lundi 12 juin 2017

Mai 68 en juin 2017



Ce premier tour des élections législatives a suscité des réactions plus fortes encore que le résultat des présidentielles : vague, raz de marée, tsunami, tremblement de terre, séisme, toutes les métaphores d'une catastrophe naturelle ont été convoquées. J'essaierai d'être moins imagé et plus politique, au risque de faire un rapprochement qui paraitra osé, sinon inapproprié, mais je vous le livre tel qu'il m'est venu hier soir en regardant la télévision : nous vivons un nouveau Mai 68. Ce n'est plus l'université qui est secouée, ce sont les institutions.

Comme en Mai 68, le bouleversement est de grande ampleur, inédit, inattendu : Macron ? Un quasi inconnu il n'y a pas si longtemps. En Marche ! ? Une simple start-up parmi tant d'autres. Le feu a pris, l'incendie s'est répandu partout. Lénine le disait fort bien : il suffit d'une étincelle pour embraser la plaine. Comme en Mai 68, ce qui frappe c'est la nouveauté : le phénomène échappe à tout ce qu'on connaît.

Et puis, il y a la dimension sociologique, qui est une composante de tout mouvement de fond dans la société : en 1968, ce sont les étudiants qui sont le fer de lance du grand chambardement, aujourd'hui c'est la société civile, jusque-là largement exclue de la vie politique. Une catégorie sociale, créatrice, responsable, s'empare de la parole publique et accède au pouvoir. L'imagination au pouvoir, slogan de 1968, qui correspond à notre actuelle situation.

Comme en Mai 68, les jeunes, les femmes s'impliquent, sont au premier rang des candidatures d'En Marche ! C'est la revanche des exclus de la politique ! Comme en Mai 68, ils sont porteurs d'une contestation sociale, d'une critique du système, d'un rejet de ceux qui occupent depuis longtemps les places, qui en ont fait une sorte de chasse gardée, de contemporaines féodalités. Hier soir, les ténors les plus en vue du Parti socialiste ont été électoralement décapités, la droite a été malmenée, l'extrême droite a été freinée. Des partis implantés depuis des décennies ont été bousculés. Mai 68, c'était la mort de la SFIO, comme est mort hier sous nos yeux le PS (ces dirigeants les plus conscients en conviennent).

Le penseur et dramaturge Maurice Clavel résumait Mai 68 en le présentant comme un "soulèvement de la vie". C'est ce à quoi nous avons assisté hier soir, contre un monde politique figé, vieilli, gris, moribond. C'est le parti du mouvement qui l'a emporté, renversant tout sur son passage, et d'abord ceux qui s'accrochent à leurs anciennes certitudes, aux clivages périmés. "La France s'ennuie" : c'est ce qui s'écrivait dans Le Monde, à quelques semaines de Mai 68. 50 ans après, qu'est-ce qu'on s'emmerde dans les appareils politiques, entre notables, apparatchiks et militants bornés, dans le jus de la langue de bois et des discours mille fois entendus ! Ce que les Français ont fait exploser hier, c'est cet univers-là, conformiste jusque dans ses fausses audaces, incapable de se renouveler.

Dans l'organisation même d'En Marche ! il y a quelque chose de soixante-huitard, une sorte de joyeux bordel où chacun se retrouve, y compris quand il n'est pas d'accord. Libéral-libertaire, diront ceux qui veulent à tout prix mettre des étiquettes et qui n'ont pas compris que les Français en ont marre des étiquettes qui ne correspondent pas aux pots de confiture. En Marche ! est constitué de comités, comme Mai 68 voyait fleurir les comités d'action lycéenne, les comités Vietnam et tant d'autres. C'est la révolte de la base contre les héritiers, les installés.

