mardi 22 mars 2016

La petite bête et le gros bête



La loi El Khomri s'est trouvée un nouvel adversaire, en la personne de Jean-François Copé, qui a son tour va lancer une pétition, espérant peut-être atteindre lui aussi le million. Il lui a fallu bien chercher pour trouver à redire, mais quand on cherche, n'est-il pas vrai qu'on trouve ? Tout le mal de ce projet de loi serait dans son article 6 (oui, aujourd'hui il faut être précis). Autant vous le citer en entier :

"La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par la nécessité du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché".

Voilà donc la malheureuse phrase qui fait se lever Copé. Ok, la formulation n'est pas d'un grand style littéraire, simple et classique. C'est de l'écriture juridique, dont on comprend cependant le sens : en République, dans l'entreprise, la liberté des convictions rencontrent certains restrictions lorsque la liberté des uns menace ou empiète sur celle des autres. C'est Robert Badinter, dans le travail préparatoire au projet de loi, qui avait tenu à cet aspect : faire reconnaître la laïcité au sein de l'entreprise, en affirmant que tout n'était pas permis en matière de liberté des convictions, que des restrictions étaient nécessaires, par exemple quand un homme refuse de serrer la main d'une femme ou lorsqu'un salarié impose de faire sa prière sur le lieu de travail.

Eh bien, savez-vous ce que Jean-François Copé reproche à cette disposition ? D'instaurer le "communautarisme" dans l'entreprise, d'introduire le "fait religieux", d'être un "facteur d'insécurisation" (sic). Bref, la loi El Khomri serait anti-laïque ! Copé lui fait donc dire le contraire de ce qu'elle prétend et de ce qu'elle défend. Je ne peux pas m'empêcher de penser à certains commentaires de ce blog, qui m'accusent parfois de trahir la laïcité, simplement parce que je parle et emploie le mot de "religion" ! Ou bien au débat délirant de 2005 autour du Traité constitutionnel européen, que les adversaires accusaient d'être anti-laïque, parce que le terme de "laïcité" n'apparaissait pas (mais dans la loi de 1905, sur la séparation des Eglises et de l'Etat, il ne figure pas non plus, et c'est pourtant un grand texte laïque !). Les mots sont devenus aujourd'hui de la pâtée pour chiens : on grogne si certains sont absents, on aboie si d'autres sont présents.

Le plus drôle, c'est que Jean-François Copé ne refuse pas complètement le principe de ce qui est écrit, mais propose de le traiter seulement dans le règlement intérieur des entreprises. Tout ça pour ça ! A vouloir chercher la petite bête, on devient un gros bête.

3 commentaires:

Philippe a dit…

A une époque où la bigoterie ne régnait pas en maître dans l'Algérie du début des années 70 les croyants et pratiquants n'estimaient sans doute pas nécessaire de faire du zèle.
Amené à travailler de longues heures … des milliers d'heures avec un personnel hospitalier nombreux et musulman (voire ex-moudjahidin) aucun n'a jamais interrompu son activité pour aller prier, et pourtant les croyants sincères étaient nombreux.
On rétro-pédale vers l'obscurantisme.
On peut parler de triomphe d'une bigoterie … qui nous atteint et qui est maintenant même inscrite dans une loi de la République laïque … sur le fond J.F. Copé a raison …

O a dit…

A l'attention de M Mousset (et donc pas destiné à publication obligatoire) : comment justifiez-vous que lorsqu'il n'y a qu'un seul commentaire, votre blogue, soucieux d'orthographier selon des normes que je ne maîtrise pas (et sans doute, vous non plus), note un commentaires avec un "s" en terminaison ?
Cela fait longtemps que je viens sur ce blogue et que j'observe cette incongruité orthographique...

Emmanuel Mousset a dit…

Comme je ne comprends rien à votre commentaire, je le publie. Peut-être qu'un lecteur y verra plus clair.