vendredi 28 avril 2017

Humanisme ou barbarie



Dans cette campagne du second tour, chaque jour apporte sa part de vérité. Hier, Le Pen, attifée d'un ciré jaune, nous a menés en bateau, avec Gilbert Collard à la barre, en faux capitaine Haddock. La scène était grotesque. Le Pen riait, riait, riait. Plus l'échéance approche, plus elle rit. Mais de qui, de quoi ? Rire nerveux, peut-être. Ou bien n'a-t-elle plus rien d'autre à dire qu'à rire ? Moi, ce rire me fait peur.

Macron, c'est l'inverse : très souriant il y a quelques temps, son visage se creuse, devient plus grave, gagne en retenue. Hier, il nous a conduits à Sarcelles, pour jouer au foot avec des jeunes. C'était spontané, joyeux. En bien des coins de France, Le Pen n'est pas la bienvenue, elle ne s'y risque pas. Macron est partout chez lui. Tout le monde, de bonne volonté, quelle que soit sa sensibilité, y compris critique, peut se retrouver en lui. Le Pen, non : elle suscite le rejet, et même le dégoût d'une grande majorité.

Hier soir, Macron était l'invité de l'émission politique de TF1-LCI, deux jours après Le Pen. Des deux candidats, il n'y a plus grand-chose à apprendre ni à attendre : le républicain et le progressiste d'un côté, la nationaliste et la xénophobe de l'autre, voilà le choix. Et un troisième, celui de la lâcheté : l'abstention ou le vote blanc. J'ai tout de même regardé, dans les deux cas, jusqu'au bout. Il y a toujours, dans une émission en direct, un moment de vérité, qui ne dure parfois que quelques secondes. Quand on a demandé à Le Pen ce qu'elle admirait chez son adversaire, elle a répondu :"rien". Quand la même question a été posée à Macron, il a répondu : "la détermination". Et il a ajouté (je cite de mémoire) : il faut admirer en chacun sa part d'humanité, y compris chez son ennemi. Quelques mots départagent beaucoup plus qu'un volumineux programme : Macron est un humaniste, Le Pen ne l'est pas. D'une part l'homme qui sait admirer, de l'autre la femme qui ne sait pas.

Hier soir, d'autres images nous ont interpellés : ces lycéens manifestant derrière le slogan "Ni Marine ni Macron", "Ni patrie ni patron". Il y a quinze ans, la jeunesse déferlait dans les rues pour "faire barrage à Le Pen" en votant Chirac au second tour de la présidentielle. "La jeunesse emmerde le Front national" : c'était le slogan. Comme nous sommes loin de cette époque pourtant si proche ! Le vote Chirac était-il alors plus facile que le vote Macron ? Ce renvoi dos à dos, dans le même sac, de l'extrême droite et du centre gauche a quelque chose de barbare, d'effrayant.

Je pense aux années 20, un siècle bientôt, où le PCF révolutionnaire rejetait à la fois Blum et Hitler, les socialistes et les nazis. C'était la stratégie "classe contre classe", avant que les communistes ne comprennent, dans les années 30, avec le Front populaire, qu'il valait mieux adopter la stratégie du "front de classe", c'est-à-dire l'union des forces républicaines et progressistes. Nous ne sommes plus du tout dans le même contexte, mais l'esprit de défaitisme, la perte des nuances et des repères sont exactement les mêmes. J'ai toujours pensé qu'on ne pouvait faire de la politique qu'en faisant aussi de l'histoire.

Il y en a un qui semble avoir retenu les leçons de l'histoire, c'est Xavier Bertrand : non seulement en appelant à voter pour Macron, parce que Le Pen c'est le pire, mais en demandant à Sarkozy et à son parti de s'impliquer plus clairement dans ce sens. Il faut dire que le président des Hauts-de-France est bien placé, dans l'assemblée régionale, pour voir la réalité du Front national. A l'inverse, et paradoxalement, Martine Aubry ne prend position que du bout des lèvres, comme si le nom de Macron lui arrachait la gueule.

Ne parlons même pas de Mélenchon : son silence coupable, consternant, irresponsable trahit l'homme : un batteur d'estrade, pas un politique digne de ce nom. En se montrant mauvais perdant, il a perdu en une soirée toute crédibilité, il a gâché ce qui était pourtant, avec son score, un beau succès. Au lieu de faire prospérer son résultat en vue des élections législatives, il le détruit, il rompt avec la tradition de désistement républicain. S'il se rattrape, ce sera trop tard, le mal aura été fait. Pourquoi ce naufrage ? Parce que cet homme ne pense qu'à lui, n'écoute que lui, ne croit qu'en lui. C'est du césarisme en bonnet phrygien, pas de l'humanisme.

