vendredi 6 octobre 2017

Perte d'identité ouvrière



Dans le prolongement du billet d'hier, je reviens sur la polémique du "bordel", abordant cette fois le fond, très intéressant. Qu'est-ce qui est en jeu ? Pas l'emploi (les salariés peuvent retrouver un travail), pas la formation (ils sont qualifiés), pas les rémunérations (elles ne sont pas mises en avant) : non, mais c'est la mobilité, le fait d'avoir à se déplacer loin de chez soi (même si cet éloignement est tout relatif), les inconvénients et les dépenses que cette situation occasionne. J'ai écrit hier qu'il fallait aller là où se trouvait le travail, et ne pas attendre qu'il vienne à nous. Je voudrais aborder aujourd'hui la question sous un autre angle : celui de la culture ouvrière.

Cette classe sociale n'a jamais été sédentaire, contrairement à la paysannerie. Les ouvriers ont constitué leur identité par rapport au travail, pas par rapport à la terre. Au contraire, le prolétariat est né, au XIXème siècle, de l'exil rural. La ville était jugée émancipatrice, à la différence de la campagne. La classe ouvrière a toujours été extrêmement mobile, elle a su s'adapter. On ne peut donc pas lui faire un procès en immobilisme. Où est alors le problème aujourd'hui, que la réaction de Macron a mis à vif, sans qu'il le veuille ? C'est qu'hélas la culture ouvrière a quasiment disparu, et les réflexes qui allaient avec.

Le nerf du problème, c'est notre rapport au travail. Un ouvrier savait trois choses : 1- on travaille pour gagner sa vie. 2- on est fier de ce qu'on fait. 3- on est conscient de son utilité sociale. Ces trois sentiments ont disparu, parce que la culture ouvrière a disparu. Elle a été remplacée par la psychologie des classes moyennes, intellectuelles, dans le secteur tertiaire, la mentalité petite-bourgeoise. Désormais : 1- on travaille pour gagner de l'argent (on n'accepte plus de faire n'importe quoi). 2- la fierté du produit fini a disparu avec le travail manuel. 3- dans une société individualiste, l'utilité collective n'a plus guère de valeur ; seul compte l'épanouissement personnel, le bien-être dans et grâce au travail.

Un ouvrier pouvait se sentir terriblement exploité ; mais jamais il ne se serait senti "malade" de son travail, "en souffrance" ou en "burn out", pour reprendre les lieux communs de notre époque. En perdant la culture ouvrière, nous avons perdu le sentiment de dignité dans le travail. Et ce n'est pas dû aux changements dans son organisation, puisque l'exploitation des travailleurs étaient beaucoup plus grave, plus violente autrefois. Nous ne reviendrons pas en arrière. Pendant la campagne présidentielle, le candidat Benoit Hamon, héritier bâtard du socialisme, avait trouvé la grotesque solution : puisque nous sommes malades du travail, amputons-nous, supprimons-le ! De quoi rendre fous nos ancêtres ouvriers ...

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