vendredi 30 juin 2017

Si Versailles m'était conté



Le président de la République réunit lundi le Congrès à Versailles. Et le voilà qu'il se fait traiter de Louis XIV ! La procédure est légale, institutionnelle : certains vont jusqu'à faire entendre qu'elle serait antirépublicaine ! Au contraire, c'est un hommage rendu au Parlement que de se rendre devant lui, solennellement, en début de mandat, pour lui expliquer la politique qu'on a l'intention de mener. Et puis, c'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron : il a dit, il le fait. Comment le lui reprocher ?

Autre critique : ce Congrès se tient à la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre, c'est un "coup de force", une "humiliation". Tout de suite les grands mots, qui sont aussi grands que faux ! Le président définit les grandes lignes de sa politique, son Premier ministre précise les modalités de son application. C'est l'esprit et la lettre de la Constitution. Il en a toujours été ainsi. Où est le "coup de force" ? Où est l'"humiliation" ?

Enfin, Emmanuel Macron a des choses importantes à dire devant le Parlement, qui le concerne directement : on peut penser que seront abordées la diminution du nombre de députés et l'introduction d'une part de proportionnelle (engagements là aussi du candidat). N'est-il pas normal et juste que ces annonces soient faites devant les parlementaires ? Ceux qui n'iront pas lundi à Versailles, parce qu'ils craignent une visite royale, se trompent lourdement. Une telle réaction, une pareille suspicion, c'est encore de la vieille politique ...

Le fond du problème est aussi ancien que la Vème République. Traiter Macron de monarque est d'une banalité absolue : tous les présidents de la République y ont eu droit, y compris de gauche. La raison en est que notre système constitutionnel a cette particularité d'être à la fois présidentiel et parlementaire. Dès les années 60, le politologue Maurice Duverger le qualifiait de "monarchie républicaine". Depuis, l'accusation est devenue un cliché. Macron n'est pas plus roi que de Gaulle ou Mitterrand. Il applique simplement le pouvoir qui est le sien.

Durant sa campagne électorale, Emmanuel Macron n'a pas promis une VIème République. La question institutionnelle n'a pas été abordée par lui. Deux indications cependant : il a souhaité laisser plus de latitude à ses ministres ; il s'est engagé à s'expliquer une fois par an devant le Parlement, pour faire le bilan de son action. Ce qui donne à penser que la philosophie politique de Macron le conduirait plutôt vers le régime présidentiel. L'instauration du quinquennat va dans ce sens-là.

Le seul débat légitime est celui-là : veut-on une Vème République qui aille vers un régime présidentiel (le président stratège) ou vers un régime strictement parlementaire (le président arbitre) ? Veut-on en rester à l'ambiguïté actuelle, qui favorise l'une ou l'autre des tendances selon les moments ? Veut-on carrément passer à une autre Constitution, une VIème République, dont il faut alors définir les contours ? Tout le reste - Macron autoritaire, Philippe humilié, Parlement bafoué, République outragée - n'est que polémique inutile, partisane et stupide. Lundi, si le Congrès se réunit à Versailles, ce n'est pas pour rejouer le film de Sacha Guitry, et personne n'aura à enfiler les costumes d'époque.

31 commentaires:

J C a dit…

De ce que j'ai pour ma part retenu de mes lectures mais aussi d'avoir pu écouter Michel Rocard, c'est que la Vème République se résume à :
1 - le Président est maître du temps législatif, de choisir son chef de l'exécutif, des forces armées, des relations étrangères, de la diplomatie, de la guerre ou de la paix extérieure.
2 - le 1er ministre est maître de tout le reste et de l'application des décisions présidentielles qui le concernent dans son champ d'action.

