vendredi 25 mars 2016

Perpète ou pas



Hier, à la suite des attentats de Bruxelles, plusieurs personnalités de droite ont demandé la réclusion à perpétuité "réelle" pour les terroristes. Je n'entre pas dans le débat juridique et technique sur la notion de perpétuité, qui existe bien sûr déjà dans nos lois, savoir si elle est réelle ou pas : j'en reste à l'essentiel, le débat politique sur la prison à vie. Nathalie Kosciusko-Morizet a fait cette proposition, Xavier Bertrand également, ajoutant même qu'il n'aurait sans doute pas voté en son temps l'abolition de la peine de mort.

Le débat est intéressant, parce qu'il rappelle le clivage traditionnel entre la droite et la gauche, qu'on a tendance à oublier ou à sous-estimer. Au XIXe siècle, la droite est qualifiée, par elle-même autant que par ses adversaires, de "parti de l'ordre", tandis que la gauche apparaît plutôt comme le "parti de la justice". Les deux notions, ordre et justice, ne sont évidemment pas contradictoires : un homme de droite est soucieux de justice autant qu'un homme de gauche tient à ce que l'ordre soit maintenu. Mais il y a des sensibilités, des préférences qui sont différentes : la droite mettra l'ordre avant la justice, la gauche mettra la justice avant l'ordre. "Je préfère commettre une injustice que tolérer un désordre" : c'est une phrase de Goethe et c'est une formule de droite.

Spontanément, je privilégie la justice à l'ordre. C'est pourquoi je refuse la proposition de Nathalie Kosciusko-Morizet et Xavier Bertrand sur la perpétuité "réelle". Pour plusieurs raisons : d'abord, je crois qu'un homme, même celui qui a commis les actes les plus effroyables, a toujours droit au rachat et à sa récompense, la liberté. Ce n'est pas de la naïveté ou de la mauvaise religion : c'est un principe et un espoir. Je sais parfaitement que le mal ne se guérit pas facilement ; mais il faut lui laisser une chance. La justice n'est pas la vengeance. C'est ma première raison, appelons-la humaniste.

Ma deuxième raison de refuser la prison à vie, c'est qu'elle n'est nullement dissuasive. Si quelqu'un me prouvait qu'elle l'est, je demanderais à ce qu'on l'applique, sans problème, faisant fi de mon humanisme, privilégiant la protection des citoyens. Un terroriste qui est prêt à mourir n'a que faire de la prison à vie. Or, la justice, c'est aussi l'efficacité des lois : celle sur la prévention "réelle" ne le serait pas.

Enfin, ma dernière raison pour la refuser est juridique, c'est qu'on ne voit pas pourquoi on n'étendrait pas cette mesure à d'autres crimes. Tout crime est horrible, même si tous ne sont pas spectaculaires ou médiatisées : tout crime, dans cette logique, méritait de voir son auteur puni par la prison à vie. Car pourquoi les uns et pas les autres ? Par glissement, jusqu'où va-t-on aller ainsi ? Ce n'est plus un débat, c'est une boite de Pandore.

Xavier Bertrand semble dire que la suppression de la peine de mort devrait être, en quelque sorte, remplacée ou compensée par une peine de prison à vie. Non, on ne peut pas raisonner comme ça. La perpétuité n'est pas une alternative à la peine de mort : les deux mesures sont incomparables. En la matière, on ne peut pas considérer la perpétuité comme une peine de substitution à la mort. D'ailleurs, lors des débats sur l'abolition de la peine de mort, cette question n'avait pas été soulevée.

La droite fera comme elle voudra. Je comprends bien qu'elle cherche à rassurer l'opinion, à marquer le coup et les esprits, à avancer une mesure plus symbolique que performante. La gauche a essayé de faire la même chose avec la déchéance de nationalité, un débat qui l'a conduite nulle part. La droite devrait y réfléchir à deux fois avant de s'engager dans celui-là.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Monsieur Mousset aime mettre en évidence les différences entre la droite et la gauche pour mieux passer sous silence l'accord complet entre elles en matière économique et sociale. Depuis au moins 1992 et le traité de Maastricht l'UE est cogérée en plein accord avec la droite sur des orientations libérales droitières. Après cela il viendra pleurnicher sur les déroutes électorales de la "gauche". Il faudrait d'abord qu'il aie le courage de se remettre en question, lui et ses amis du parti "socialiste".
En fait il fait partie d'une gauche qui s'accommode très bien de la progression du chômage et de la misère. La question sociale lui est étrangère comme à ses amis "socialistes". Avec la loi-travail portée par Madame El khomri son gouvernement va accroitre la précarité du monde du travail, de toutes les façons ce n'est pas grave parce qu'il ne sera pas concerné par cela donc il ne peut avoir d'empathie pour ces futures victimes.
Je doute fort qu'il se remette le moins du monde en question et pas du tout son parti "socialiste" qui ont tous deux la religion de l'Europe à tout prix, même la plus rétrograde.

Philippe a dit…

Avant la sanctions des coupables les responsabilités de ceux qui hébergent ces coupables ou les croisent dans un couloir d'immeuble sans piper mot.
Sur ce sujet essentiel je vous propose la lecture attentive d'un éditorialiste d'Alger publié après les attentats de Bruxelles.

http://www.liberte-algerie.com/contrechamp/le-terrorisme-islamiste-et-nous-4270

Oui mais comme le suggère Mustapha Hammouche "les gouvernements de pays avancés qui craignent par-dessus tout de heurter les gardiens de puits de pétrole et les flambeurs de pétrodollars ?
Nos gouvernants depuis bientôt 10 ans seraient-ils devenus des "flambeurs de pétrodollars" dont on ne peut espèrer que du compationnel ?

C a dit…

Je ne comprends rien à l'intervention de "Philippe" : hors sujet.
Je comprends celle de l'anonyme plus avant : mais il déplace le sujet.
Le sujet est : peine de mort versus perpétuité...
Si le sujet prêtait à plaisanter, je dirais que je rentre d'avoir défendu face à un maire (LR) la notion de perpétuité concernant une concession familiale dans un cimetière après que ce maire ait pris une délibération ramenant la perpétuité (ancienne) à 30 ans (voire 50 selon des conditions particulières d'entretien à remplir)... Si perpète, c'est devenu 30 ans, on peut argumenter.
Sinon, perpétuité, ça me semble plus horrible à vivre que subir la peine de mort.
La mort lente ou la mort rapide ?
M Mousset a raison de faire le distinguo : qu'est ce qu'un crime méritant perpète ?
Un meurtre, ce n'est pas un crime, ce peut être involontaire, accidentel, bref, il peut y avoir des circonstances atténuantes.
Mais un crime, c'est du prémédité.
Tous les crimes prémédités ne se valent-ils pas ?
Je pense que mathématiquement, un crime équivaut à un crime.
Ou il faut redéfinir la ou les notions de "crime(s)"...