompiers de PARIS .

Je ne me souviens plus à quelle heure le téléphone a retenti dans mon appartement de La caserne Violet, PC de la 6ème compagnie de la B.S.P.P.
Mais je me souviens de l’émotion ressentie en apprenant la nouvelle!: deux trains
venaient d’entrer en collision dans le tunnel de Vierzy, entre Soissons et Laon.
La 6ème compagnie était concernée car elle avait une structure double!: compagnie
d’incendie «!normale!» et «!compagnie spéciale de mineurs!» Pour intervenir en cas d’effondrement.
Si mes souvenirs sont bons, elle partageait ce privilège avec la 12 ème compagnie, dont le PC est à Ménilmontant.
L’unité était mise en pré - alerte pour le cas où il serait nécessaire de renforcer les Camarades de l’Aisne.
Mon émotion était bien entendu liée à l’ampleur prévisible de l’accident, mais aussi au fait que quelques mois plus tôt j’étais affecté au 402 ème Régiment d’Artillerie stationné à Laon. Qui donc était parmi les victimes!?
Un deuxième appel donnait ensuite les consignes de départ d’un détachement de
personnels prélevés sur différentes unités.
C’est ainsi que commença mon premier contact avec la sécurité des tunnels.
En 1972, pas de «!plan rouge!», des moyens techniques archaïques par rapport à ce
qui existe aujourd’hui.
Aucun éclairage digne de ce nom pour travailler, un téléphone de campagne dont la
ligne avait été tirée entre les lieux de l’accident et le portail tunnel côté Vierzy comme seul moyen de communication.
L’équipe à laquelle j’appartenais avait pour mission de dégager les victimes.
Problème d’éthique évident!: volonté de rendre les corps aux familles et souci de la sécurité du personnel, jusqu’où fallait-il aller!?
La crainte principale était liée à la stabilité de la voûte, venait ensuite le risqued’incendie, les trains étant des automoteurs diesel.
Trente ans plus tard, le hasard des rencontres m’a mis en présence d’une personne
qui souffrait encore d’avoir perdu plusieurs proches dans cet accident.
En 1972, il n’y avait pas encore de cellule d’assistance médico - psychologique.
Un médecin psychiatre des sapeurs-pompiers m’a cependant appris qu’il était toujours possible d’agir, même tardivement. Le plus difficile est d’établir le contact.

Tous ceux qui ont participé à cette opération ne l’oublieront jamais.

Pour la B.S.P.P., il faudra probablement attendre l’accident de la gare de Lyon, le 27 Juin 1988, pour connaître des conditions d’intervention aussi difficiles !
Une collision frontale entre un train SNCF en provenance de Melun via Corbeil-Essonnes, roulant à environ 70 km/h, et un train à l'arrêt en partance pour Melun via Combs-la-Ville et bondé fait 56 morts et 57 blessés.

Anonyme a dit…

La réalisatrice a eu connaissance à priori de ce témoignage et d'autres aussi , mais elle semble ne pas avoir voulu y répondre ... Soucis de conserver un caractère uniquement familial à cette catastrophe ... Je ne sais si d'autres acteurs du drame sont venus débattre , mais beaucoup de pompiers et d'urgentistes axonais ont été des sauveteurs marqués par cette tragédie que souvent à leur départ en retraite ils ont évoqué ... le temps est passé mais les services de secours se sont modernisés jusqu' à ces attaques quasi militaires à PARIS , à NICE et ailleurs aussi en FRANCE ... Et une fois encore il a fallu se remettre en question , au gouvernement , dans les services mais aussi dans les populations parfois chez les plus jeunes comme vous l'avez signalé dernièrement ... Le débat a t - il été élargi ... Des témoins du drame étaient ils là , sauveteurs , voisins ?? Les accidents de la route avec des cars et les accidents ferroviaires avec de jeunes victimes sont parmi les plus douloureux pour l’opinion publique …. Et le témoignage de ce film contribue à une certaine résilience mais qui ne peut effacer toutes les souffrances physiques et morales … Rien que l’évocation du nom du village de VIERZY en PICARDIE fige pour de longs instants les personnes qui ont connu cet accident du en partie à la négligence humaine , on dirait maintenant à un manque d’évaluation du risque dans le cadre d’une bonne étude avec les méthodes de plus en plus éprouvées de la cyndinique …

Emmanuel Mousset a dit…

Si la réalisatrice avait voulu "conserver un caractère uniquement familial à cette catastrophe", elle n'en aurait pas fait un film !

RECHE a dit…

Je suis bien de ton avis Emmanuel, Isabelle a su dépasser ce drame familial pour nous présenter un film poignant et déchirant, parcourant et faisant apparaître toutes les valeurs de l'homme au plus profond de son humanité.
J'avoue que j'étais touchée personnellement par cet accident qui a emporté plusieurs étudiants dont les parents originaires de Laon étaient amis des miens. Ce sujet est resté longtemps enfoui en moi ... Ce documentaire nous permet de mieux connaître, ce soir de Juin 1972, toutes les cellules de soins intensifs créées dans l'urgence par les professionnels de santé, de sécurité mais aussi tous ces bénévoles mobilisés pour ces faits, tous solidaires.
N'oublions jamais que ce drame de Vierzy a été le point de départ de tous ces plans blancs d'urgence, cellules psychologiques de crise et que tous les survivants doivent leur existence à ces secours multipliés ce soir là.
Merci à toi Isabelle, de nous laisser ce témoignage afin que nul ne cesse de se souvenir qu'à travers ce papa qui est le tien, qui fut un héros, il y a eu aussi tous ces héros d'un week end qui ont œuvré pour sauver des vies.
Merci pour cette analyse des faits, pour tous ces témoignages tant d'années après commentés avec authenticité, pudeur et ... poésie.
Merci à toi Emmanuel pour le débat mené à la suite du reportage, toi aussi tu as su trouver les mots justes pour faire vibrer nos émotions et notre mémoire à tous.