11 commentaires:

Philippe a dit…

Entre la barbarie du FN dont certains crétins émettent des doutes sur les génocides de 33/45 et la barbarie des admirateurs des traders qui sans états d'âme jettent des familles dans la misère ...
on peut choisir l'abstention et attendre à court terme les luttes sociales pour s'opposer ...
On peut attendre le moyen terme car "en marche" va accèlérer le basculement vers les extrêmes.
Un article sur le sujet :
http://premium.lefigaro.fr/vox/politique/2017/04/26/31001-20170426ARTFIG00356-guilluy-l-homme-qui-avait-tout-vu.php

Emmanuel Mousset a dit…

Vous et moi n'avons pas la même conception de ce qu'on appelle la "barbarie".

Erwan Blesbois a dit…

On peut aussi remonter plus loin dans l'histoire, lorsque les républicains progressistes de la Révolution françaises ont massacré les Vendéens barbares et catholiques. Non, soyons sérieux, nous ne sommes plus à l'époque de la Révolution française ni dans les années 30. La situation qui se présente est absolument inédite, avec d'un côté le représentant du libéralisme dérégulé, et de l'autre la représentante de sa conséquence, la misère qui appelle la haine. Il est évident que Macron est plus du côté de la raison, mais une raison froide et prédatrice, un simple calcul, ce qu'est devenue la "raison" avec le progrès, et qui n'a plus rien à voir avec la raison généreuse des philosophes des lumières, tels que Rousseau ou Diderot. Et d'un autre côté, Le Pen est du côté de la passion : colère, lyrisme et peut-être surtout chez ses admirateurs, haine sous-jacente.
Devant cette absence de choix entre un désastre annoncé et la cause de ce désastre, cette cause étant le libéralisme dérégulé, sauvage et mondialisé, il n'y a qu'un seul choix comme le laisse entendre à juste titre Mélenchon, sans d'ailleurs le spécifier explicitement : l'abstention. Et il s'agira de récupérer les voix pour Mélenchon au moment des législatives, pour faire pression sur la politique annoncée de casse sociale du président Macron, en vue nous dit ce dernier de libérer le marché de ses entraves, et de s'adapter à la mondialisation.
Quant à Hamon ce n'est qu'un benêt ou un idiot utile instrumentalisé par le PS pour faire barrage à Mélenchon. Car entre le nazisme et le partage des richesses, pour en revenir aux années 30, le grand capital a toujours fait le choix du nazisme, ne serait-ce qu'aujourd'hui pour le brandir comme un épouvantail au deuxième tour, pour étouffer dans l'œuf toute alternative humaniste à la logique froide, implacable et calculatrice du libéralisme dérégulé représenté par Macron, et qui se joue du sort des Hommes en chair et en os. Le grand capital n'a cédé et consenti au partage qu'au moment des trente glorieuses, car après qu'il se fut compromis avec l'occupant nazi, il y eu pression sur lui et cela déboucha sur une parenthèse enchantée qui culmina avec mai 68. Une période de bonheur rarement atteinte dans l'histoire humaine, mais le libéralisme est retombé dans ses excès : le calcul, l'appât du gain et rien d'autre. D'autant plus qu'avec la chute de la religion catholique, le plus pur matérialisme a désormais étouffé toute spiritualité en France et dans les pays occidentaux en général, et qu'une nouvelle spiritualité venue d'Islam, semble éclore dans la violence notamment mais pas seulement, sur des terres jusqu'ici chrétiennes, mais que depuis un peu plus de 1500 ans finalement, car avant en Europe il y eu les paganisme celtes, germains et gréco-latins pendant des siècles. Et là il s'agit de bien comprendre l'œuvre de Houellebecq, "soumission", comme une œuvre magistrale, qui semble dans son timing absolument impeccable, avoir tout déclenché, alors que les œuvres d'art ne sont pour rien dans la folie des hommes.
Quant à ton cas, on a bien compris que pour toi l'autoritaire et calculateur Xavier Bertrand est devenu un objet d'admiration, et sans doute un allié objectif dans tes luttes futures.

Arthur a dit…

Cet aigre-douce ironie que de parler des "traders" et de "capitalisme" en France. Ces puritains qui identifient Macron avec le libéralisme outrancier et sans règles, parlent dans un un pays où les prélèvements sociaux atteignent 37%. De quoi rire longuement si la situation n'était pas dramatique !

