jeudi 6 août 2015

Citoyen philosophe



Savez-vous qui est Philippe Henry (en vignette, avec Delphine, du café L'Artisanes) ? Il commence à se faire connaître dans Saint-Quentin, à se constituer un public. Ce professeur de philosophie au lycée Condorcet est l'animateur du café philo, chez nous, à Guise et à Soissons, animateur du ciné philo au CinéQuai et conférencier à la bibliothèque Guy-de-Maupassant. Il assure la présidence de l'association Rencontre Citoy'Aisne et fait partie du conseil d'administration de la Ligue de l'enseignement de l'Aisne. C'est un beau début de cursus pour qui s'engage dans les activités publiques. Sauf que Philippe Henry n'a pas le goût du pouvoir, ne recherche pas les honneurs et n'a pas l'esprit militant. Alors, que vient faire ce professeur de philosophie dans le monde de l'animation et des associations ?

Philippe n'a pas d'abord été enseignant, n'est pas une bête à concours. Il a fait de la philosophie pour elle-même, consacrant son mémoire de maîtrise à Wittgenstein et sa thèse de DEA à "la passion de la foi chez Pascal", sujet pas spécialement à la mode... Avant de devenir professeur, il a fait plusieurs petits boulots, vendeur de parfum (au porte au porte), de meubles (chez Casa), de voitures (chez Citroën), de vin fou Henri Maire, et livreur de pizzas. Voilà qui forme un homme et un philosophe.

Ce n'est pas la philosophie que Philippe Henry va commencer à enseigner, en entrant dans la grande maison de l'Education nationale, mais la littérature et l'histoire, en lycée professionnel. En 2010, il est affecté au lycée Condorcet, à Saint-Quentin, professeur de philosophie cette fois. Ce "beau métier", comme il l'appelle, comment le conçoit-il ? Préparer avant tout ses élèves techniquement à l'épreuve du baccalauréat, sachant qu'une minorité seulement deviendra philosophe à proprement parler. Le plus difficile du métier, c'est de convaincre les élèves réfractaires à s'investir dans l'effort. Mais il n'a pas, à l'égard de ses classes, le jugement désabusé de certains enseignants : non, les élèves ne sont pas nuls, ils ont simplement leur culture à eux (sport, télévision, jeu vidéo, etc) , qui n'est plus celle des générations précédentes, mais à partir de laquelle on peut tout de même philosopher.

Tout cela n'explique pas complètement l'engagement associatif de Philippe Henry, mais c'est un début, une préparation : quand on a été vendeur, qu'on a enseigné en lycée professionnel, on a forcément une autre approche, élargie, de l'enseignement de la philosophie, qui dépasse les limites du lycée pour se répandre ailleurs. Platon voulait des rois philosophes ; Philippe Henry souhaite des citoyens philosophes, interrogeant l'actualité, exerçant leur esprit critique. Le but n'est pas vraiment l'érudition, mais plutôt la convivialité : partager des convictions et prendre plaisir à penser ensemble. A la présidence de Rencontre Citoy'Aisne, Philippe Henry entend jouer un rôle de représentation et d'organisateur, afin que l'association devienne florissante et que ses activités soient variées.

Philippe a une autre corde à son arc : c'est un poète, qui a publié l'an dernier deux ouvrages, "Début" et "Outreponts", qu'on peut trouver à la librairie Cognet. Son thème de prédilection : l'amour, c'est-à-dire le désir, le manque et la souffrance. Mais la poésie n'est-elle pas encore un autre moyen de philosopher ? Contrairement à son auteur de maîtrise, Wittgenstein, qui pensait qu'il faut taire ce qu'on ne peut pas dire, Philippe Henry pense que la poésie donne à voir et à sentir ce qui s'exprime difficilement, en premier lieu l'amour.

Le citoyen philosophe rejoint ici son sujet de DEA, Pascal, mais ce n'est pas Dieu qui est l'objet de sa passion. Son modèle, c'est l'amour courtois. Il apprécie Apollinaire, Eluard et cette formule du psychanalyste Lacan : "tu ne dois pas céder sur ton désir". Philippe Henry, qui ne tombe pas dans les illusions de la chair, n'exclut pas que l'amour survive à la mort, dans l'hypothèse d'un esprit indépendant du corps. Sur ce sujet, Philippe termine pas une réflexion un peu inattendue : "nous manquons de bons sentiments", qu'on a pourtant tendance à railler plutôt qu'à défendre.

Avant de quitter Philippe Henry, je lui demande à quoi il tient le plus : que ses élèves obtiennent la meilleure note au bac, qu'on lise quelques-uns de ses poèmes et qu'on les apprécie. Vous pouvez venir écouter le citoyen philosophe au café philo, à L'Artisanes, 6 rue Emile Zola à Saint-Quentin. La séance de rentrée aura lieu le vendredi 25 septembre, de 19h00 à 20h30, autour de la question : comment définir l'intelligence ?

Aucun commentaire: