samedi 21 octobre 2017

On ne se refait pas



Contrairement à beaucoup de Français (ce dont je ne me plaindrais pas), j'ai suivi jeudi soir l'émission consacrée à Marine Le Pen. "Oral de rattrapage", ont répété à l'envie les commentateurs, qui abusent souvent de métaphores. Je préfère l'écriture directe. Le Pen n'a rien "rattrapé" du tout. Elle a sans doute voulu effacer son débat raté des présidentielles. Mais si on peut corriger une erreur politique, on peut difficilement effacer une incompétence et un tempérament.

Elle a tenté, dans les apparences : les lunettes adoucissent le visage, le rire qui fait tant penser au père et fait si peu sérieux ne revient que rarement, quand elle s'oublie ; la couleur bleue est classique, là où les femmes politiques mettent généralement du rouge ou du blanc pour se faire remarquer. Sa parole est moins virulente. Bref, le côté facho s'estompe. Mais quand on voit derrière elle sa bande, Collard, Alliot et les autres, on se dit que la bête n'est pas morte.

Et puis, cette modération n'est pas qu'une tactique : c'est le signe d'une hésitation. Marine Le Pen avait l'air paumé, incertaine. Elle a gommé l'arrogance, pas son ignorance des dossiers. Face à Darmanin, très gentil petit garçon mais débatteur redoutable, c'était flagrant. Tout le monde a retenu, avec raison, son inconséquence sur l'Europe, où elle n'a pas changé depuis son naufrage devant Macron. Elle fait dépendre la sortie de l'Euro de multiples conditions, elle fait de la politique avec des "si", c'est-à-dire qu'elle ne fait pas de politique, car pour cela, il faut des convictions fermes (Philippot, sur ce point, est clair ; pas étonnant qu'il soit parti du FN ...). En tant que fervent européen, je m'en réjouis : les anti-européens sont si peu sûrs d'eux-mêmes qu'ils n'osent pas annoncer la couleur, ne vont pas jusqu'au bout de leur logique.

L'ISF, Le Pen est contre sa réforme, parce qu'elle taxe la richesse immobilière, pas le capital. Elle pense que si Macron supprime la taxe d'habitation, c'est qu'il veut transformer les Français en locataires nomades. Elle s'en prend à une "fiscalité du déracinement". Pour elle, les "racines", c'est l'investissement dans la pierre. Le capital est forcément mauvais, égoïste, cosmopolite. Elle fait plus confiance à la propriété qu'à l'entreprise. Le Pen se prétend pragmatique et elle nous sort tout un discours idéologique dans lequel on reconnaît facilement les caractéristiques de toujours de l'extrême droite. Sans compter l'aspect mensonger et délirant, puisque Macron n'a pas l'intention de s'en prendre à la propriété, ni de développer les locations ! Il veut simplement que la charge locative soit moins lourde et que le capital s'oriente vers la création d'emplois. Marine Le Pen a essayé jeudi soir de se refaire, mais on ne se refait pas. Et ce n'est pas moi qui lui reprocherai d'être fidèle à elle-même.

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