samedi 17 juin 2017

Sans haine, sans violence et sans arme



L'agression dont a été victime il y a deux jours Nathalie Kosciuzko-Morizet est assez banale. Quand on est une vedette, on s'attire ce genre de violence. Distribuer sur un marché, c'est se mettre à la merci de centaines d'anonymes, et parmi eux, un coup peut vite partir. Un simple militant en fait l'expérience très ordinaire, dans n'importe quel lieu public d'une ville tranquille : remarque désagréable, insulte, tract pris puis ostensiblement jeté devant vous ... Le passage à l'acte, le geste violent sont plus rares. NKM n'a d'ailleurs pas été directement frappée : l'agresseur l'a attaquée verbalement, s'est emparé de ses brochures électorales, les a jetées, il y a eu bousculade, à la suite de quoi la femme politique est tombée et s'est évanouie.

Incontestablement, les réactions politiques ont été sur-jouées, la dimension médiatique a été démesurée, allant jusqu'à la publication indécente et inutile de la photo de la victime à terre. Mais c'est tant mieux aussi : par cette exagération, par cette sensibilité outrée, par cette indignation un peu surfaite, notre société fait la démonstration qu'elle ne supporte aucune violence. Qui pourrait se plaindre d'un tel progrès ? Quand on se souvient de ce qu'était la politique autrefois (et il n'est pas besoin de remonter très loin), la différence est flagrante : on en venait très vite aux mains et la violence verbale était inouïe. Vu d'aujourd'hui, c'était énormément "choquant", pour reprendre un des mots favoris de notre époque.

Ce qui est arrivé à NKM, c'est ce qu'on peut appeler les risques du métier. Ils ne disparaitront jamais complètement, malgré ce zéro défaut qui est aussi une aspiration de notre époque. Le pouvoir provoquera toujours la haine, le vedettariat entrainera toujours des sentiments irrationnels, sachant que l'un et l'autre compensent largement par la soumission et l'admiration que respectivement ils suscitent.

Avec l'élection d'Emmanuel Macron, nous sommes passés à un degré supérieur dans la civilisation de ce monde sauvage qu'est la politique. Durant la campagne, le candidat s'est battu sur ses propres idées et s'est abstenu de s'en prendre à ses adversaires. Dans ses meetings, il a demandé au public de ne pas huer ses concurrents, attitude totalement nouvelle. Macron a fait de la bienveillance la vertu cardinale de sa démarche, en politique où sévissent habituellement la malveillance, la haine et la mauvaise foi. Il a réussi le tour de force de réconcilier la droite et la gauche, dans une activité où s'est toujours appliquée la règle du diviser pour régner. Il y a toute une philosophie chez notre président, mais aussi une habileté tactique : il a suivi à la lettre le principe spaggiarien, réaliser le casse du siècle au nez et à la barbe de la vieille classe politique, sans haine, sans violence et sans arme

Mais revenons à NKM. Le plus étonnant dans sa mésaventure, c'est l'identité de son agresseur  : non pas un fanatique, un dingue, un extrémiste mais un brave maire d'un village normand qui manifestement n'aime pas les bobos, qui plus est homme de droite, bien sous tout rapport. Comme quoi la haine, la violence et la pulsion de mort peuvent s'emparer d'un individu raisonnable, insoupçonnable. Emmanuel Macron et ses amis ont encore beaucoup de travail en vue d'humaniser le monde impitoyable de la politique, surtout à la base.

15 commentaires:

Anonyme a dit…

macron machiavel "du compromis politique a la dictature de l économie"(l excellent Marcel Gauchet)

Anonyme a dit…

A la violence physique visible et condamnable il y a aussi la violence morale et sociale des mots et des actes. La violence insidieuse et non médiatisée de l'économie libérale, celle qu'Emmanuel Macron s'apprête à aggraver par ses réformes du Code du travail ne seront jamais médiatisées nulle part, évidemment pas sur votre blog. Ce serait trop fastidieux et tellement économiquement incorrect que vous n'en parlerez jamais.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Gauchet enfile des perles : le compromis est l'essence du politique et la "dictature de l'économie" est un non sens. Quand on se veut intellectuel, il faut veiller aux mots qu'on emploie.

2- Ah ! si, je vais parler de la réforme du code du travail, en expliquant surtout comment des gens comme vous ont intérêt à ce que rien ne change pour préserver leur situation.

Anonyme a dit…

Vous souhaitez la réforme du Code du travail en sachant bien que vous n'en serez pas victime parce que vous êtes protégé par votre statut de fonctionnaire, vous êtes un conservateur quand il s'agit de vous-même. Vous n'avez pas envie d'expérimenter pour vous-même les bienfaits de la concurrence libre et non faussée. Si vous deviez négocier votre contrat de travail avec le directeur de votre établissement vous apercevriez d'une réalité qu'il vous plait d'ignorer.

