dimanche 25 janvier 2015

Ecoutez José Artur



Après Jacques Chancel il y a un mois, José Artur hier matin : décidément, c'est toute mon adolescence qui s'en va par petits bouts ces temps-ci (et je ne parle même pas de l'équipe de Charlie !). Le Pop Club, ce sont d'abord des souvenirs d'internat, au fin fond des Pyrénées chères à Chancel : sous les draps, en fin de soirée, j'écoutais clandestinement France-Inter (il n'était pas alors tout à fait interdit d'interdire), grâce à un écouteur, qui à l'époque ne ressemblait pas aux casques d'aviateur de nos actuels adolescents, mais à un haricot blanc au bout d'un fil. Devenu étudiant à Paris, je quittais la bibliothèque de Beaubourg pas trop tard, pour ne pas rater l'émission, je coupais la rue Quincampoix où José Artur avait installé son studio (nous étions en 1979-1980). Avant ou après, il a été hébergé au célèbre Fouquet's, sur les Champs-Elysées.

Le Pop Club, c'était déjà ça, le bon air intellectuel et artiste de Paris qui soufflait jusqu'au trou du cul de la province (le parisianisme, comme l'appellent les péquenots). Entendre des gens intelligents, inattendus, drôles, inconnus, ça repose des tristes et des imbéciles. Le Pop Club, c'était surtout un générique marrant qui chantait le nom de l'animateur: Artur disait qu'il était le seul sur terre après le président Mao à se voir ainsi louangé. Mais le Pop Club, c'était surtout un ton ironique, caustique, irrévérencieux devant les vedettes et autres célébrités, qui m'a tellement marqué que je suis devenu aujourd'hui incapable d'aucune déférence ou d'imbécile respect. José Artur, avec son persiflage et ses aphorismes cinglants, donnait envie de tuer avec des mots (il n'est pas le seul pousse-au-crime doté de cette arme-là). C'était le Voltaire du micro. Il me reste en tête cette rime du générique, interprété par Pierre Perret : "des mots trempés dans le cyanure, écoutez José Artur".

Artur rimait aussi avec culture. Il savait beaucoup de choses, avait des références, pouvait contrer ou déstabiliser ses invités. Pour moi, c'était le prolongement de mon éducation, le complément de l'école et du catéchisme. Les animateurs d'aujourd'hui sont dans la blagounette et la polémique. Il faut dire que la radio de nuit est un genre spécial qui autorise les transgressions. J'imaginais un salon chic, confortable, comme au XVIIIe siècle, où José Artur pouvait envoyer ses savantes vacheries. A certains moments, il engueulait même le public trop bruyant (plus de problème aujourd'hui : ils rient bêtement ou applaudissent comme des cons, à la demande). Chancel, Artur, c'est la fin des dinosaures et des haricots (mon petit écouteur blanc), les derniers représentants d'une génération de journalistes et d'animateurs marqués par la culture classique, et pour cette raison très modernes. A la place, nous subissons Arthur (rien à voir avec José) et Cyrille Hanouna. J'ai vécu une adolescence où nous rêvions d'être adultes en écoutant Chancel et Artur ; nous sommes maintenant entourés d'adultes qui jouent aux adolescents (je crois qu'on appelle ça les adulescents). Heureusement, il nous reste encore Ivan Levaï et Bernard Pivot. Mais pour combien de temps ?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous pourrez toujours vous rabattre sur Michel Drucker que vous devez adorer à n'en pas douter. Mais dépêchez vous quand même.

Emmanuel Mousset a dit…

Non, je n'aime pas trop ce que fait Drucker : trop classique, trop conventionnel, trop révérencieux. Mais je reconnais que c'est un grand professionnel, à l'incroyable vertu d'avoir su durer. Surtout, je lui sais gré d'avoir invité Jean Ferrat, lorsque celui-ci était censuré partout ailleurs.

Anonyme a dit…

Un point commun entre DRUCKER et CHANCEL , le vélo .. Ce sport , mais surtout ce véhicule symbole de liberté, d'effort aussi mais de découverte et de randonnée ... O, est bien loin des drames actuels dans une FRANCE apaisée et romantique ...

Erwan Blesbois a dit…


Même toi tu l'admets, c'était mieux avant ! On ne peut pas faire pire que le monde où nous vivons. Il faut vraiment être un idéologue borné qui vit soit dans une autre époque, soit qui a un intérêt dans ce monde-ci (la plupart des penseurs et des intellectuels de notre époque sont partie prenante de ce système ; donc pas de critique) pour ne pas le voir.
Au niveau de l’environnement : pas la peine de vous faire un dessin, si rien ne change rapidement nous allons purement et simplement vers notre autodestruction ; pollution, surpopulation, guerres, famines. Pour l’instant une majorité de la population de la planète vit dans des conditions absolument effroyables. Mais nous Européens sommes encore un peu préservés, donc nous ne faisons rien. Jusqu’à ce qu’un centrale nucléaire pète en France, et alors il y aura un exode massif hors du territoire.

Avant il y avait moins de souffrance parce qu’il y avait moins de gens. 500 millions de gens qui souffrent c’est toujours mieux que 7 milliards de gens qui souffrent et ce n’est pas fini ; la population va continuer à augmenter, jusqu’à ce qu’il y ait une catastrophe nucléaire ou guerre ou famine ou épidémie qui provoque des millions, voire des milliards de morts

Ensuite nous pensons vivre en démocratie. Mais pensez-vous que les nantis de notre système soient plus humains que les nobles de l’ancien régime. Le « vilain » d’aujourd’hui c’est l’homme de la classe moyenne, corvéable et exploitable à merci pour que les nantis s’en mettent toujours plus dans les poches.

Alors que la richesse augmente puisqu’il y a croissance, on assiste à l’appauvrissement de la classe moyenne. Cherchez l’erreur ? Il faut bien que des gens profitent de ce système. Donc il y en a qui s’enrichissent forcément de manière immodérée. Donc de ce point de vue c’était mieux avant, quand il y avait une meilleure répartition des richesses. Jusqu’à ce que Reagan et Thatcher et toute la clique d'extrémistes libéraux qu'il y avait derrière, viennent tout déréguler ; leur objectif la destruction de la classe moyenne ? Pourquoi ? Je ne sais pas.

Ensuite les développements de la technique mettent de plus en plus de gens à la rue, les machines pouvant avantageusement les remplacer. Et cette même technique impose pour les gens qui ont gardé leur emploi des cadences de plus en plus infernales, sous prétexte de compétitivité et qui poussent les plus fragiles au suicide et rend les femmes "hystérisées" (non pas hystériques comme au temps de Freud), une femme "hystérisée", c'est une femme en constant "burn out" plus ou moins "borderline", ce que produit notre modernité. Cette même technique rend le monde plus laid et impose à l’ensemble de la population une cadence infernale qui l’empêche d’être créative. Effectivement la création suppose le temps de la méditation, or ce dernier existe de moins en moins. Donc il y a de moins en moins de création, de penseurs originaux capables de réfléchir sur cette décadence. Comparons les années 60-70, si riches en intellectuels et artistes de tout genre, dénonciateurs du système, encore pleins d’espoir en un monde meilleur, à aujourd’hui ; un désert intellectuel et moral remplis de cynisme et de désespoir, avec tout un tas de penseurs complaisants et défenseurs du système, sous prétexte de ne pas tomber dans la théorie du complot. Elle a bon dos la théorie du complot ! Toute critique étant assimilée à une forme de paranoïa ou de révisionnisme de l’ordre établi. Chacun devant sa télé, impuissant ! Sauf quelques exceptions !