Philippe a dit…

Trouver normal que d'autres et leurs enfants soient dans l'insécurité économique peut en effet être considéré comme constituant une posture barbare.
Cette insécurité est l’une des causes à l’origine des massacres que les humains ont la triste habitude de s’infliger très régulièrement les uns aux autres.

Esteban Palacios a dit…

Camarades, face à ce qui se passe dans les élections françaises je partage avec vous, de loin et sans doute avec un regard différent, ce que je pense.
Surtout il ne faut jamais tomber dans le piège médiatique du pouvoir qui, ayant peur de l´avancée de notre marche, essaye de discréditer notre lutte et surtout de nous diviser. Ne débattons pas dans leurs termes, définissons les nôtres, et menons ce combat en unité.
Nous avons été depuis des années le rempart contre l´extrême droite. Depuis les rues (dans les manifestations anti-fascistes, dans les réseaux de défense des migrants...moi même j´ai dû changer d´appartement suite a des menaces des fachos) jusque dans les urnes (rappellez vous de JLM allant contre MLP a Henin-Beaumont).
Partout, notre combat a été avant tout celui là et personnes pourra réécrire cette histoire tant qu´on sera là pour la faire vivre.
Ceux qui nourrissent la bête immonde c´est eux, les médias qui pour vendre du temps de cerveau disponible se nourrissent de la haine pour nous vendre du show politique, en piétinant l´héritage universel de la grande Révolution et plus de deux cent ans de lutte sociale pour construire un monde où tous le mondes aient leur place.
Ceux qui nourrissent la bête immonde, c´est surtout eux, les néolibéraux qui défendent les portefeuilles des 1% qui affament le reste du monde et détruisent notre planète, sachant que leur argent ainsi gagné leur permettra faire face, eux pas le autres, au changement climatique.
Alors ne vous laissez pas diviser par leur fausse morale, la peuple doit être uni, et la démocratie et la lutte sociale ne doit pas être enfermée uniquement dans cet horizon électoral sans horizon social qui nous offre le second tour.
Ne les laissez pas utiliser nos différences stratégiques du vote contre le FN, car c´est de cela qu´il s´agit que personne ne doute de cela, que ce soit vote nul ou blanc, abstention ou pour Macron... Nous sommes dans le même camp!
Le danger en cet instant ne sont pas ceux qui voteront nul, blanc ou s´abstiendront au deuxième tour, pour ne plus nourrir le système qui engendre la force du FN, ce ne sont pas ceux qui voteront Macron pour éviter LePen qu´il faut convaincre. Notre tâche et de montrer le nouvel horizon que nous cherchons a construire. Ne les laissez pas nous diviser.
Alors menez votre stratégie jusqu´au bout, votez en pleine conviction de ce que vous avez choisi comme la meilleure façon de lutter contre le FN, mais en ayant la cohérence de défendre ceux de notre camp contre ceux qui oppriment le peuple, il n´y a que ce débat là qui doit marquer nos différences.
Ce n´est pas le moment de nous diviser autour du problème qu´ILS ont produit, mais de nous unir pour construire la véritable alternative au lendemain du 2eme tour.
Ayons le courage et la patiente de regarde au dela des deux prochaines semaines et d´être a la hauteur de la tâche historique qui nous attend, car elle est encore longue et a besoin de notre unité.

Erwan Blesbois a dit…

@ Arthur
Les puritains ce sont les libéraux prédateurs, qui veulent toujours se goinfrer plus et n'envisagent aucun partage. Il y a un lien entre l'éthique du protestantisme, l'éthique du capitalisme et le libéralisme économique. Effectivement au même titre que la discipline philosophique telle qu'elle se pratique aujourd'hui par le biais de maîtres comme Emmanuel Mousset, l'enrichissement personnel est une ascèse qui va à l'encontre de la spontanéité naturelle de l'être humain. Ce qui est tragique n'est pas un problème de fric, Arthur, ce à quoi les gens de votre trempe ramènent tout, ce qui est tragique aujourd'hui c'est le comportement humain au sein de la société, qui n'a plus rien d'humain. Ce que ne cesse dénoncer à juste titre Mélenchon, qui fait ainsi preuve d'humanisme. On a les maîtres qu'on mérite, pour Emmanuel Mousset c'est désormais Xavier Bertrand, pour lequel il a depuis toujours une admiration secrète, pour moi ce serait plutôt les idées de Mélenchon, qui vont dans la bonne direction, par delà la personne. Utopie contre froid réalisme et calcul de son intérêt, je sais je suis un naïf !

