vendredi 2 janvier 2015

Une question d'honneur



L'économiste Thomas Piketty a refusé de recevoir la Légion d'honneur. Il a bien fait. L'honneur est une valeur d'un autre âge, aristocratique et chevaleresque. Dans un monde démocratique, c'est le travail et le mérite qui font foi, pas l'honneur. En la matière, Piketty est honoré par la qualité de ses réflexions et les chiffres de vente de son récent ouvrage. Une distinction honorifique n'est pas nécessaire, n'ajoute rien. J'ai même tendance à penser qu'il y a de l'injustice dans bien des décorations, qu'on donne aux uns et pas aux autres, qui en seraient pourtant tout aussi dignes. L'ancien sous-préfet de Saint-Quentin m'avait proposé les Palmes académiques : je n'ai pas donné suite, ça ne m'intéressait pas. Pourquoi moi ? Parce que je fais pas mal de trucs en dehors du lycée ? Et alors ? Je n'ai aucun mérite à ça, c'est le plaisir qui me motive, et le sentiment d'être un peu utile. Ca ne justifie pas une mention particulière.

Ce que je n'aime pas dans le système des décorations, c'est qu'il repose sur le besoin de reconnaissance, qui me semble méprisable. Chacun d'entre nous fait, dans sa vie, ce qu'il croit bon et juste, un point c'est tout. Il n'y a pas à en attendre, en retour, une récompense, même symbolique. C'est suspect, c'est une forme de narcissisme. Quand j'étais président de la FOL (Fédération des oeuvres laïques de l'Aisne), on distribuait des médailles honorifiques. Un copain, responsable associatif départemental, m'avait discrètement demandé si je pouvais lui en avoir une ! J'étais terriblement gêné, et pour moi, me sentant obligé d'effectuer la démarche, et surtout pour lui, consentant à se rabaisser ainsi. La vanité humaine est prête à tous les ridicules pour assouvir ses penchants minables. Même des médailles en chocolat feraient courir après elles !

Dans le registre des distinctions, je n'admets qu'un genre de médailles, pleinement légitimes : les militaires. Le courage à défendre sa patrie, le sacrifice de sa propre vie, l'héroïsme au combat, les souffrances qu'on endure, là oui, la nation doit être reconnaissante. Mais pour tout le reste, au feu ! Ce ne sont que des breloques de fantaisie, complètement futiles.

Ceci dit, je n'aime pas du tout la façon dont Thomas Piketty a argumenté son refus, qui en a diminué la pertinence. Car il donnait l'impression de régler ses comptes avec le gouvernement, en lui refusant le droit de décider de ce qui est honorable, en lui demandant de s'intéresser plutôt à la croissance économique (quel rapport ?). Refuser la Légion d'honneur, soit ; mais inutile d'en faire tout un cinéma à rebours. J'ai bien compris que Piketty n'avait rien sollicité et qu'on avait parlé pour lui. Comme quoi il faut se méfier de ses amis les mieux intentionnés. En tout cas, pour moi, chers lecteurs, maintenant vous savez : ne cherchez pas, même pour la bonne cause, à me faire obtenir quoi que ce soit, vous me froisseriez. En revanche, si vous me proposez une investiture à une quelconque élection politique, au titre du parti socialiste, je suis preneur : pas pour la place, mais pour la beauté du combat. Ne paraît-il pas qu'en ce moment, électoralement difficile, le PS manque de volontaires pour être candidats aux élections départementales ?

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