Casanova a dit…

Ce qui est terrible, insupportable, c’est que la presse alliée au PNF ait pu décider de qui serait notre président de la République… Et surtout que les Français, qui ne sont ni complètement aveugles ni complètement cons, se soient laissé faire, de peur de voir Fillon être élu. On a la démocratie qu’on mérite. Le deuxième gros problème est que notre système politique mise tout sur l’élection du président tous les cinq ans. L’enjeu est tellement important que tous (hommes politiques, hauts fonctionnaires, magistrats, journalistes…) sont prêts à mentir, tricher… sachant que le pouvoir leur procurera une forme d’impunité. La vraie démocratie est parlementaire, elle a été inventée par les Anglais qui ont récemment encore une fois prouvé qu’ils sont supérieurs aux Français sur le plan de leurs institutions et de leur maturité politique. En Angleterre un chef d’Etat tombe lorsqu’il ne donne pas satisfaction !

Emmanuel Mousset a dit…

1- Assez bonnes définitions. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'avec un chef d'Etat élu au suffrage universel et disposant de larges pouvoirs, la légitimité politique est puissamment de son côté.

2- Aucun système institutionnel n'est supérieur à un autre en termes de moralité. La démocratie parlementaire n'est pas plus à l'abri du mensonge, de la tricherie ou de la corruption.

Anonyme a dit…

Assez bonnes définitions.
"assez" est plutôt superflu...

Emmanuel Mousset a dit…

Pour moi non, parce que ces définitions ne sont pas "entièrement" satisfaisantes. Mais elles me conviennent "assez" bien.

Erwan Blesbois a dit…

Ça me rappelle quand Chédin nous demandait de noter, nous autres élèves en philosophie, d'autres élèves qui faisaient un exposé oral sur une notion philosophique, assez "masochistes" pour accepter de s'exposer au verdict de leurs condisciples. Le plus "cruel" était systématiquement notre ami philosophe Emmanuel Mousset qui mettait généralement comme note "0", quant à moi paralysé par la terreur que représentait cet exercice de tauromachie philosophique, je n'osais dire une note qu'avec une voix tremblante et atone et Chédin me considérait avec une moue de mépris comme si je n'existais pas. Bon je vois que notre ami philosophe a fait des progrès, il consent à dire "assez" bien.

Emmanuel Mousset a dit…



Je me souviens de l'exercice, pas de mes zéros. Cette note ne me ressemble pas. La cruauté consiste à mettre un, deux ou trois. Zéro, c'est le néant absolu : il faut du génie, de l'inconscience ou de la perversité pour avoir zéro. La médiocrité est pire que la nullité. C'est pourquoi j'accorde facilement quelques points, mais pas trop, et jamais zéro. Quelqu'un qui a zéro peut se vanter de son exploit ; celui qui a deux ou trois taira son piteux résultat.

Erwan Blesbois a dit…

On est donc bien d'accord sur une chose : tu es cruel, ce qui serait un élément d'explication de ta "réussite professionnelle". Ma petite théorie personnelle est qu'en régime libéral drastique de "guerre de tous contre tous", ce sont les plus individualistes et les plus cruels qui s'en sortent le mieux. Nietzsche dirait d'ailleurs pour ta défense que ce que le troupeau prend pour de la méchanceté chez un individu, est en réalité la valeur supérieure de cet individu au regard des faibles qui le jalousent. Tout comme aux yeux des serfs et des "vilains", le comportement des seigneurs pouvait être interprété comme de la méchanceté alors qu'il n'était que le reflet de sa valeur supérieure. Bravo tu es devenu un "seigneur" local que beaucoup jalousent, certains craignent et d'autres admirent.
Bien sûr je n'adhère pas du tout à ce point de vue nietzschéen qui cautionne la cruauté des riches et des classes aisées à l'encontre des gens ordinaires qui ont gardé des valeurs de décence commune, ce qui explique leur vote pour Macron pour lutter contre le "péril fasciste", sentiment exploité avec cynisme par l'intéressé et ses nombreux soutiens de l'ombre. Macron qui de toute façon les dupera dans leur idéal de décence commune, puisqu'il réalisera le programme, rien que le programme et tout le programme inscrit dans la doctrine du libéralisme telle qu'énoncée pour la première fois de façon systématique par Adam Smith, postulant le vice et la perversion individuelles comme garanties de la vertu collective apportée par la prospérité économique qui découle de l'action de la "main invisible" impliquant la non intervention de l'Etat en matière économique. L'erreur de départ de raisonnement qui prend désormais un écho formidable, et que du vice intime ne peut déboucher la vertu collective, mais bien plutôt un genre de vice et de perversion collectifs, qu'une petite heure en naviguant sur internet suffit à prendre la mesure des dégâts engendrés, dans l'absence de toute décence commune qui s'y exprime, le plus souvent au nom du profit.