Anonyme a dit…

A l"heure où j'écris il est 12h38 et la participation est de 17,75 % ce qui laisse entendre qu'elle sera encore plus faible qu'au premier tour. Si, en plus, le président recueille une majorité parlementaire pléthorique la plus proche des 577 députés cela délégitimera le président déjà élu, par défaut, le 7 mai dernier.

Anonyme a dit…

Votre critique de quelques expressions de Marcel Gauchet est une leçon du vice à la vertu. Vous qui êtes en tant de sujets tellement conformiste, politiquement et économiquement correct.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Le défaut est dans votre tête : c'est le principe majoritaire qui légitime un pouvoir républicain, pas le nombre de participants.

2- C'est ce qu'on appelle une affirmation gratuite. Mais vous avez raison puisqu'elle ne vous coûte rien intellectuellement.

Emmanuel Mousset a dit…

En ce qui concerne la réforme du code du travail, elle n'a rien à voir avec ma situation personnelle. Je suis partisan d'une fonction publique forte, Emmanuel Macron aussi : ça me va donc très bien. Quant à la concurrence libre et non faussée, il est évident qu'elle ne s'applique qu'au marché (sauf si vous êtes favorable à la disparition du secteur public, ce qui est peut-être votre choix).

V L a dit…

"c'est le principe majoritaire qui légitime un pouvoir républicain, pas le nombre de participants"
Voilà en clair exactement le concept du bolchevisme justifié.
Par vous !
Je me frotte les yeux pour me forcer à concevoir que j'ai bien lu ça de votre part, soi-disant social-démocrate.

Emmanuel Mousset a dit…

Quand vous aurez fini de vous frotter les yeux, vous pourrez réfléchir avec votre tête : le principe de bolchévisme, c'est celui de l'avant-garde prolétarienne, minoritaire. Les bolchéviques ont très vite renoncé à la démocratie. Aucune majorité ne les aurait portés au pouvoir, si leur régime avait été électif et représentatif.

V L a dit…

"le principe de bolchévisme, c'est celui de l'avant-garde prolétarienne, minoritaire. Les bolchéviques ont très vite renoncé à la démocratie. Aucune majorité ne les aurait portés au pouvoir, si leur régime avait été électif et représentatif."
C'est votre façon de voir, pas la mienne...
Les bolcheviques se sont désignés eux-mêmes de ce nom parce que ça signifie majoritaire en russe, les autres, les minoritaires étant les mencheviks.
Qu'ils aient par la suite renoncé à la démocratie est un autre fait : à un moment donné, ils ont eu la majorité.
Idem pour Hitler : à un moment donné, il a bel et bien été choisi de façon électorale.
Votre assertion première (c'est le principe majoritaire qui légitime un pouvoir...) est donc à débattre car ainsi vous semblez légitimer le pouvoir tout autant de Lénine et Staline que celui de Hitler or pour moi, ce ne sont pas des pouvoirs légitimes.
Ce serait pareil si par malheur dans notre pays, la représentante du Front National en venait a obtenir la majorité des voix de nos concitoyens.

Emmanuel Mousset a dit…

Comme vous voudrez : vous êtes pour le principe minoritaire, je suis pour le principe majoritaire (il ne peut pas y avoir de troisième position). Je laisse donc les lecteurs juger du plus démocrate de nous deux.

V L a dit…

Votre conclusion n'est pas la mienne : la discussion portant sur le verbe légitimer.
Ma position est que ce n'est pas l'obtention de la majorité au moment de l'élection démocratique qui légitime un groupe politique mais son action consécutive à cette accession au pouvoir.
La légitimation est à mon sens en question tout au long de la mandature et pas acquise une fois pour toutes le jour du vote.

Emmanuel Mousset a dit…

Ah !le mandat révocable, cher à l'extrême gauche ! Non, merci, je reste un républicain classique : un mandat, ça se respecte, ça ne se casse pas.

Anonyme a dit…

Légal ne veut pas dire légitime. Le régime de Vichy était légal mais non légitime comme Macron il avait fait allégeance à l'Allemagne. Il est permis, ne vous en déplaise de souligner la faible représentativité du président Macron et de sa majorité gouvernementale. Dans ces cas-là l'opposition faible au Parlement se joue aussi dans la rue et nous l'avons souvent vu au cours de notre histoire moderne. Toutes les forces politiques en ont plus ou moins usé selon les circonstances, ne soyez pas surpris d'en être un jour victime.
Quoique plutôt favorable à Mélenchon je puis partager certaines de vos analyses comme l'opposition au mandat révocable dont l'idée a été révoquée lors de tous les débats constitutionnels notamment le premier en 1790 lorsqu'il s'est agit de donner une constitution écrite à notre pays. De la même façon son analyse institutionnelle sur une prétendue monarchie absolue que serait la Vè République est fausse puisque la Président ne peut gouverner sans majorité parlementaire. Cependant il est exact que nous avons quelque chose dans nos institutions d'une monarchie républicaine mais constitutionnelle et parlementaire, d'un parlementarisme rationalisé et pas à la façon IIIè puis IVè République.