dimanche 18 janvier 2015

Et maintenant la politique



Le grand mouvement en faveur de Charlie hebdo aura forcément des conséquences politiques. On ne peut pas imaginer un seul instant une lame de fond, des millions de citoyens mobilisés sans répercutions à court ou à long terme dans notre société. La classe politique ne pourra pas rester inerte, elle devra réagir, prendre des initiatives : c'est elle, maintenant, qui est attendue au tournant.

Et pourtant, je suis un peu sceptique, car il y a eu des précédents dont je me souviens bien, qui nous ont tous marqués et qui n'ont rien donné. Rappelez-vous le suicide du Premier ministre Pierre Bérégovoy, c'était il y a 20 ans : la France là aussi avait été unanimement secouée, et il était alors évident que "rien ne serait plus comme avant". Et puis, les vieilles habitudes sont revenues, les leçons morales ont été oubliées, les promesses de renouvellement n'ont pas été tenues. Je suis méfiant, je me dis qu'il en sera peut-être de nouveau hélas ainsi. Sauf que cette fois, la tragédie est d'une toute autre ampleur.

Que doivent faire nos politiques ? C'est à eux de voir, de prendre leurs responsabilités, de réfléchir et d'agir. A mon niveau, je vois trois pistes :

1- La fonction du peuple. Elle a été essentielle durant ces 10 derniers jours, les partis politiques ont été complètement débordés par la mobilisation, dans laquelle ils ne sont pour rien. Je crois en l'importance des partis dans une démocratie, mais tels qu'ils sont aujourd'hui constitués, tels qu'ils fonctionnent (et j'ai ma petite expérience), ça ne va pas du tout, il faut tout changer, de fond en comble. La République ne peut plus vivre avec des partis largement déconnectés de la population (je dis bien : les partis, pas les élus).

2- La liberté d'expression. Elle doit être totale, c'est bête à dire tellement ce devrait être une évidence en démocratie. Et pourtant ce n'est pas le cas. Depuis plusieurs années, la liberté d'expression, notamment la liberté de la presse, est remise en cause par le recours systématique à la justice, l'arrogance de nombreux petits élus locaux envers les journaux, la pression morale et psychologique d'un nouveau conformisme, le politiquement correct. Là aussi, j'en ai fait les frais à mon petit niveau, et il n'est pas dit que ça s'arrête. Ces atteintes à la liberté sont d'autant plus graves que le secteur est en grande difficulté. Il serait bien que la classe politique, surtout régionale, change de comportement et donne l'exemple.

3- La redéfinition de la laïcité. L'affaire Charlie heurte de plein fouet nos convictions laïques. La religion est instrumentalisée, comme autrefois le christianisme, elle devient une arme de guerre et de mort contre la République. Il ne faut pas se contenter de déplorer, il faut faire quelque chose. J'ai été stupéfait d'apprendre que certains enseignants rencontraient des difficultés, étaient déstabilisés par les interventions de leurs élèves durant les débats organisés à la suite des attentats. Mes collègues se sentent perdus, demandent à être "accompagnés" dans ce genre de situation (comme l'enfant qu'on prend par la main pour l'accompagner). C'est renversant ! Les enseignants devraient être les premiers militants de la laïcité ; et voilà qu'ils ne savent plus l'expliquer et la défendre devant leurs classes ! Quelque chose ne va plus, du côté de la formation ou de l'institution, mais on ne peut pas l'accepter, il faut changer.

Et si rien ne change ? Si la classe politique, pourtant si bavarde, reste sur ce point la grande muette ? Si les partis conservent la gestion de leurs intérêts électoraux sans rien toucher à leurs structures ? C'est très simple : nous aurons l'extrême droite, à un niveau qu'on n'imagine même pas. Et nos yeux pour pleurer.

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