Vous me direz peut-être que j'exagère. Et vous aurez raison ! En Mai 68 aussi, on exagérait beaucoup, mais c'est à ce prix que la société a changé, que de nouvelles mœurs ont vu le jour. Nous y avons collectivement gagné en liberté, en justice, en égalité. Au fait, quel était le titre de l'ouvrage d'Emmanuel Macron, publié au début de sa campagne, lorsque personne ou presque ne croyait en ses chances de succès ? Révolution ! Et quel a été l'un de ses premiers soutiens ? Dany Cohn-Bendit ! Mai 68 en juin 2017 : puisque je vous le dis ...

19 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Cela prouve qu'en France les gens ont envie d'y croire, ont envie d'enthousiasme, cela ne prouve pas la justesse de la cause qu'ils défendent. Le mouvement est porté par une spontanéité et un enthousiasme indéniables d'après les médias en tout cas. Il n'empêche que le mouvement demeure historiquement libéral-libertaire, donc a vocation à consolider encore plus la propriété privée des très riches, la fracture entre la France des gagnants de la mondialisation et celle des perdants de la "France périphérique".
C'est un peu comme le triomphe des versaillais sur les communards en 1870. Chez les versaillais, il y avait la gauche républicaine et la droite conservatrice unies contre le peuple : c'est le même genre de victoire aujourd'hui, avec tous les dégâts sociaux qui en découleront. On reparlera de ton billet j'en suis sûr dans beaucoup moins de temps que cinq ans. Profite, profite, tu ne profiteras pas très longtemps de ta victoire en trompe l'œil.
Quant à Dany Cohn-Bendit, par pitié cesse de citer tes idoles à tort et à travers, essaie de rester pudique même dans l'euphorie de la victoire.

Emmanuel Mousset a dit…

Ce n'est pas parce que tu es un triste que tu dois empêcher les joyeux d'exulter.

Erwan Blesbois a dit…

Je croyais qu'on avait dit que l'on ne faisait pas de psychologie. Je suis triste en effet de vivre sous un gouvernement qui va accroître encore plus la fracture sociale entre riches et pauvres, qui va favoriser les déséquilibres écologiques en encourageant la cupidité des riches, la libre entreprise, l'appât du gain, la disparition de tous les types anthropologiques au sein même du territoire, et participer au renforcement en la légitimant encore plus la propriété privée des grands monopoles privés.
Ah mais j'oubliais, tu es nietzschéen, donc tu jouis de la destruction. Est-ce que tu jouiras encore quand tu auras scié la branche où tu te trouves perché ? J'ai une belle femme, je baise, j'ai des gosses, j'ai un boulot, je vis dans une région magnifique, la plus glorieuse de France : la Bretagne ; je n'ai aucune raison objective d'être triste. Je suis juste inquiet pour l'avenir du monde sans essayer d'en retirer un quelconque bénéfice, je suis foncièrement désintéressé.
Ce n'est pas Mai 68, c'est la commune de Paris à l'échelle de la France, et le triomphe des versaillais, c'est-à-dire aujourd'hui de l'oligarchie (les 1% les plus riches), et de ses soutiens bobos en grand nombre.
C'est une victoire toute relative, Macron triomphe avec seulement les voix d'un peu plus de sept millions de Français : c'est-à-dire les très riches et les favorisés réunis, restent 63 millions de Français qui ne seront pas représentés. C'est beau le pouvoir de l'oligarchie et des médias ! On appelle ça une démocratie, laissez-moi rire, c'est une gigantesque farce !

Anonyme a dit…

Erreur d analyse .Mai 68 mutation sociétale
Mai 2017 machiavélisme libéral

Anonyme a dit…

Parlez nous plutot de st quentin!!
Nous ne sommes pas des parisiens!
Ou est votre candidat en marche?
LR contre FN?
Le candidat LR investit par en marche! Et son mentor donne la consigne de ne pas voter la confiance !!!!
Normal???

Emmanuel Mousset a dit…

Rime riche. Vous êtes poète, mais vous n'êtes que cela.

Anonyme a dit…

c'est pénible d'entendre régulièrement les riches, les pauvres. Il a fait quoi Mélenchon pour les pauvres et la fracture sociale?! Et les frondeurs qui ont saboté le quinquennat de Hollande? Donnons sa chance à Macron . Tout ne sera pas parfait mais si l'emploi repart ce sera bien pour l'ouvrier et tant pis pour les états d’âme des intello. !