Emmanuel Mousset a dit…

Ma "cruauté", comme tu dis, n'est pas personnelle ou psychologique. Je crois que je ne ferais pas de mal à une mouche. Mais ce qui est "cruel", c'est la vérité, surtout quand elle porte sur les personnes.

Anonyme a dit…

Laissez la cruauté à Antonin Artaud, ce que vous tentez d'expliquer, E M, n'est que la condescendance et froideur du petit bourge vis à vis de ceux que vous considérez tout simplement inférieur parce que ceux là ne sont justement pas vous. Vous ne feriez sans doute pas mal à une mouche, en êtes-vous plus humain que d'autres pour autant ?

Emmanuel Mousset a dit…

Non, je ne prétends pas être plus humain qu'un autre. Et il m'arrive même de tuer des moustiques.

Erwan Blesbois a dit…

Il est normal qu'Emmanuel Mousset soit un peu cruel avec les autres, puisqu'il l'est beaucoup avec lui-même. La culture, l'éducation, l'instruction sont une cruauté nécessaire que l'on inflige aux enfants, aux ados, aux jeunes adultes, et pour ceux qui sont courageux ou qui aiment ça, parce qu'ils ont sublimé la cruauté en plaisir, en curiosité, qu'ils s'infligent tout au long de la vie.
C'est une cruauté nécessaire car sinon l'ensemble de la société sombrerait dans la barbarie, Emmanuel Mousset est tout simplement un gardien ou encore un phare pour ceux qui sont naufragés, sans repères, sans direction, incapables de s'orienter.
Le problème posé est celui d'une société qui avait des racines catholiques comme la France, donc qui posait un bien commun universel, et qui mute doucement sous l'action du libéralisme vers une forme de protestantisme où chacun est gardien de sa propre foi et de sa conscience. Autrement dit le catholicisme est une religion sociale en contradiction avec les valeurs du libéralisme qui sont purement individuelles et qui prônent l'individualisme.
A chacun désormais que nous avons détruit tous collectivement les racines catholiques de la France, de s'en sortir comme il peut dans une société qui ne fournit plus à personne des valeurs spirituelles mais des valeurs purement mercantiles. Chacun est encore libre si il le souhaite de renouer avec le catholicisme, pour ma part je tente de m'orienter vers ce choix personnel, car je n'en vois pas d'autre.

Emmanuel Mousset a dit…

Ce qu'il y a d'infâme dans "ton" catholicisme, c'est qu'il est purement identitaire, social, moral. Il ne correspond pas à un acte de foi sincère. Il n'est même pas une quête métaphysique. Tu as besoin de valeurs, de repères, de racines : la mystique chrétienne, au contraire, renverse tout ça. Finalement, tu es une sorte de musulman, qui veut un cadre de vie, une communauté, des traditions.

