vendredi 4 mars 2016

Syndicats et partis



Les organisations syndicales se sont réunies hier pour préparer leur réponse et leur riposte au projet de loi en cours sur la réforme du Code du travail. Même si je suis favorable à ce texte, je ne conteste pas l'attitude des syndicats, qui remplissent tout simplement leur rôle, qui est de défendre les intérêts des salariés. C'est une tâche professionnelle, corporative si l'on veut, et pas strictement politique.

Un parti, c'est autre chose : il travaille pour l'intérêt général de toute la population, alors qu'un syndicat s'inscrit dans une démarche particulière, catégorielle, parfois individuelle. Le gouvernement, avec la loi dite El Khomri, a pour objectif de favoriser la création d'emplois sur le moyen et le long terme, par un assouplissement des règles d'embauche. Ce n'est évidemment pas le but d'un syndicat, qui lutte pour préserver ce qui existe, dans l'intérêt immédiat et direct des salariés. Les finalités et les temporalités d'un parti et d'un syndicat ne sont pas les mêmes. Les manifestations prévues ne me choquent donc pas. En République, elles sont dans l'ordre des choses, chacun réagissant dans la logique qui est la sienne, syndicat ou parti.

Je remarque aussi que la rencontre d'hier a confirmé, une fois de plus, l'existence de deux types de syndicalisme : l'un qui est réformiste, dans lequel je me reconnais, l'autre qui est de lutte de classes. Le premier privilégie la négociation et les contre-propositions (c'est ce qu'on fait hier la CFDT et l'UNSA, notamment), le second penche plutôt pour la confrontation, le rapport de forces, le mot d'ordre de retrait (c'est le cas de la CGT, de la FSU, de SUD et, depuis 1995, de FO, anciennement réformiste). Ces deux types de syndicalisme, nonobstant ma préférence, ont leur parfaite légitimité. Il est même heureux, pour la démocratie, que les salariés aient ce choix possible dans notre tradition nationale.

Notre histoire sociale doit beaucoup à la charte d'Amiens, qui établit l'indépendance des syndicats à l'égard des partis politiques, du gouvernement, de l'Etat. C'est un bien auquel je tiens, même s'il a rendu impossible en France l'existence d'une véritable social-démocratie, où syndicats et partis sont fortement liés, comme dans plusieurs pays d'Europe. Chez nous, un syndicaliste peut bien sûr avoir un engagement politique, mais il ne doit pas faire de politique dans l'exercice de son mandat. Inversement, et on oublie trop souvent la réciproque, un politique n'a pas à être le porteur de revendications syndicales, qui ne sont pas de son ressort (même s'il doit écouter les syndicats et négocier avec eux). C'est cette distinction des rôles qui est remise en cause dans l'actuel mouvement de protestation contre la réforme.

Autant je ne critique pas les syndicats d'agir comme bon ils l'entendent, autant je condamne les hommes politiques qui ne respectent pas le rythme parlementaire ou qui, pire, adopte une attitude de rejet d'un projet issu d'un gouvernement qu'ils sont censés, en tant que socialistes, soutenir (voir le billet de mardi, Atteinte à la démocratie). Que ce soutien attendu soit critique, partagé, comme l'est celui du premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis, n'a rien en soi de choquant : ce projet de loi est fait pour être discuté, discutons-le. Mais quand on exige son retrait, c'est qu'on refuse la discussion. Que le MJS, Mouvement des Jeunes Socialistes, se prépare à participer aux manifestations contre une mesure essentielle du gouvernement socialiste est proprement hallucinant. Certains me diront que la jeunesse est une excuse. Je ne crois pas.

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