Erwan Blesbois a dit…

@ Anonyme 19:01
Hollande a fait une timide politique libérale-libertaire pendant 5 ans, ce que lui reprochaient à juste titre les frondeurs, d'être trop libéral économiquement. Maintenant vous allez voir ce qu'est une véritable politique libérale-libertaire avec les pleins pouvoirs à l'Assemblée. Ce n'est pas de ma faute si vous êtes masochiste, c'est sans doute parce que toute votre vie vous avez été exploité et que chez vous c'est comme une seconde nature. Vous n'avez même pas en imagination l'idée d'un monde meilleur, vous acceptez le réel avec soumission comme si il n'y avait pas d'alternative, comme si c'était le seul réel possible. Alors que c'est une machine à broyer les êtres humains et détruire l'environnement. Vous aurez une part de responsabilité dans le désastre à venir, je vous conseille de vous ouvrir un peu culturellement, cela vous ouvrirait des perspectives, plutôt que de dénigrer les "intellos".

Anonyme a dit…

Mai et Juin 2017 ou l'anti-Mai 68 comme le disait, déjà en 1978 fort justement Régis Debray dans son livre "Modeste contribution aux discours et cérémonies officielles du dixième anniversaire (sous-entendu de Mai 68)" Réédité en 2008 chez Mile et une nuits sous le titre de "Mai 68, une contre-révolution réussie" puisque la bourgeoisie contestataire de Mai 68 qui avait une hégémonie culturelle a pris le pouvoir politique avec Macron en digne successeur de Giscard bien précurseur mais maladroit et trop typé. La bourgeoisie libérale-libertaire s'est accommodé, quand elle n'a pas fait alliance avec, s'impose complètement. Autrement dit l'alliance de celle de droite avec celle de "gauche". La victoire de Macron en est l'illustration.

Anonyme a dit…

Votre blog de ce jour exprime une illusion de type gauchiste soixante-huitard attardé parce que pour construire une victoire politique comme celle de Macron en 1 an-18 mois il a fallu construire de façon très bien pensée et élaborée, structurée une organisation politique correspondant bien à l'air du temps.
Bien qu'anti-Macronien sur le fonds et de la toute première heures je dis chapeau l'artiste !

Emmanuel Mousset a dit…

Incontestablement, Macron est très fort, et ça me réjouit.

Anonyme a dit…

Un artiste? Oui mais bien aidé par tous les puissants de notre pays qui ont tout leur argent et savoir-faire à son service. Sans cela en à peine 18 mois tout autre personne n'aurait pu faire pareil.

Emmanuel Mousset a dit…

Mon cher, l'art a un prix. Contentez-vous d'être admiratif.

Anonyme a dit…

"mon cher" quel donc votre prix ? Comme l'art tout a un prix, quel est le vôtre ? L'art contemporain est un moyen de recycler l'argent de ceux qui en ont trop parce qu'il est surfait. Comme lui vous et votre mentor êtes surfaits.

Emmanuel Mousset a dit…

Macron, je ne sais pas, mais moi, aucun investissement dans les œuvres d'art.

Anonyme a dit…

Vous ne risquez guère d'investir dans la moindre oeuvre d'art avec votre traitement de fonctionnaire. Cependant votre mentor Macron l'a fait avec les 3 millions d'euros qu'il a gagné en travaillant pour la banque Rotschild en contribuant à une fusion-acquisition entre grands groupes capitalistes apatrides, ces 2 derniers mots étant pléonastiques.

Emmanuel Mousset a dit…

Et le rapport avec les œuvres d'art, il est où ?

Anonyme a dit…

Vous avez vraiment un cerveau lent s'il faut tout vous expliquer, faire les liens entre l'art, l'argent et vous. Relisez donc nos échanges!

Emmanuel Mousset a dit…

Cerf-volant ? Humour, quand tu nous tiens ...