mercredi 9 mars 2016
Antisémite, antisioniste
Lundi dernier, le Premier ministre a fait un beau et grand discours au traditionnel dîner du CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France. L'antisémitisme n'a jamais cessé d'être un poison en France. Il est aujourd'hui en recrudescence, poussant nos compatriotes juifs a quitté notre pays, leur pays pour Israël. C'est dramatique. Malgré le souvenir du génocide, le mal n'a pas disparu. Mais là où l'intervention de Manuel Valls prend toute son importance, c'est qu'il a tenu un discours de vérité sur la forme contemporaine de l'antisémitisme : l'antisionisme.
Car jamais la haine antisémite ne s'assume comme telle. Elle prend toujours un revêtement qui lui semble honorable, crédible, séduisant. Pendant des siècles, l'antisémitisme était chrétien, malgré l'origine juive de cette religion et son commandement d'amour : les juifs avaient tué le Christ, c'était suffisant. Au XIXe siècle, l'antisémitisme s'est emparé du socialisme : à bas les juifs se cachait derrière à bas les riches. Le juif et l'argent, c'était la nouvelle légende assassine. Au XXe siècle, l'antisémitisme s'est voulu scientifique, défendant un racisme biologique, faisant des juifs une sous-race. On sait comment tout cela s'est terminé.
Aujourd'hui, l'antisémitisme, qui ne peut plus être chrétien, socialiste ou raciste, a changé de peau : il est devenu antisioniste, il se dissimule derrière la dénonciation politique de l'Etat d'Israël. Avec cette ruse, il tente de se refaire une virginité, de brouiller une fois de plus les pistes. Voilà l'idée que le Premier ministre a eu le courage d'exposer. Courage, parce que toute une partie de la gauche est antisioniste, sans être antisémite pour autant (comme n'importe quel pays, l'Etat israélien et sa politique peuvent être critiqués). Mais tout antisémite est de nos jours antisioniste, parce que c'est sa façon actuelle de rechercher une impossible respectabilité. Un exemple parmi d'autres : l'humoriste Dieudonné.
A entendre Manuel Valls, je croyais lire le dernier et récent ouvrage de Bernard-Henri Lévy, "L'esprit du judaïsme", qui fait magnifiquement la démonstration de ce que je viens de dire. Le philosophe rappelle les origines progressistes du sionisme : après guerre, donner une terre aux survivants du génocide, bâtir une démocratie à la manière dont Jean-Jacques Rousseau fonde le Contrat social. Au départ, le projet est laïque et ne plaît pas forcément aux religieux, qui ont une autre Terre promise en tête.
Que le sionisme ait pu par la suite engendrer une forme de nationalisme, soutenant une politique colonialiste, c'est une dérive que nous connaissons bien : en France aussi, la défense de la patrie, qui remonte à Valmy et à la Révolution française, peut dégénérer en nationalisme d'extrême droite. Quoi qu'il en soit, il faut tenir bon sur nos valeurs, combattre cet antisionisme qui est le nouvel avatar de l'antisémitisme. Le Premier ministre, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, voit juste et loin.
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35 commentaires:
Faudrait-il également donner une terre à toutes ces familles, obligées de quitter la leur ?
On ne peut pas comparer les réfugiés ou migrants en quête d'un pays d'accueil et la diaspora juive retournant sur la terre de ses ancêtres.
Magnifique BHL qui a fait la démonstration de toute sa "compétence" en Lybie, en toute impunité bien sûr ! il faut dire que BHL est l'un des derniers intellectuels "progressiste" sur lequel le gouvernement peut compter, il ne sera jamais accusé de "trahison réactionnaire", par Laurent Joffrin par exemple. Tout ceci est pervers et de toute façon BHL a toujours défendu idéologiquement la perversion, en dénonçant ce qu'il nomme la "pureté". Il me semble que BHL aime nager en eau trouble, difficile de démêler ce qui a pour lui le plus d'importance ; l'intérêt d'Israël ou l'intérêt de la France ? Je laisse aux intervenants du blog exprimer leur opinion sur ce débat. Quant à l'admiration de l'auteur de ce blog, qui n'est pourtant pas pervers pour un sou, pour la perversion, à travers des figures récurrentes comme Matzneff ou DSK, je l'ai toujours aussi dénoncée, en vain !
Tout dépend du contenu que l'on met dans un mot.
« Anti-sioniste » peut être donné à celui qui conteste l'existence d'un État juif.
Il est aussi souvent donné à celui, plus relatif, qui s'offusque que cet État dont il ne conteste pas l'existence n'accepte pas l'existence d'un État palestinien et prend parfois des mesures qui enterre les pourparlers de paix. Cette critique peut être faite pour certains comportements de groupes palestiniens.
