mercredi 30 mars 2016
Déchéance de compromis
François Hollande a renoncé à la révision constitutionnelle qui aurait notamment établi la déchéance de nationalité pour les actes de terrorisme. L'absence de convergence entre les deux assemblées l'y ont obligé. Le Congrès ne se réunira donc pas à Versailles. A cette annonce, un commentateur a dit, sur une chaîne de radio : "quatre mois de débats pour rien !" Non, c'est faux, il n'y a jamais de débat inutile en démocratie. Le projet a été examiné sérieusement par la représentation nationale, une grande partie de l'opinion publique s'est emparée à sa façon de ce débat, qui n'a donc pas été vain. Ou bien c'est qu'on ne croit pas à la démocratie, qu'on la juge entièrement inutile. Les échanges qui se sont produits autour de la déchéance de nationalité ont révélé des clivages, ont fait tomber des masques : tout débat, en démocratie, est une épreuve salutaire de vérité.
Est-ce alors un échec pour François Hollande ? Non plus, car l'abandon du projet n'est pas de son fait. Il lui fallait une majorité parmi les parlementaires, ceux-ci ne sont pas parvenus à s'entendre pour la constituer. Le chef de l'Etat avait une idée en tête, qu'il a soutenue de bout en bout : après les massacres du 13 novembre en plein Paris, montrer que la France ne restait pas inerte, qu'elle solennisait la lutte contre le terrorisme en l'inscrivant dans le marbre de la Constitution. On lui aurait certainement reproché de ne pas tenter cette démarche, qui n'a pas été la seule, mais qui apportait une dimension symbolique prompte à conjurer l'horreur de l'événement. Le président de la République s'y est engagé non sans courage ni risque politique, puisque la proposition d'une déchéance de nationalité frappant les binationaux n'est pas inscrite dans la culture de la gauche. Moi même ai regretté ce choix. Après, j'ai suivi, puisqu'il faut bien suivre qui l'on soutient, une fois la décision prise. L'idée n'est pas allée à terme, c'est dommage. Mais Hollande n'y est pour rien.
Ce qui m'embête dans cette affaire, c'est moins le retrait du projet, qui ne m'emballait pas, que ce qu'il révèle de notre classe politique, et qui est très ancien : l'incapacité au consensus, au compromis. Si je suis depuis longtemps social-démocrate, c'est pour quatre ou cinq bonnes raisons, dont mon goût pour le compromis, à mes yeux synonyme d'action politique. On n'avance dans l'engagement public qu'en passant des compromis, qu'en faisant des concessions. J'ai une véritable répulsion pour le pur et simple rapport de force, qui ne pratique que le dialogue de façade et en reste à ce qu'il défend, avec intransigeance, arguant d'une pseudo-pureté, programmant l'échec de la discussion avant même qu'elle ne commence. Il manque à la France une culture du compromis, à tous les niveaux de l'action politique. Mais dès que j'emploie ce mot, on me répond : compromission ! Moi, j'appelle cette réaction sectarisme, fanatisme, quant-à-soi, fermeture. On ne fait rien bouger avec ça.
Pourtant, l'affaire avait bien débuté, à Versailles, en Congrès, tous les parlementaires applaudissant aux propositions de François Hollande. On aurait pu alors penser que le consensus était à portée de main. François Hollande a remanié plusieurs fois le texte, pour qu'il puisse obtenir l'assentiment de tous. Mais non. Le débat s'est enlisé sous le coup de multiples oppositions, malgré l'unanimité première. Une partie de la gauche a refusé le projet, au nom des grands principes. Une partie de la droite a mis des conditions à son adoption, ou bien a pratiqué la surenchère.
On aurait pu espérer que la raison l'emporte, qu'un accord se fasse. Dans un tel contexte, sur un pareil sujet, ce n'était pas beaucoup demander. Au nom de toutes les victimes du terrorisme, on pouvait s'attendre à ce que les parlementaires et les forces politiques soient à la hauteur, mesurent la portée de l'événement, fassent preuve de responsabilité. Eh bien non. Pour d'obscures raisons électorales, l'union n'a pas pu se faire. Ceux qui ont rejeté le projet n'y gagneront rien : ce n'est pas là dessus que se joueront les prochaines élections. Mais l'esprit de division est parfois plus fort que les hommes eux-mêmes, comme il est plus difficile dans la vie de répondre oui que non.
Il est à craindre aussi que les mauvais calculs politiciens ne compromettent l'adoption de la loi travail, alors qu'il serait possible qu'un compromis se dégage entre la gauche et la droite. Mais certains députés de droite refuseront tout soutien au gouvernement, dont ils souhaitent l'échec électoral, et certains députés socialistes, morts de trouille pour leur réélection l'an prochain, préfèreront s'opposer. Voilà ce qui arrive lorsqu'on perd tout sens de l'intérêt général.
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5 commentaires:
Vous êtes clairement et nettement pour le "compromis" lequel est sur le chemin indubitablement de la compromission.
Si c'est votre voie, je vous accorde le droit de l'emprunter ainsi qu'à tous ceux et toutes celles qui le veulent.
Souffrez que d'autres, à mon instar, préfèrent choisir d'autres chemins.
Si vous m'expliquiez le lien nécessaire entre compromis et compromission, vous seriez plus convaincant. A défaut, vous renforcez ma position.
Le ralliement du PS "local" aux LR lors des récentes élections régionales est-il le fruit d'un compromis, d'une compromission ou d'une reddition ?
Eclairez-nous et éventuellement nous suivrons le raisonnement.
A ce jour, des LR appelant à voter PS, ça se cherche, non ?
Cela pourrait se nommer compromis...
Sans retour, il y a sinon compromission intellectuelle, de fait, disparition socialiste.
Et le retour des socialistes aux affaires régionales, ce n'est pas pour demain...
Difficile à digérer...
Indigeste, même...
Sans remède...
La politique n'est pas une affaire de digestion. Aux régionales, le PS n'avait aucune chance de gagner au second tour. En revanche, l'extrême droite avait des chances de l'emporter. Les républicains que nous sommes avons fait ce qu'il fallait pour lui faire barrage. Mais c'est peut-être ça qui vous embête ...
Ce qui ennuie justement c'est que la seule opposition aux gens qui régissent maintenant la région soit le FN. Plus rien à gauche. Ce n'est pas ce que vous dénoncez sur votre ville : une opposition de gauche moribonde ? A la région, elle est défunte et pour longtemps grâce à cet abandon, cette reddition même, en rase campagne...
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