mardi 15 mars 2016

La gauche au second tour



Le pire dans l'élection législative partielle à Saint-Quentin, c'est, après l'élimination de la gauche dès le premier tour, son absence d'influence au second tour. Au moins, lors des régionales, nous pouvions peser pour que l'emporte la droite républicaine contre l'extrême droite. Un second rôle reste un rôle. Mais là, dimanche prochain, tout se jouera exclusivement entre le FN et le candidat de la droite. La gauche ne sera même pas en position d'arbitre. Au sens littéral du terme, elle n'existe plus.

Ce constat n'empêche pas d'agir et d'espérer. On peut être mort et vouloir, de toutes ses forces, ressusciter. Le pire du pire, ce serait d'accepter cet état de fait, considérer que la messe est dite depuis dimanche soir, qu'il n'y a plus rien à voir et à faire, et laisser le second tour se dérouler sans nous. La pire situation pour un parti politique, c'est d'être le spectateur d'une histoire qui se fait sans lui. Il ne tient qu'à nous de le refuser. La gauche, en un sens, doit encore être présente au second tour, même si elle n'a plus aucun candidat. Mais comment ?

D'abord, un parti politique prend toujours ses responsabilités, c'est-à-dire qu'il donne des consignes de vote. Nous avons un électorat : pas question de le laisser en déshérence, livré à lui-même ; pas question de jouer les hypocrites ou les indécis, en prétextant que les électeurs sont libres de leurs suffrages (personne ne le conteste). Un parti donne toujours une analyse et un cap.

Ensuite, dimanche prochain, nous irons voter, parce que nous sommes des électeurs, des citoyens et des républicains, que l'abstention est une forme de démission, qui nous révulse. Cette abstention a suffisamment été forte au premier tour pour que nous n'augmentions pas son score au second. Par cette double volonté, devoir du parti (donner des consignes de vote) et devoir du citoyen engagé (aller voter), la gauche sera présente dans le scrutin de dimanche prochain. Sinon, elle sera encore plus morte qu'elle ne l'est déjà.

Mais nous voterons pour qui ? C'est très simple : depuis 2002, le Parti socialiste défend un principe, renouvelé et renouvelable à chaque élection, qu'on peut appeler "front républicain". Partout où l'extrême droite est confrontée à un candidat républicain, c'est pour ce dernier que votent les républicains. Ce principe est intangible, ne souffre aucune exception. C'est un point d'idéologie, pas d'électoralisme : tout plutôt que les fachos, je n'en démords pas. La politique ne se fait pas à la carte, comme je l'ai déjà dit hier : quand on est socialiste, le soutien au gouvernement ne se mégotte pas ; quand on est républicain, le rejet de l'extrême droite ne dépend d'aucune condition. C'est pourquoi, dimanche, je voterai sans hésitation pour Julien Dive, et je vous invite à faire de même.

Mais n'est-ce pas désagréable, quand on est de gauche, de voter pour la droite ? Non, parce que la politique n'est pas une question d'état d'âme, d'humeur ou de plaisir personnel : seules comptent les convictions et leur application, en l'occurrence la primauté de la République sur toute autre préférence ou indifférence. Et puis, c'est à la gauche elle-même de se rendre suffisamment agréable pour qu'on vote pour elle et qu'elle accède au second tour, comme ce devrait être normal si la situation était chez nous normale.

Mais Julien Dive lui-même, aux dernières cantonales, ne s'est-il pas maintenu contre le candidat socialiste ? Oui, et alors ? Ce n'est pas parce que quelqu'un agit mal que je dois à mon tour agir mal. Je sais pertinemment que le "front républicain" est un principe de gauche défendu par quelques hommes de droite, dont Julien Dive ne fait pas partie. Mais c'est son problème à lui, pas le mien, pas le nôtre. Mon unique problème pour dimanche soir, c'est que la gauche soit présente dans les urnes malgré sa défaite, par son vote, et que l'extrême droite fasse le plus bas score possible. Tout le reste n'est pas de la politique.

Mais n'ai-je pas écrit, en début de billet, que la droite pouvait l'emporter sans le concours de la gauche ? Oui, c'est vrai, je continue à le penser. Mais ça n'enlève rien à ma réflexion et à mon choix. D'abord, rien n'est jamais certain en politique et dans un scrutin. Il faut toujours se méfier. Mais surtout, voter blanc ou s'abstenir, c'est renforcer mécaniquement le score du FN. La gauche n'a rien à gagner, surtout à Saint-Quentin, d'un FN fort (et qui l'est hélas déjà). Il faut tout faire pour réduire son audience, il faut donc voter pour le candidat républicain. Après, il sera temps de reconstruire la gauche, si celle-ci le veut bien.

