dimanche 25 juin 2017

Le PS n'a rien compris



J'ai lu attentivement la résolution du Parti socialiste, adoptée hier à l'issue de son Conseil national. Elle est importante, puisqu'elle définit sa position à l'égard du gouvernement. J'ai souligné, surligné, encadré, fléché, griffonné ce texte, mis en marge des points d'interrogation, des points de suspension et des onomatopées. C'est un document qui fait réagir : il m'a accablé. Le PS n'a rien compris de ce qui lui est arrivé.

L'élection présidentielle ? "Insaisissable" et "troublante" : je veux mon neveu, mais ce n'est pas comme ça qu'on avance. Pas le début du commencement d'une esquisse de légère autocritique dans la résolution. Seulement un rappel des "valeurs" : ça nous fait une belle jambe ! Le Parti socialiste aurait-il perdu toute intelligence politique ? Oui. Un immeuble lui tombe sur la tête, et c'est comme si de rien n'était. Si j'étais cynique, je m'en réjouirais, laissant ce parti s'enfoncer encore plus. Mais c'est l'accablement et la tristesse que je ressens.

Par rapport à Emmanuel Macron, aucun trouble : "Le Parti socialiste ne peut se reconnaître dans les mesures annoncées et déjà engagées par le gouvernement" (sauf le projet de loi sur la moralisation de la vie publique, quand même !). Et cette phrase au couteau : "Nous nous situons clairement dans l'opposition au gouvernement d'Edouard Philippe. Nous ne voterons pas la confiance à ce gouvernement". Voilà qui a au moins le mérite de la franchise : mais quelle erreur politique !

Le Parti socialiste aurait dû suivre son électorat, qui a majoritairement basculé du côté de la République En Marche : se dire qu'il se passait là quelque chose de neuf, dans le camp des progressistes, qu'il valait le coup d'en être au lieu de s'y opposer. Une bonne partie des députés LREM ne viennent-ils pas de la gauche ? N'ont-ils pas comme pire ennemi l'extrême droite ? Ces éléments auraient dû être pris en considération. Mais voilà ce qui arrive lorsqu'on ne réfléchit plus !

Le porte-parole du PS, Rachid Temal, comme s'il était conscient de la radicalité de la décision, l'a un peu modérée, en parlant d'"opposition constructive". Il n'aurait plus manqué qu'elle soit destructrice ! Non, une opposition, constructive ou pas, reste une opposition. Ce que j'attendais du PS, c'était un soutien critique : là oui, la position aurait été politiquement intelligente. Quand on n'est plus que 31 députés socialistes, on peut jouer si on veut les poils à gratter, mais on ne s'oppose à rien du tout, parce qu'on n'en a pas les moyens. En revanche, par ses avis, ses propositions, ses critiques, le groupe socialiste pouvait être utile à la majorité présidentielle, sans rien renoncer à ce qu'il est (voir billet d'hier). L'action politique ne se justifie que par son utilité ; sinon, elle ne sert de rien.

A quoi s'ajoutent une ambigüité, une inconséquence, une contradiction : en toute logique, quand on s'oppose et qu'on refuse la confiance, on vote contre. Eh bien, l'abstention sera aussi admise, si l'on en croit les déclarations à la suite du Conseil national. Partant de là, je me dis que certains socialistes se sentiront libres de franchir le pas et de soutenir le gouvernement. Après tout, plusieurs députés PS se sont fait élire en se réclamant de la majorité présidentielle, Manuel Valls le premier.

Si les socialistes veulent se reconstruire, après avoir fait leur deuil, ça ne pourra être qu'autour de l'ancien Premier ministre, qui réussira peut-être à constituer un groupe formant l'aile gauche de la majorité présidentielle. Sinon, les derniers survivants du PS se feront bouffer par Mélenchon, comme leurs électeurs lors de la présidentielle. Et là, peut-être qu'enfin le PS aura compris, mais beaucoup trop tard.

20 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Disons que le PS n'a pas ton instinct de conservation, et certainement une identité fragilisée par l'émergence comme un champignon de LREM. Plus facile pour un électron libre comme toi de s'adapter suivant les principes de la sélection naturelle, autrement dit de la destruction créatrice que pour une organisation complexe comme le PS. LREM s'est développé sur les ruines du PS suivant les principes d'une entreprise qui innove. Normalement le PS ne devrait pas se relever selon moi, il est devenu obsolète suivant une autre principe du libéralisme triomphant : l’obsolescence programmé des biens de consommation.

Emmanuel Mousset a dit…

Il ne te vient pas à l'idée que le PS est mort de sa belle mort, épuisé de n'être plus en phase avec la société, miné par ses propres contradictions internes ? Et que LREM n'a été que le révélateur d'une crise et d'une décadence déjà anciennes ?

Erwan Blesbois a dit…

Tu traduis en termes "politiquement correct" ce que je décris dans les termes de l'Entreprise. Or ce sont les valeurs de l'Entreprise qui dominent la société du monde entier aujourd'hui, dans un objectif de rentabilité et d'efficacité et au détriment de toute spiritualité, dont pourtant tu as le culot de te revendiquer.