Erwan Blesbois a dit…

Je n'ai pas atteint ton degré d'abstraction dans la spiritualité, je n'ai pas été enfant de chœur et mes parents ne m'ont pas autorisé à recevoir le baptême. D'une certaine façon la boucle est bouclée entre le baptême de Clovis et ma génération qui majoritairement n'a pas reçu le baptême.
Pour moi la foi ne se marie pas avec un idéal abstrait, elle a pour modèle des valeurs vivantes, des valeurs charnelles qui ont trouvé à s'exprimer dans le réel et furent capables de rendre le monde habitable : la boucle est bouclée, oui car le monde devient inhabitable.
J'ai modestement, à mon petit niveau connu ce monde là dans un coin reculé de basse Bretagne où les gens ordinaires parlaient encore breton, et savaient ce qu'était une vie décente, sans prédation de son prochain pour se hisser au niveau de la réussite. Je ne suis pas un mystique du déracinement, je suis un terrien attaché à un terroir, tout ce que vomit une certaine idéologie parisienne. Ce que j'aimerais c'est une société qui ne nous impose pas de force le déracinement comme condition de possibilité de la "paix" dans le monde, tout enracinement impliquant une frontière, donc une césure entre humains à l'origine des conflits. Ce n'est pas si simple car la perte d'identité et le conflit permanent avec ses pairs, pour un brin de reconnaissance sociale déshumanise : qu'est ce qui est pire, mourir dans un conflit armé pour défendre sa patrie, ou bien mourir psychiquement de son vivant, sans aucun idéal, détruit par ses pairs au nom des valeurs du libéralisme qui nous imposent la guerre de tous contre tous ?
Je vois où tu veux en venir avec ton attaque "ad hominem", tu veux encore me faire parler de la religion par laquelle est née le catholicisme, tu veux me faire parler de nos parents spirituels les juifs. Je sais qu'il y a un peuple pour qui sa nature et sa spiritualité correspondent au déracinement, qui s'explique par son histoire particulière, ce particularisme devrait-il devenir un universel ? Est-ce pour autant qu'il devrait imposer son modèle à tous les autres peuples ? Je pose juste la question. Entre parenthèses il a tellement confiance en son particularisme nomadiste, qu'il s'est empressé de se trouver une terre, donc des racines. Terre où il n'hésite pas à pratiquer le nationalisme le plus intransigeant, à faire rougir de pudeur une Marine Le Pen. Il y a des explications à tout ça, quand il a compris que beaucoup de peuples étaient rétifs à sa mystique du déracinement, à sa tentative toute récente d'évangélisation à la mystique du déracinement, pratiquée d'ailleurs comme conséquence d'un traumatisme post-Shoah, en vue d'un "plus jamais ça !", et qui s'accompagne de sa part d'un paradoxal retour à la terre d'Israël, comme si il craignait inconsciemment les conséquences de sa tentative d'évangélisation à la mystique du déracinement.
Je ne sais pas qui est le plus infâme entre celui qui voudrait que l'on respecte la nature et les racines comme condition de possibilité de notre survie sur cette planète, ou celui qui au nom de sa spiritualité abstraite déclare que la nature est une "merde" méprisable tout juste bonne à être dominée et exploitée.
Quant à la "mystique chrétienne qui renverse tout ça", on dirait un de ces "arrière-mondes" que pourfendait Nietzsche.
Pour un peu je croirais entendre que c'est moi la bête immonde ("écrasons l'infâme" que représente le dogme chrétien disait Voltaire), tout ça parce que par l'esprit je n'ai pas su saisir les valeurs de la modernité. Oui mais même l'esprit est l'objet d'une transmission charnelle selon moi. Autrement dit pour toi les infâmes sont les victimes et les vainqueurs sont forcément vertueux : renversement des valeurs par rapport au sens commun, mais cela se respecte.

Emmanuel Mousset a dit…

Tu idéalises la terre et le passé. Depuis Clovis, l'histoire a été tumultueuse ! Oui, le judaïsme est une bonne référence. Quant à l'existence d'Israël, elle répond évidemment à une tragédie historique, non pas à un besoin d'enracinement. Les Juifs n'en ont d'ailleurs pas besoin : ils se sont toujours très bien intégrés là où on les a acceptés.




Erwan Blesbois a dit…

Je n'ai jamais dit que l'existence d'Israël correspondait à un besoin d'enracinement. Oui c'est suite à une tragédie historique, n'empêche que par la force des choses les juifs n'ont pas choisi n'importe quelle terre, mais celle qui correspondait à leurs racines spirituelles, à la terre qu'ils ont dû quitter et qu'ils ont idéalisé durant 2000 ans. Et pourquoi les Français eux devraient-ils être en exil sur leur propre terre selon une métaphysique du déracinement, et devraient-ils renoncer à toute métaphysique liée à la terre et à l'histoire, au nom de quoi ? De la flagellation au nom de tous leurs crimes passés qui justifie l'accueil de tous les damnés de la terre, plus légitimes moralement à occuper cette terre car vierges de tout crime et même victimes. Après la bataille des idées, voici venu le temps de les appliquer, remplaçons le vieux peuple réactionnaire et renfermé sur son histoire, par un peuple capable d'entendre l'idée de progrès c'est-à-dire un peuple progressiste.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Les Juifs sont un peuple religieux. Leur Jérusalem n'est pas de ce monde.

