jeudi 5 octobre 2017

Fouteurs de bordel



En matière de comportement moral, il est assez facile d'être sincère : il suffit de se laisser aller. Il est également aisé d'être généreux, car il y a un plaisir à offrir. Mais être honnête est sans doute la vertu la plus compliquée, celle qui nous demande le plus d'effort sur nous-mêmes. Face aux propos d'Emmanuel Macron sur "ceux qui foutent le bordel", quel jugement honnête peut-on porter ?

D'abord, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que ce sont des propos volés, non publics, dans un moment d'exaspération comme nous en connaissons tous, exprimée en des termes non choisis, spontanés. Non, il n'est pas honnête de rapporter ce genre de paroles prononcées à la va-vite, en petit comité, et de les faire tourner en boucle, comme pour rendre fou. Chacun d'entre nous se retrouverait rapidement et sévèrement condamné, si ses paroles privées étaient divulguées. Mais aujourd'hui, ce type de respect et de discernement ne sont hélas plus de mise.

"Bordel", dans la bouche d'un garçon aussi bien élevé que le chef de l'Etat, voilà ce qui "choque" : il y a un effet de contraste qui le dessert. Pourtant, notre société, via ses réseaux sociaux, ne cessent de promouvoir la transparence, la spontanéité. En sommes-nous à une contradiction près ? Honnêtement, le fond de la réaction présidentielle est ailleurs : des manifestants, où se mêlaient cégétistes et élus locaux, ont voulu perturber la visite du président de la République, se faire absolument inviter à sa table, bref lui forcer la main. Cette attitude porte un nom : foutre le bordel.

J'ai souvent manifesté, je n'ai jamais foutu le bordel. Macron ne s'en serait pas pris à l'expression légitime de salariés inquiets ou en colère. Mais hier, c'est la légalité qui a été transgressée et l'autorité bafouée. J'exagère ? Oui, sûrement, puisque depuis pas mal de temps, notre société a pris l'habitude de se moquer des lois, d'ignorer les règlements et de remettre systématiquement en cause les autorités. C'est tout le pays qui est devenu bordélique. Et je ne confonds pas le bordel avec la belle révolte (1968) ou la grande révolution (1789), comme je ne confonds pas Poujade et Lénine. Le gueulard n'est pas le révolutionnaire.

Quant au problème local, je ne le connais pas, mais encore une fois, c'est moins le fond que la forme qui a été hier fort justement critiquée par le président de la République. Mais pour ce que j'en ai entendu, il s'agit de salariés qui refusent de se déplacer à deux heures de chez eux pour retrouver un travail qui leur est pourtant assuré. Je ne veux pas discuter de ce que j'ignore, mais, à mon tour, entre nous, j'aimerais réagir spontanément : dans ma vie, je n'ai pas attendu que le travail vienne à moi, je suis allé là où il se trouvait, de mon Berry natal à Angers, puis à Paris, enfin à Saint-Quentin. Si mon poste était supprimé et qu'on me demandait d'aller ailleurs, j'irais, sans rechigner. Mais ce n'est qu'une réaction strictement personnelle, pas un jugement, encore moins un exemple. Accordez-moi au moins de n'avoir pas utiliser de gros mots pour l'exprimer.

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