« L'islamophobie » n'est pas plus attrayante mais faire une analyse critique de certains comportements hostiles aux autres est-ce être islamophobe. Kamel Daoud l'est-il ? Un tribunal algérien vient de condamner l’imam qui l'avait menacé à 6 mois dont 3 mois fermes … en France certains crétins ont dit qu'il était islamophobe …………….
On peut faire le même raisonnement avec la christianophobie.
Bien souvent toutes ces épithètes sont utilisées n'importe comment !
Je disais à une autre personne qu'Emmanuel Mousset qui lui aussi est fasciné par l'intelligence : "Quant à ton expérience personnelle elle est faussée par tes préjugés sur l'intelligence, toutes les études sociologiques montrent la surdétermination du milieu dans la formation et la construction de l'individu, sa réussite ou son échec éventuel . Tu es un cas à part, car sans vouloir t'offenser, les pervers ont toujours une intelligence supérieure à la moyenne, ce qui n'empêche pas qu'ils sont eux aussi déterminés par le milieu. Or un pervers est souvent attiré par d'autres pervers, et tu as l'impression que vous faites parti d'une caste de sur-intelligents, non vous êtes tout simplement une petite tribu où les individus inclus sont un peu imbus de leur personne, sans vouloir t'offenser ; et coupé de toute responsabilité envers le reste de la société.", je crois que cette analyse peut aussi s'appliquer au caractère de BHL.
Philippe, comme vous, je n'aime pas les néologismes construits à partir de "phobie", même s'il m'arrive parfois de les utiliser.
Erwan, tu vois de la perversion partout, sauf en moi, ce dont je te remercie.
Pour citer quelques grandes figures, je ne vois pas la perversion chez Finkielkraut, Onfray, Zemmour, De Fontenay, Gilles Châtelet... par exemple. Je la vois chez Céline, BHL, Minc et même un peu Attali, et chez Bruckner, Houellebecq, et même Pasolini, mais ces trois derniers en sont atteints au même titre que moi... comme victimes, ce qui est peut-être encore pire, et qui donne comme le dit Julia Kristeva, un pouvoir cher payé de voir l'horreur là où elle se trouve. Céline est la figure la plus complexe de toutes car il est à la fois victime... et bourreau dans ses prises de position antisémites !
Avec la loi El Khomri, au moins les gens auront un boulot même si il est sous payé, précaire et sans droits sociaux, les gens travailleront , ils auront leur fierté, comme au XIX ème siècle ; mais ce seront des esclaves. Quant au salaire universel une douce utopie que n'accepteront jamais les possédants, ce serait partager leur part du gâteau qui est de 86 % pour 10 % de la population mondiale. C'est comme ça Emmanuel, le monde est pervers, il faut l'accepter et composer avec cette perversité intrinsèque. La perversion comme le montre Céline, c'est le principe de réalité.
1- J'aime beaucoup Céline, l'écrivain et le personnage, mais pas le politique, évidemment.
2- On voit bien que tu n'as jamais été esclave.
Et toi l'as-tu été ?
Les esclaves n'existent plus depuis longtemps dans notre pays. Le terme est donc faux, mais c'est toi qui l'a utilisé, comme beaucoup d'adversaires bien peu éclairés de la loi El Khomri. Si je n'ai pas été esclave, j'ai été smicard, travaillant de nuit, de longues années, dans les conditions que tu sais. Je ne m'en suis jamais plaint et je ne le mets pas en avant.
J'essaie de garder de la mesure dans mes propos, et d'être soucieux du sens des mots. La loi El Khomri a le sens inverse que tu lui donnes : elle a pour but de lutter contre la précarité, de faciliter l'emploi et d'améliorer les droits. Mais qu'importe : la perversion est aussi une inversion. Là, tu as réussi ton coup.
C'est comme ça, le système se rit de nous. Et je te le dis même les riches ne sont pas heureux, ils sont angoissés, et s'enrichissent toujours plus pour lutter contre cette angoisse ; angoisse de la mort, angoisse du temps qui passe. Si tu savais qui tu es vraiment tu saurais que le monde est pervers, depuis toujours, toujours, même pour nos cousins les animaux. Rien à faire pour contrarier cette tendance, certainement pas les sciences et techniques, qui augmentent encore cette logique perverse ; alors que la politique l'accompagne. Il suffirait juste d'un peu de bonne volonté, que les riches consentent à l'échelle mondiale à partager leur richesses, et encore ce serait une condition nécessaire mais pas suffisante pour peut-être, je dis bien peut-être inverser notre destin qui nous mène droit dans le mur.
Pitié pour les riches, bonjour à tes cousins !