Emmanuel Mousset a dit…

Et quand le Pouvoir dominait ? Et quand la Guerre dominait ? Où était la spiritualité ? Et depuis quand domine l'Entreprise ? Suffisamment pour en tirer un bilan objectif ? Le Pouvoir et la Guerre, ça fait des millénaires ... Réfléchis, Erwan, réfléchis.

Anonyme a dit…

Une crise et une décadence déjà anciennes : il y a peu, tu crachais exactement le contraire !

Emmanuel Mousset a dit…

Tout dépend ce qu'on appelle "anciennes". Sur ce blog, j'ai toujours fait remonter la crise et la décadence du PS à 2005 : en autorisant la minorité du Parti à faire campagne contre un vote majoritaire (l'approbation de la Constitution européenne), c'était cuit, le ver était dans le fruit, il n'y avait plus de PS. Il aura fallu 12 ans d'agonie avant la mort effective. Je ne m'en réjouis pas. C'est un immense gâchis. Il aurait fallu couper à cette époque le membre pourri pour sauver l'ensemble du corps. Hélas, ça n'a pas été fait.

Erwan Blesbois a dit…

Qu'est ce que tu veux que je te dise Emmanuel, le libéralisme politique c'est très bien, mais le libéralisme économique ça marche pas, c'est trop cruel et inhumain, je le sais c'est "par delà bien et mal", mais c'est là justement tout le problème. "Humain trop humain" disait Nietzsche, mais jusqu'à preuve du contraire, que peut-on être d'autre qu'humain ? Un insecte ?
De plus le libéralisme économique n'a pas besoin du libéralisme politique, et je prédis que d'ici peu nous seront gouvernés par des Etats policiers et répressifs qui remettront en cause les libertés individuelles mais pas le fonctionnement libérale et dérégulé de l'économie.
D'ailleurs une des premières expériences du néolibéralisme avait été menée dans le Chili de Pinochet sous l'impulsion de Thatcher, où les gens manquaient de liberté, Dame de Fer qui a toujours gardé avec Pinochet des liens étroits.
Le pouvoir ? Comme si il n'y en avait plus ! Tu es bien naïf : ce n'est plus le pouvoir de l'église mais le pouvoir de l'argent. Les guerres on les a exportées au Moyen-Orient, va dire à ces populations qu'il n'y a plus de guerres, plus de pouvoir, que nous sommes tous libres et égaux dans un fabuleux monde libertaire où règne le libéralisme politique !

Anonyme a dit…

Le Cher a fait son ménage, trois nouveaux députés élus (1 modem et 2 LREM). Les électeurs en avaient assez des petites magouilles politiciennes. Exemple Galut, donneur de leçon, frondeur à Paris et complice de certains maires LR dans son département. A moi la circonscription, a toi la mairie. Mais il ne faut pas généraliser, des membres du PS ont fait preuve de courage, honnêteté, réussite.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Une idéologie est un bloc. Libéralisme politique et économique sont indissociables.

2- Seriez-vous Saint-Amandois ? A Thierry la ville, à Yann la circo (clin d'œil berrichon). Sur Galut, je prépare un billet pour la semaine à venir. Fonceur dans nos campagnes et frondeur dans la capitale. Un garçon sympa et bosseur, néanmoins.

Erwan Blesbois a dit…

Le libéralisme est voué à mourir ou nous faire mourir, il y a selon moi un argument imparable : c'est tout simplement qu'une croissance illimitée est intenable dans un monde fini. Autrement dit, un jour ou l'autre il faudra mettre des limites à la croissance, et comme cette idéologie est un tout qui ne s’accommode d'aucune contradiction, c’en sera fini du libéralisme.

Erwan Blesbois a dit…

Si on te mettait dans une entreprise, avec la pression à la rentabilité, il est probable que tu ne tiendrais pas trois jours. La logique de la culture et de l'éducation qui repose sur le soin et la patience est diamétralement opposée à la logique de l'entreprise qui repose sur l'innovation et donc la destruction créatrice, destruction de toute mémoire et donc de toute conscience, qui inspire aussi une nouvelle forme d'art qu'on appelle art contemporain.

N B a dit…

Pour une fois, Monsieur Blesbois, dans son intervention datée du 25 juin à 23h01, s'exprime de façon simple sans recourir à des citations ou à son fétiche, Nietzsche, et il est clairement compréhensible comme l'a si bien dit Boileau.
Le libéralisme est tôt ou tard destiné à laisser la place à une décroissance organisée et le plus tôt serait le mieux afin que nos successeurs sur la planète pâtissent à moindre coût des excès perpétrés en moins de deux siècles après des millénaires où l'être humain se comportait comme toute l'engeance animale et végétale, vivre au lieu de s'approprier tout et n'importe quoi.

Emmanuel Mousset a dit…

J'ai travaillé en entreprise, au plus bas niveau de l'exécution. Ton réflexe est typiquement petit-bourgeois : un travail sans effort, dans le confort. Va discuter avec les types qui travaillent sur les chantiers : ils te riront au nez. En fait, tu es comme Benoit Hamon : tu ne supportes plus de travailler.