2- Les Français n'ont jamais été poussés hors de chez eux. En revanche, ils ont souvent occupé d'autres territoires, loin de leur patrie.

Erwan Blesbois a dit…

Macron vient de comparer la France à une gare : "Une gare, c'est un lieu où l'on croise des gens qui réussissent, et des gens qui ne sont rien." Autrement dit pour être français désormais il faut réussir, sinon on n'existe pas. C'est effectivement conforme à l'idéologie libérale.

Emmanuel Mousset a dit…

Géniale, cette métaphore de la gare : c'est tout à fait ça ! Mais ton interprétation est erronée (ce qui est dans l'ordre des choses pour un anti-macronien). Ceux qui ne réussissent pas, il faut leur donner les moyens de réussir (et on peut réussir de multiples façons). Ce pourrait être aussi une définition du "socialisme" tel que je l'entends.

Erwan Blesbois a dit…

C'est vrai que ce que propose Macron c'est un modèle de réussite dans le cadre de l'économie Monde et non pas seulement dans la France, qui il le dit clairement doit être considérée comme "un lieu de passage". C'est pas con, et l'on pourrait même envisager à terme, si tout les pays jouaient le jeu, l'établissement d'un gouvernement mondial dans l'esprit d'une mystique du déracinement. Il y aura évidemment de nombreux sacrifiés, des gens qui resteront au bord du chemin, et il faudra aussi penser à eux, les secourir, car tout le monde n'est pas capable d'une réussite éclatante à la Zuckerberg. Il est évident aussi que dans ce nouvel habitus que nous propose Macron, certains partiront avec plus d'atouts que d'autres selon leur niveau d'éducation, car il faudra être bien armé pour affronter le Monde.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Ton séjour sur terre n'est lui aussi qu'un bref "passage". Mais rassure-toi : quand tu boufferas les pissenlits par la racine, ton idéal de la terre et de l'enracinement sera enfin réalisé.

2- Depuis la préhistoire, certains partent avec plus d'atouts que d'autres. Ce n'est pas une raison pour s'y résoudre. Macron ne se résout pas à ce qu'il y ait des millions de chômeurs en France alors que des millions d'autres vivent sans problème majeur d'emploi, de logement, de santé et de loisirs. Voilà l'injustice, l'inégalité à combattre. Et pas par ta logorrhée antilibérale qui ne débouche sur rien, même pas sur la révolution et le communisme (au moins, ça aurait une certaine allure).

Erwan Blesbois a dit…

Je ne suis absolument pas d'accord avec ta définition du socialisme, je ne vois pas comment l'application du programme du libéralisme pourrait déboucher sur une forme de socialisme, c'est absurde : un libéralisme socialiste, c'est un oxymore, arrête d'enfumer tes lecteurs avec des contre vérités. Depuis longtemps la gauche républicaine s'est rangée du côté du libéralisme en contradiction avec les idéaux du socialisme originel porté par des penseurs comme Fourier, Proudhon et beaucoup d'idées de Marx à condition qu'elles ne cherchent pas à faire système.
Et je ne cherche pas à avoir de l'allure, mais à ce que les gens ordinaires autour de moi aient une vie décente dans une société décente : afin que la société fasse corps dans la joie de vivre, ce n'est pas une utopie irréalisable, j'ai connu une telle joie de vivre dans mon enfance, dans ma famille, et qui aujourd'hui semble avoir disparue de toute vie sociale.
Par contre la gauche libérale libertaire représentée par Macron est certainement le régime politique qui permettra la meilleure réalisation du libéralisme bien plus que la droite conservatrice finalement, d'où le fort engouement qu'il suscite dans les milieux médiatico-culturels, qui attendaient en France une réalisation du libéralisme économique dans sa forme la plus pure depuis des années. La première grande mesure de la Révolution française et de la gauche républicaine, qui allait devenir de nos jours la gauche libérale libertaire, fut d'abolir les corporations au nom de la liberté individuelle, "liberté" qui postule la prépondérance de l'individu sur la communauté, et finalement sur l'inter subjectivité : effectivement l'association et la solidarité entre travailleurs ont toujours été le pire ennemi du patronat bourgeois, qui cherche à isoler les travailleurs. Cette "liberté" individuelle, issue de la Révolution française d'inspiration idéologique bourgeoise, a abouti à une atomisation et une aliénation des travailleurs, ce qui arrange bien les patrons pour mieux les exploiter : le sort des travailleurs fut bien plus dur au XIXème siècle de Germinal que sous l'Ancien Régime et le statut des corporations qui permettait l'association et la solidarité des travailleurs entre eux. Ce n'est pas parce que toi tu as de la considération pour les travailleurs issus des milieux populaires, que Macron et les patrons partagent ton point de vue. Toi tu es peut-être un faux naïf, mais eux sont de vrais cyniques.

