lundi 3 août 2015

A deux vitesses



Xavier Bertrand est très présent, dans le débat politique, durant cet été. Normal : c'est un responsable national. De plus, il est tête de liste pour les prochaines élections régionales. Il s'exprime sur de nombreux sujets, de la candidature présidentielle de François Hollande (voir mon billet du 30 juillet, "Obligation de résultats") au sort des migrants de Calais, en passant par la limitation de vitesse sur autoroute. Normal là aussi : un homme politique, surtout à ce niveau, se doit d'avoir des prises de position très variées sur ce qui préoccupe les Français. Normal enfin : je suis rarement d'accord avec lui, c'est la démocratie, l'échange d'arguments. Après, chacun se fait son idée et choisit.

A propos de la limitation de vitesse inférieure à 90 km, sur les autoroutes traversant les agglomérations, projet examiné par le ministère de l'Ecologie, je ne suis pas d'accord. Xavier Bertrand et moi, nous ne roulons pas à la même vitesse ! Je circule moins vite, mais je vais plus loin, puisque, depuis longtemps, je souhaite un abaissement généralisé de toutes les limitations de vitesse. Pourquoi ? Pour une seule raison, aussi radicale que sa solution : la vitesse tue !

Bien sûr, je n'ignore pas que la mort sur la route a aussi d'autres raisons. Mais celle-là est la première cause d'accidents mortels. Surtout, elle peut parfaitement être réglée : il suffit de rouler moins vite ! C'est simple, à la portée de tous : il suffit de se sentir responsable de sa propre vie et de la vie d'autrui. Comme je ne suis pas angélique et que je sais que la politique est aussi une question d'autorité, j'en appelle à la loi pour contraindre les automobilistes. Perdre la vie au volant est tellement tragique et stupide que la loi peut bien souffrir un durcissement de ses règles.

Xavier Bertrand récuse cette mesure, aujourd'hui sur ITELE, au motif qu'elle accroit la réglementation, ce dont les Français "ont marre", le vivant comme un "harcèlement". L'inflation de règles, oui, est à dénoncer, nous la vivons très mal au quotidien. C'est pour cette raison que François Hollande a choisi, comme l'un des objectifs de son mandat, le "choc de simplification". Mais réduire encore plus les vitesses autorisées n'augmente pas la réglementation : elle modifie simplement les normes en cours, elle n'en ajoute pas de nouvelles. La réflexion sur l'excès de règles dans notre société doit se poursuivre ; mais par sur le terrain de la sécurité routière.

Et puis, cette prolifération de règles qui va parfois jusqu'à l'inutile et l'absurde n'est pas une lubie d'un gouvernement, qu'il soit d'ailleurs de gauche ou de droite : c'est le produit d'une société, un phénomène en quelque sorte culturel, une opinion publique de plus en plus soucieuse de sécurité et qui a désormais fréquemment recours à la justice. Nos compatriotes se plaignent de la multiplication des interdits, mais ils en sont aussi à l'origine. Quand la loi nous convient et nous profite, nous en redemandons ; quand elle contrarie nos intérêts et nos désirs, ou tout simplement nous ennuie, nous sommes alors prompts à la dénoncer.

Le deuxième contre-argument de Xavier Bertrand est que l'objectif de cette réduction de la vitesse n'est pas écologique, mais purement financier : "faire des PV", ramener de l'argent dans les caisses de l'Etat. C'est en effet un reproche qu'on entend fréquemment autour de nous : la verbalisation n'aurait pas de finalité sécuritaire, mais transformerait l'automobiliste en "vache à lait" (autre image forte, plutôt curieuse, mais souvent employée). D'abord, taxer ceux qui violent la loi ne me dérange absolument pas. Mais, dans sa sagesse et sa prudence, Ségolène Royal ne propose pas d'augmenter le montant des pénalités. Surtout, je crois que le seul et unique but de l'Etat n'est pas de faire cracher au bassinet les Français, mais bel et bien de les protéger contre eux-mêmes, quand ils représentent un danger en conduisant trop vite.

Xavier Bertrand aurait pu utiliser un dernier argument, qui mérite examen : notre société apprécie la rapidité, il est important d'aller vite, la lenteur est un défaut. Moi aussi, j'aime bien ce qui se fait dans la célérité, et je suis plus lévrier qu'escargot. Pourquoi la route ferait-elle exception, pourvu que notre conduite soit vigilante et maîtrisée ? La remarque serait recevable si la limitation accrue de la vitesse sur les routes et autoroutes entrainait une perte de temps très importante. Ce n'est pas le cas. J'ai longtemps pris l'autoroute pour aller à Amiens ou à Cambrai, pour gagner du temps. J'y gagnais assez peu de temps, j'y perdais surtout pas mal d'argent (pas cette fois à cause d'une punition, mais du péage !). Je me suis replié sur les nationales : c'est moins chic, mais c'est moins cher. On peut rouler moins vite sans gaspiller substantiellement son précieux temps : ce n'est pas une question de vitesse, mais d'organisation.

Xavier Bertrand ministre a pris, en son temps, une mesure courageuse, difficile, beaucoup plus radicale que réduire un peu plus la vitesse sur certains tronçons d'autoroute (comme quoi, contrairement à ce que j'annonçais en début de billet, je peux être aussi d'accord avec lui ...) : l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Il est allé jusque là parce que le tabac est un danger de mort qu'on n'a pas le droit de faire subir à autrui. J'ai le même raisonnement pour la vitesse.

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