samedi 31 janvier 2015

Difficile intelligence collective



Dans le billet d'hier, sur son blog, Jean-Jacques Thomas, 1er vice-président du Conseil général de l'Aisne et ancien premier secrétaire fédéral du parti socialiste, met en garde, à l'approche des élections départementales : "l'intelligence collective doit prévaloir". L'avertissement prouve qu'elle ne prévaut pas toujours, sinon il n'y aurait aucune raison à le rappeler. Mais cette intelligence collective, que nous recommande-t-elle, en politique, en vue d'un scrutin ? De se rassembler, de s'unir, au-delà des différences, des désaccords, des sensibilités, si on a pour objectif de gagner.

A la limite, pas besoin d'être très intelligent collectivement pour le comprendre. C'est plus une affaire de bon sens que de réflexion. Le hic est ailleurs : a-t-on toujours forcément envie de gagner ? Ne se présente-t-on pas parfois uniquement pour témoigner, pour prouver qu'on existe ? Il ne faut pas croire que l'ambition est la passion la mieux partagée en politique. Elle peut même être très mal perçue. C'est pourquoi les vrais ambitieux prennent soin de le cacher.

La réflexion de Jean-Jacques Thomas se justifie pleinement. Si, dans la majeure partie des cantons de l'Aisne, la raison l'emporte et l'union se pratique, il y a quelques désolantes exceptions, dont Saint-Quentin. La main tendue des socialistes aux communistes s'est faite trop tard, trop maladroitement, laissant croire à un arrangement électoral de pure opportunité. Evidemment, la section communiste a beau jeu de botter en touche et de renvoyer chacun à ses convictions politiques et à sa cohérence personnelle, par une fin de non recevoir. En attendant, la gauche se condamne, une fois de plus, à l'échec, alors que la droite est localement hyper-puissante et l'extrême droite plus que menaçante, dans une ville sociologiquement de gauche : c'est accablant d'irresponsabilité ! L'intelligence collective, ce n'est pas chez nous que Jean-Jacques Thomas pourra hélas la trouver ...

A qui la faute ? A personne et à tout le monde. Je suis à peu près certain que chacun renverra le tort sur le voisin. Car si l'intelligence collective est une nécessité en politique, la bêtise collective est aussi un travers fréquent. Quelle en est la cause ? Le manque de préparation, d'anticipation et de travail commun. L'union ne se décrète pas à quelques semaines d'une élection. Elle se vit, elle se pratique dans l'action. "Union, action, Programme commun", comme on s'écriait dans les années 70. A Saint-Quentin, les occasions d'action commune sont nombreuses, chacun pouvant apporter sa part, dans le militantisme de terrain. Les communistes sont très engagés dans la question du logement ; les socialistes pourraient y contribuer aussi, à leur façon. Ce n'est qu'un exemple. Les rapprochements politiques se font réellement ainsi, pas dans des combinaisons artificielles et intéressées d'appareil.

Jean-Jacques Thomas a précisé ce qu'il entendait par intelligence collective : "dans un ou deux cantons, ne présenter aucun candidat socialiste le 22 mars pour que nos divisions n'obligent pas nos électeurs, le 29 mars, à ne choisir qu'entre l'UMP et le FN". Je ne sais pas s'il pensait à Saint-Quentin, mais moi j'y pense très fort, tant il est évident que nous allons vers ça si rien n'est fait. Dans le canton nord, il conviendrait que le PS ne présente aucun candidat, afin de soutenir Olivier Tournay, celui-ci étant déjà conseiller municipal, ce qui lui donne une part de légitimité pour représenter la gauche. A l'inverse, dans le canton centre, il serait bon que Corinne Bécourt retire sa candidature pour soutenir les candidats socialistes.

Je sais bien que les communistes de Saint-Quentin sont très hostiles à la politique du gouvernement. Je ne leur demande pas de se renier. Au contraire, leur cohérence et leur constance leur font honneur. D'ailleurs, je ne propose pas des binômes communs, qui les impliqueraient dans une ligne politique qu'ils ne partagent. Et puis, cette élection est locale, pas nationale. Enfin, je rappelle que la section communiste, en 2001 et 2008, a fait liste commune avec les socialistes, aux élections municipales, sans y trouver alors d'inconvénient.

Je pose seulement deux questions à nos camarades : ont-ils envie que l'extrême droite batte tous les candidats de gauche et se retrouve au second tour seule face à l'UMP, comme c'est déjà arrivé ? Je pense que leur réponse est non. Ont-il envie que l'un des leurs ait une chance de devenir conseiller départemental et de pouvoir ainsi intervenir dans le domaine qui leur est cher, l'action sociale ? Je pense que la réponse est oui, même si j'en suis un peu moins certain.

Ce scénario idéal ne se produira malheureusement pas, pour les raisons que j'ai indiquées : c'est trop tard et il n'aurait pas fallu s'y prendre comme ça, avec un PS qui donne l'impression d'être aux abois, dans la position est un peu humiliante de quémandeur, laissant penser qu'il est en manque de candidats crédibles, à un peu plus d'une semaine du dépôt officiel des candidatures.

L'intelligence collective, comme c'est difficile ! Déjà, l'intelligence individuelle, c'est compliqué. Alors, quand il s'agit de la multiplier, ça l'est encore plus. Et puis, il y a une illusion, qui consiste à croire qu'on est plus intelligent à plusieurs que tout seul, par effet cumulatif. Non, c'est un leurre, l'intelligence n'est pas le résultat d'une addition, comme peut l'être la force physique. Je me demande même s'il n'y aurait pas, a contrario, un effet de soustraction : l'intelligence personnelle, au sein d'un groupe, prend le risque de se dissoudre, par effet d'entraînement. Les phénomènes collectifs tirent plus vers le bas que vers le haut, glissent plus vers la bêtise qu'ils n'élèvent vers l'intelligence. Vous connaissez la formule de Georges Brassens : "à plus de trois, on est une bande de cons".

En politique, l'intelligence collective, difficile et pourtant indispensable, n'est pas la conjonction improbable des intelligences individuelles. Elle est plutôt la marque du chef, du leader, qui, par ses analyses et ses choix éclairés, conduit le groupe dans la bonne direction. Jean-Jacques Thomas le sait d'expérience : il est maître dans sa maison et il en connait les bons résultats. Mais à Saint-Quentin, où est le patron ?

1 commentaire:

Evi a dit…

Cher Emmanuel,
Tu es mieux quand tu commentes la politique locale que quand tu t'improvises analyste européen et tu descends mes compatriotes grecs de la gauche dite radicale, mouvement vainqueur en Grèce après une cure capable de tuer un cheval qui si elle était pratiquée en France elle aurait jeter celle-ci dans les bras du FN.