Erwan Blesbois a dit…

Je le répète les gens ordinaires aspirent à une vie décente, or la patronat a intérêt à maintenir un certain niveau de chômage afin que les salariés ne deviennent pas insolents en exprimant notamment des revendications salariales et sociales jugées "exorbitantes" par les patrons, qui aspirent à tirer toujours plus les salaires vers le bas en mettant en concurrence des travailleurs de tous les pays vers le moins disant salarial et social. D'où l'objectif pour Macron de faire de la France, "un lieu de passage" pour les travailleurs de tous les pays, qui seraient recrutés en fonction de la faiblesse de leurs revendications.
L'équité pour toi c'est de rabaisser les droits des travailleurs les plus "privilégiés", pour permettre de créer des emplois : et cela conformément aux vœux de Macron de détruire ou tout au moins de "simplifier" le droit du travail. Pour moi la création d'emplois ne repose pas sur de tels sacrifices qui consistent en un nivellement par le bas des droits de tous les travailleurs et certainement la future création d'une masse de travailleurs pauvres ; mais sur la bonne volonté du patronat, qui en réalité dans son histoire n'en a jamais fait preuve et n'en fera sans doute jamais preuve sauf sous la contrainte imposée par le rapport de force (devenu de moins en moins possibles car les travailleurs sont atomisés, et le seront encore plus par les accords d'entreprise en remplacement des accords de branche), son seul principe de conduite étant sa rapacité dont il a fait un dogme indépassable.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Il y a plusieurs définitions du socialisme (encore heureux !) et le libéralisme (qu'on confond souvent avec le mode de production capitaliste) est au départ une idéologie de gauche.

2- Les gens ordinaires aspirent à une vie décente ? C'est quoi, ce catéchisme saint-sulpicien ? Va à Auchan le samedi matin, tu la verras, la "vie décente" des "gens ordinaires" ! Mais suis-je bête ! Tu es sans doute le premier à t'y précipiter, "homme ordinaire" que tu es, avec ta "vie décente". Moi, l'ordinaire ne me convient pas, et je ne vais jamais à Auchan.

