lundi 23 octobre 2017

Macron 1968



L'annonce d'Emmanuel Macron de célébrer l'an prochain le cinquantenaire de mai 1968 en a surpris plus d'un. C'est la première fois qu'un chef de l'Etat souhaite commémorer cette révolte ... contre l'Etat et la société d'alors ! En 1978, l'événement était encore trop récent et Giscard au pouvoir. En 1988, Mitterrand vient juste d'être réélu et sa personnalité s'accorde mieux avec un autre anniversaire qu'il prépare assidûment : le bicentenaire de la Révolution française, l'année suivante. En 1998, l'ex-trotskyste Lionel Jospin aurait pu être sensible à une commémoration ; mais nous sommes en période de cohabitation et le chef de l'Etat, Jacques Chirac, n'est guère, lui, soixante-huitard. En 2008, le président Sarkozy est celui qui a le plus vertement dénoncé mai 68 durant sa campagne électorale : impossible pour lui de renouer avec cette histoire.

Mais Emmanuel Macron est-il mieux disposé, plus en phase avec le soulèvement étudiant et ses suites politiques ? En apparence, non. Ses premières mesures politiques, son programme de campagne ne sont pas directement influencés par l'idéologie de mai. On pourrait même craindre le contresens, l'anachronisme. Je crois qu'il n'en est rien. Qui aujourd'hui peut se présenter l'héritier de mai 68 ? A mon avis, personne. Vous voyez Mélenchon sur les barricades ? Pourtant, si la lettre de l'événement n'est pas chez Macron (ni chez nul autre), je perçois l'esprit de mai en lui : il fait revivre, certes à sa façon, plusieurs thèmes soixante-huitards.

D'abord, l'exaltation de la jeunesse, l'opposition d'un monde nouveau contre le "vieux monde" des appareils politiques, des notables et des rentiers. Ensuite, Macron défend la liberté sous toutes ses formes : c'est pour lui la vertu cardinale. Enfin, l'ouverture au monde est sa préoccupation majeure, et son éloge de la mobilité fait penser à ces road movies ou road stories qui enchantaient les années 60 et 70. Macron, par sa vie, est un personnage iconoclaste, qui brise le moule social dans lequel il est né. Si on peut l'opposer à mai 68 sur certains points, on peut l'y rattacher par ceux-là.

Soyons plus précis, comme on dit aujourd'hui : mai 68 n'a pas été forcément ce qu'on croit ou ce qu'on a retenu. Ce mouvement était férocement anti-étatiste, antitotalitaire, anticommuniste. Il a donné naissance à de multiples courants, répugnant à tout monolithisme. La sensibilité "libéral-libertaire" est l'un d'eux, et c'est par elle qu'Emmanuel Macron se rattache à l'événement. Aucun autre de ses prédécesseurs n'a une aussi forte proximité avec mai 68, de quelque nature qu'elle soit. Il n'est donc pas surprenant que sa figure la plus emblématique, Daniel Cohn-Bendit, ait très rapidement soutenu le jeune leader d'En Marche ! Avec lui plus qu'avec aucun autre, l'imagination était au pouvoir. Alors oui, l'an prochain, tous ensemble, comme je l'avais fait il y a dix ans à Saint-Quentin et à Guise, nous fêterons mai 68, la richesse et la complexité de l'événement, y compris en interrogeant sa part sombre et ses adversaires résolus. Ne disait-on pas à l'époque : il est interdit d'interdire ?

1 commentaire:

Erwan Blesbois a dit…

Et à travers les baby-boomers incarnés par Macron, cette génération à nulle autre pareille et dont mai 68 en France constitua l'acte de naissance, le rêve siliconien et libéral-libertaire de toute-puissance matérielle et temporelle, consistant dans le projet transhumaniste d'immortalité et de jeunesse éternelle. Ce n'est pas pour rien qu'en France les baby-boomers et leurs émules parmi leurs enfants sélectionnés et élus, aient choisi comme représentant une icône de la jeunesse dorée comme Macron.