samedi 14 octobre 2017

Ich bin nicht arrogant



"Je ne suis pas arrogant" : c'est l'étrange titre du magazine allemand Der Spiegel, venant de la bouche d'Emmanuel Macron. Une formule moins politique que psychologique, à la mode d'aujourd'hui. Elle est écrite bien sûr dans la langue de Goethe, sauf l'adjectif, en français. Comme si le mot et le vice étaient des spécialités nationales. Il faut dire que nos paroles en sont remplies : arrogant est devenu un reproche courant, souvent en doublette avec méprisant, jusqu'à placer au second rang des défauts autrefois beaucoup plus stigmatisant, comme menteur ou voleur. Mais, pour ces derniers, des preuves objectives sont exigées, alors qu'on peut taxer n'importe qui d'arrogance ou de mépris sans avoir à se justifier, tant l'attaque est subjective.

"Je ne suis pas arrogant", se défend notre président. A-t-il besoin ? Quand on voit, à la une du magazine, son visage doux et lisse, ses yeux bleus, quand on se souvient de son sourire, quand on sait qu'il met en avant la vertu de la bienveillance, on se dit qu'on peut sans doute imputer à cet homme de nombreux défauts, afficher de graves désaccords avec sa politique mais certainement pas le traiter d'arrogant. Si ses adversaires ne le sont pas, ils sont en revanche malhonnêtes en portant cette accusation. Ne me reprochez pas d'être subjectif dans le portrait que je fais de Macron : ses procureurs le sont autant dans leur réquisitoire. Je retourne l'arme contre celui qui vise.

Emmanuel Macron a son explication : "Je ne suis pas arrogant vis-à-vis des Français, je suis déterminé". Ok, mais n'est-ce pas justement cette détermination qui passe, certes à tort, pour de l'arrogance ? Dans un pays qui ne croit plus à grand chose, un type, fût-il chef de l'Etat, "choque" parce qu'il ose afficher de fortes convictions (qu'on peut ne pas partager, c'est un autre débat). Dans une société où il est de bon ton de n'avoir aucune certitude, celui qui est sûr de lui semblera, par contraste, arrogant.

L'arrogance qu'on prête à autrui n'est que le reflet de notre faiblesse : dans un monde sans passion, quoi de plus irritant qu'un individu enthousiaste ? Pour tous ceux qui ne le sont pas, l'audacieux est soupçonné de témérité, le discret est accusé de timidité, l'économe passe pour avare et la vérité (celle du moins qu'on se fait et pour laquelle on se bat) est taxé d'arrogance. A Emmanuel Macron, je dis bien fort : continuez, monsieur le président, à être arrogant, contre tous les malhonnêtes qui vous font ce faux procès et qui n'ont en tête que de vous rabaisser pour mieux vous abattre. Ich bin arrogant !

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