Erwan Blesbois a dit…

C'est bien tu es méritant, tous les profs... de philo particulièrement si aptes à donner des leçons devraient être recrutés parmi les ouvriers et les paysans, qui eux savent ce qu'est le travail manuel, ou les employés de plus basse condition qui eux savent ce que c'est de se trouver tout en bas de la hiérarchie sociale. Quant à cette lie de la société que constitue la petite bourgeoisie, je suis d'accord avec toi elle devrait être rééduquée dans des camps de travail.

Emmanuel Mousset a dit…

Réagir par l'ironie est une marque de faiblesse. Je pose une vraie question : l'oubli, par les classes moyennes "intellectuelles", de ce qu'est la véritable nature du travail, qui prend tout son sens dans le travail manuel. L'engouement pour une notion aussi peu scientifique que le "burn out" est l'une des nombreuses manifestations de cet oubli (ou de ce refoulement). Mais j'ai déjà, à plusieurs reprises, traité du sujet sur ce blog.

Philippe a dit…

1-E Mousset le 26 juin 2017 à 13:22
« une notion aussi peu scientifique que le "burn out" »
Le cerveau est un organe absolument comme un autre qui peut présenter des pathologies on ne peut plus organiques (cancers, athérosclérose etc) et qui à degré moins mortel physiquement peut être victime de fatigue intense (burn out) comme le serait les biceps de notre philosophe après cents pompes.

2-E Mousset 25 juin 2017 à 19:53
Dans l'expression " Libéralisme politique et économique sont indissociables."
Quel sens donnez-vous au mot "politique" ?
Je pose la question car habituellement votre intérêt porte essentiellement sur les appartenances à des partis/boutiques politiques et à leurs pantalonnades, surtout aux pantalonnades de leurs gérants comme les dirigeants PS ou LR voire propriétaires comme la famille Le Pen, JL Mélenchon et Macron-Trogneux.
J’entends par propriétaires ceux qui ont « inventé » leurs boutiques et qui les dirigent en détenteurs de la patria potestas.

Anonyme a dit…

"Recruter les prof de philo parmi les ouvriers et les paysans" quelle condescendance! quel mépris! Aujourd'hui les ouvriers et surtout les paysans sont des techniciens, parfois des ingénieurs, éduquer et fiers de leurs conditions sociales parfois!Pas tous mais comme chez les profs certains galèrent! Cessons de regretter les classes sociales! Zola, Mao, Staline c'est finit, il reste du à moudre Monsieur Blesbois, on est bien d'accord mais il faut changer le logiciel!

Erwan Blesbois a dit…

@ Anonyme 14:41
Il n'y a peut-être pas de classes sociales, j'ai peut-être de la condescendance pour les ouvriers et les paysans mais les quelques 2000 personnes les plus riches du monde ont une fortune totale estimée à environ 7 670 milliard de dollars, soit 3 fois le PIB de la France et un peu moins de la moitié du PIB des Etats-Unis. Tout notre système économique libéral a pour finalité l'enrichissement toujours plus indécent de cette caste qui crée de la richesse je ne le nie pas (à moins de dire comme Proudhon que "la propriété c'est le vol"). C'est un système à structure pyramidale, où la grande masse des populations doit se contenter des miettes qui tombent parcimonieusement de ces gâteaux colossaux. Plus on est bas dans l'échelle sociale, plus on doit supporter le poids du fardeau, ceux qui sont au sommet de la pyramide doivent se sentir légers comme des oiseaux. On commence seulement à atteindre le stade ultime du libéralisme où se pose de façon urgente la question de savoir comment gérer le problème d'une croissance illimitée dans un monde fini. Macron n'est pas une réponse c'est une juste une innovation qui a poussé sur les ruines du PS. Nicolas Hulot n'est qu'un signal destiné à rassurer les inquiets, mais qui ne pourra rien régler à moins de sortir du paradigme du libéralisme : ce qui est hors de question pour l'ensemble de l'intelligentsia occidentale hormis quelques lanceurs d'alerte que l'on prend pour des fous.

B N a dit…

"légers comme des oiseaux..."
Tiens, tiens...
Et lourds comme quoi ?
L'autruche se sent-elle légère ?
S'approprier de la nourriture à consommer de suite, ce n'est pas voler (sans aile), c'est vivre ou survivre selon les lois naturelles.
S'approprier de la nourriture pour la mettre en réserve, (ou la vendre pour la remplacer par la monnaie), c'est capitaliser, ce n'est pas fondamentalement dans le respect des lois naturelles.
Et capitaliser n'est pas loin de voler (toujours sans aile).
Quant à Nicolas Hulot, s'il ne se renie pas, ne finira pas ce quinquennat là dans ce gouvernement là.

Erwan Blesbois a dit…

Vous avez raison NB, pour moi Nietzsche est un fétiche, un peu comme un doudou pour palier une absence affective. Mais dans le cas D'Emmanuel Mousset, bien qu'il ne s'en vante pas, il s'agit du Maître, "du" car des maîtres selon lui on n'en a pas deux mais un seul. Son dicton monothéoidéologique pourrait être "un seul Dieu, un seul Maître" !