4 commentaires:

Maxime a dit…

Vous confondez encore République et démocratie..

E a dit…

Vous avez de bonnes lectures : à la suite d'avoir été frappé à la joue droite, tendre la seconde pour être frappé pareillement...
Mais dans les évangiles, il est aussi écrit de rendre à César ce qui lui revient.
Dive s'est opposé à la gauche claiement, il n'y a aucune raison, surtout dans le cas de configuration saint-quentinois, de le rejoindre quand on se sent de gauche.
Qu'il soit élu, c'est un fait, mais avec le moins de voix possible !

Anonyme a dit…

Très drôle "on peut être mort et vouloir ressusciter de toutes ses forces" parce que, quand on est mort c'est fini pour toujours! A moins d'être moribond ! Comme le Parti radical de la II et IV è République et le PCF qui s contentent de survivre. Le P"S" comme tous les autres parti est mortel mais peut survivre, végéter longtemps. Vous allez donc, comme je vous l'ai déjà dit, voter à droite pour au moins une seconde fois mais je pense que cela ne sera pas la dernière et loin de là tant que votre parti fera une politique si éloignée des attentes de ses électeurs. Telle est le vraie et seule cause de vos échecs électoraux. Vos amis "socialistes" Valls et Macron ont oublié cette maxime politique de François Mitterrand : dans un premier tour on rassemble son camp, le PS et toute la gauche, (ils font tout le contraire : ils divisent le PS et toute la gauche comme rarement) puis pour le second tour on peut s'élargir à des voix et électorat centriste. Vos amis font l'inverse et adoptent donc une stratégie perdante. Cette maxime reste toujours valable, ne vous en déplaise, Valls et Macron n'ont pas de vraie assise électorale auprès du peuple de gauche mais aussi dans le PS, comme vous localement. Je vous défie de me prouver le contraire. Je vous invite aussi à méditer sur la déroute de la gauche allemande au travers des 3élections régionales ce dimanche dernier.

Erwan Blesbois a dit…

Quand est-ce que la gauche prendra en considération la question de l'autorité, et ne laissera-t-elle plus l'extrême droite s'emparer de ce thème, pour gagner des voix ? Les enseignants français en "acceptant" de gagner si peu ne rendent pas service à leurs élèves, car ils ne représentent pour eux aucun modèle mais de plus en plus un repoussoir, comme le sont déjà les curés par leur statut. Il faut savoir qu'un prof des écoles allemand gagne plus qu'un agrégé français.
C'est l'avenir de la nation, et la question capitale de l'éducation des enfants qui est en jeu. La perte de l'autorité dans les classes, révèle un phénomène nouveau, le suicide des collégiens ou des enfants, cela vient d'arriver dans le collège de ma femme, où une môme de quatrième s'est donnée la mort à Redon, hier. Avant cela n'arrivait pas. Je pense que si les enseignants étaient mieux respectés, cela ne serait pas arrivé. Ce n'est pas qu'une question d'argent, c'est avant tout une question d'autorité, les enfants sont laissés entres pairs, sans autorité asymétrique. Ce qu'est par définition toute autorité, asymétrique, notion rejetée aujourd'hui par toute la société, au nom de l'"épanouissement de l'enfant". Il n'y a pas en réalité de réciprocité entre ce que représente le maître et le statut d'élève, dans une conception du rétablissement de l'autorité à l'école, or les parents et les élèves n'acceptent plus ça ; l'autorité, qui n'est pas l'autoritarisme (cf "entre les murs", Laurent Cantet)
Il ne s'agit pas que de moi et de ma petite personne, il s'agit de la question de l'autorité, et là je ne rigole plus . Ma femme connaissait un peu cette élève, elle était pleine de vie, gentille et très bonne élève. Elle s'est donné la mort certainement pour un motif futile. Comment une société peut-elle accepter ça, en faisant de ses enseignants des bouffons qui font rire tout le monde par leur statut social dérisoire ?
L'autorité que représente la médecine n'est pas encore remise en cause, mais elle est remise en cause pour l'enseignement, particulièrement en France. Sans autorité un gamin a moins de repères (cf Hannah Arendt, "la crise de la culture"), et cela laisse la place à des actes extrêmes comme le suicide, phénomène nouveau que le suicide des gamins. Tous les psys constatent l'apparition de ce phénomène nouveau, lié à la crise de la culture et de l'autorité.