Anonyme a dit…

Dans cette élection beaucoup de candidats voulaient ou veulent donner plus à leurs concitoyens. Mais pour partager il faut avoir quelque chose à partager. Mélenchon et maintenant Le Pen feront fuir les entrepreneurs. Il faut d'abord enrichir la France avant de se partager les dividendes. Je crois que c'est le projet de Macron mais c'est peu audible auprès des électeurs, difficile à admettre et pourtant c'est un passage obligé. On entend Macron c'est la finance, ben oui mais pour la bonne cause. dans une famille si l'on veut donner plus a ses enfants, il faut que les parents s'investissent plus. heureusement que Macron s'y connait en finance internationale c'est plutôt rassurant!

Arthur a dit…

"Quelle conscience de gauche peut accepter de compter sur le voisin pour sauvegarder l’essentiel parce que l’effort lui paraît indigne de soi ?" Jean-Luc Mélenchon, en 2002

Erwan Blesbois a dit…

@ Anonyme 19:11
Rien à foutre du matérialisme. La renaissance sera spirituelle ou ne sera pas et demande impérativement que l'on pense moins au fric, sinon l'humanité s'éteindra dans cent ans sous le poids des catastrophes écologiques. A mon modeste échelon je suis favorable à une renaissance spirituelle du catholicisme, au moins à l'échelle de la Bretagne. Il faut rétablir de la gratuité dans les rapports humains en lieu et place du calcul égoïste, ce qui aujourd'hui nous tue.
Je sais que mes idées sur la religion sont certainement peu compatibles avec celles de l'extrême gauche de Mélenchon, mais il est le seul dans l'échiquier politique à rétablir de l'utopie dans le débat en lieu et place du calcul. De plus il y a un lien spirituel très fort entre ces deux types de messianisme que constituent le communisme et le catholicisme, alors qu'ils semblent en tout point opposés : ils rétablissent de l'utopie, de l'espérance et de la gratuité dans les rapports humains. Maintenant d'un point de vue réaliste et suivant les prédictions du "mage" Houellebecq, cette renaissance spirituelle se fera certainement en France par le biais de la religion musulmane : l'idéologie ne peut rien contre la réalité. La terre de France ne fut que relativement récemment convertie au christianisme, elle peut très bien changer de sensibilité religieuse : de toute façon, nos gouvernants libéraux s'en foutent royalement, car ils sont dans le calcul et ne pensent qu'au fric, que la spiritualité dominante soit chrétienne ou musulmane, ils s'en fichent comme d'une guigne, du moment qu'ils se fassent du fric et aident leurs soutiens à en gagner toujours plus. Ils sont déterritorialisé, et vivent dans le monde virtuel que confère l'argent, dans un vœu de toute puissance matérielle et d'immortalité.
D'un point de vue religieux aujourd'hui il n'y a plus une religion qui ait l'hégémonie en France, et comme la religion vient du cœur et non de la raison, on ne peut pas obliger les gens à conserver leurs traditions, si ils ne sont motivés que par des considération purement matérielles, pour ce qui est des Occidentaux d'origine chrétienne. Et on ne peut pas obliger ceux qui veulent les conserver comme les musulmans, à ne pas les conserver.

Albert a dit…

Si Dupont truc chouette veut aller à la soupe chez MLP, comme disait un certain Chichi " ça m'en touche une sans faire bouger l'autre" ! Dupont Fainéant à fait perdre la Droite et FILLON, il ne fera pas plus gagner la Marine (marchande de soupe) et au final son Mouvement Debout la France prendra du gîte avant de sombrer ! Tu parles d'un turbin !. Premier Sinistre de MLP ?... Ben dites donc pour un Parti qui se prépare paraît t'il à gouverner avec des jeunes et des nouveaux, c'est pas gagné ! DA le renouveau ! Wouaich ! Un peu comme le Gourou illuminé qui renouvelle la politique avec Bayrou, Robert Hue, Villepin et Raffarin et les vieilles recettes de Hollande ! Laissez moi rigoler ! Une finale d'amateurs et de bateleurs de foire électorale, rien d'autre ! Ah il est beau le renouveau. Pseudo changement d'herbage ne réjouit que les veaux... Et les niais ! Ce ne sera pas le second tour mais la semaine du Blanc ! NI NI !. Le Club des Vieux recyclés...