Erwan Blesbois a dit…

Est-ce que j'ai dit que le libéralisme n'était pas une idéologie de gauche ? Oui et c'est bien le contresens que font beaucoup de gens en pensant que la gauche n'est pas libérale mais sociale. Or précisément et tu as bien raison de le souligner, le libéralisme qu'il soit politique ou économique a bien des racines de gauche. Et c'est précisément la gauche de Mitterrand au pouvoir qui a accompli en France la plus grande mutation libérale non seulement sociétale, mais surtout économique. Ainsi faut-il bien distinguer entre gauche et socialisme, ce n'est pas du tout la même chose malgré ce qualificatif de "Parti Socialiste", qui fut bien souvent trompeur pour bien des gens et a continué à l'être jusqu'à très récemment. Je crois qu'il a été remplacé par l'appellation "nouvelle gauche', c'est déjà moins malhonnête sur la marchandise proposée.
Les citoyens se laissent souvent enfumer par ce concept de gauche, car ils pensent que c'est une forme de socialisme, or pas du tout. Le socialisme s'est construit au XIXème siècle face aux ravages de l'idéologie progressiste et à la déshumanisation engendrée sur la classe ouvrière. Je ne dis pas que la gauche soit totalement insensible à cette déshumanisation, elle tente d'y remédier de façon plus humaine que la droite je pense, mais il n'empêche, la gauche pense qu'elle va trouver le salut pour l'humanité dans l'idée de progrès, dans le progressisme. C'est une illusion je pense. Quand les socialistes à l'instar de George Orwell, dont une figure moderne pourrait être représentée par le cinéaste Ken Loach, tentent de trouver le salut dans de nouvelles formes de solidarité, de coopération, d'intersubjectivité entre les Hommes, de vie décente, bref d'humanisation que recherche naturellement tout Homme ordinaire, alors que le libéralisme nous entraîne toujours plus loin dans l'égoïsme, l'individualisme, l'indécence et la prédation dans les rapports humains. La "vie Auchan", je suis d'accord avec toi est une forme de déshumanisation que s'infligent à eux même les Hommes ordinaires lorsqu'ils n'ont pas trouvé les ressources spirituelles de s'épanouir dans la culture : c'est le Monde du donné par opposition à un Monde qui serait à construire spirituellement. La "vie Auchan" est une forme de servitude volontaire. Or à cause de la propagande publicitaire, mais aussi de la culture contemporaine qui se déshumanise progressivement, cela demande un effort inouïe de s'extirper du monde du donné. Je pense que d'un point de vue catholique, une victime est autant coupable finalement qu'un bourreau, car une victime en consentant à sa servitude répand elle aussi le mal, mais d'une autre façon qu'un bourreau qui lui inflige la servitude.

Erwan Blesbois a dit…

Autrement dit une victime se complaît dans son malheur et n'apporte pas plus d'espérance au monde : d'un point de vue éthique je reconnais que tu m'es donc bien supérieur.
Une philosophie actuelle pourrait être une forme de stoïcisme, consistant à essayer de se mettre à l'abri spirituellement en attendant éventuellement des jours meilleurs, car la plupart des Hommes et tu as raison de le souligner ne sont pas prêts à entendre une forme de vérité, consistant en une résistance face au consumérisme aliénant.
Contrairement à ce que pense Macron, ce n'est pas une mystique du déracinement et les patrons qui sauveront la France, éventuellement ils sauveront ce qu'il restera de la France, c'est-à-dire Paris "intra-muros" et quelques grandes métropoles régionales, condamnées à se couper du reste du pays encore attaché à des valeurs du terroirs et donc enraciné.
Bien sûr l'idéal consiste toujours dans le dosage et dans une juste mesure entre mystique du déracinement (qui comporte bien des points positifs), et mystique de l'enracinement (qui comporte aussi bien des points négatifs), ici je rejoindrais la pensée "complexe" de Macron : "et en même temps" (comme quoi il y a aussi du bon chez Macron).

Emmanuel Mousset a dit…

Une gare ferroviaire est un haut-lieu métaphysique. J'ai fait un billet là-dessus, il y a quelques années. Récemment, traversant la gare du Nord (la plus grande d'Europe), j'ai eu cette pensée (macronienne ou pas ?) : "Je sais où je vais. Beaucoup de gens ici ne savent pas". Pour poursuivre dans la métaphore, je crois qu'un grand mal a été fait à l'humanité le jour où on a inventé les valises à roulettes (je te laisse méditer sur ça).

Anonyme a dit…

La plus grande gare d'Europe est Berlin.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous me faites une querelle d'Allemands.

yvesgerin a dit…

Il y a de multiples vies dans les gares.Des multitudes.De la détresse et la mort des miséreux à l'opulence dérangeante de qui prend les ruineux tgv.L'injustice et l inégalité règnent en maîtres d'une jungle .

Emmanuel Mousset a dit…

Une jungle, c'est quand même autre chose qu'une gare. Incomparable !