Je ne suis pas certain que l'esclavage n'existe plus en France. En témoignent ces émissions et articles aujourd'hui :
http://www.franceinter.fr/emission-le-zoom-de-la-redaction-esclave-en-france-en-2016
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/traite-des-etres-humains-l-esclavage-moderne-existe-en-france_1771944.html
Ce qui serait «dramatique pour le pays»…P.Gattaz
C’est d’arrêter le combat une fois le projet de loi El Khomri -qui fait la part belle aux esclavagistes- retiré…
C’est de croire en les promesses du patron du MEDEF (Monsieur million) encore plus réactionnaire que son père…
C’est de ne pas demander des comptes à celui qui a promis de ré enchanter le rêve et a installé la France dans un véritable cauchemar…
C’est de continuer à croire en des hommes politiques soumis qui décorent de la « légion d’honneur » les coupeurs de mains, qui lapident les femmes et coupent les têtes et n’hésitent pas à malmener leurs victimes comme à Calais…
C’est d’accepter sans réagir que la France - qui dit combattre le terrorisme – soit complice de Daesh en refusant une commission parlementaire pour connaître qui financent cette création monstrueuse…
C’est de continuer à croire que le changement pourrait venir des mascarades électorales « gauche-droite »…ou de se laisser tenter par les réflexes de haine fonds de commerce du FN…
Ce qui serait dramatique pour le pays c’est de laisser faire et de laisser passer des politiques rétrogrades et des lois liberticides... ; de léguer l’esclavage en héritage à nos enfants et petits-enfants.
J'avais cru comprendre que l'esclavage était aboli en France depuis longtemps. Mais c'est moi qui dois me tromper.
1° BHL est un nationaliste juif antifrançais, qui fréquemment rappelle pieusement qu'il est juif et déclare que les non-juifs ne valent pas grand chose moralement, depuis "L''Idéologie française" jusqu'à aujourd'hui. C'est ça que dénonce le qualificatif de "communautariste" - euphémique, mais juste. 2° Les nationalistes étrangers, agressifs envers votre pays, c'est toujours déplaisant, mais le déplaisir est limité parce qu'ils sont loin (on les connaît donc peu...) et du fait de la sincérité et de la franchise de leur position. Mais BHL est Français : à la fois il déclare qu'il nous hait, et qu'il est l'un des nôtres (et qu'on ne doit pas l'attaquer comme un étranger). C'est assez insupportable. S'il s'était fait Israélien, il ne susciterait pas le centième de l'hostilité qu'il suscite (il serait, d'ailleurs, en France, quasi inconnu). 3° BHL a pas mal de traits, peut-être "pervers" comme le souligne Erwan, qui peuvent déplaire. Il est probable qu'un juif déplaisant suscite plus d'aversion, auprès de certains qu'un non-juif déplaisant...
Nous constaterons bien si nous vivons suffisamment ce qui résultera de toutes ces agitations et si comme l'affirme M Mousset, notre actuel premier ministre voit aussi juste et tellement loin. Robespierre et Saint-Just, également des hommes d'état indéniablement, voyaient loin et juste tout autant dans un contexte aussi douloureux et difficile à appréhender que maintenant. Le contexte a eu raison d'eux et le peuple s'est soumis avec entrain au gouvernement usurpé bonapartiste parce qu'à un moment ou à un autre ça suffit.
Est ce qu'on approche de ça ?
On ne peut pas sérieusement soutenir que BHL est "un nationaliste juif antifrançais". Il dénonce toute forme de nationalisme, est plutôt cosmopolite, citoyen du monde, et prend le meilleur de la tradition française.
E.M. a dit :
« J'avais cru comprendre que l'esclavage était aboli en France depuis longtemps. Mais c'est moi qui dois me tromper. »
Sous la forme du Code Noir (1685) de Colbert NON certes MAIS sous une forme hypocrite il est en expansion.
Un article intéressant sur ce sujet qui vient de sortir dans un journal que l'on ne peut pas considérer comme anarchiste ou gauchiste La Croix :
http://www.la-croix.com/Traite-etres-humains-premier-etat-lieux-2016-03-09-1100745638?&PMID=undefined
Le nom a changé « traite des êtres humains ».
Une différence aussi on a plus besoin de les faire se reproduire (perte de temps donc d'argent) les nouveaux arrivent sous l'appellation « migrants ».
Aboli, oui, vous ne vous trompez pas sur ce point.
Mais vous vous trompez en pensant qu'il n'existe plus et faites une confusion sur le terme "abolir". L'esclavage est aboli donc interdit juridiquement. Il est illégal mais pas supprimé. Il peut donc toujours exister en France.
Dans un article du Nouvel Observateur en date du 9 juillet 1979, Cornelius Castoriadis admettant sa perplexité devant le « phénomène BHL », écrivait : « Sous quelles conditions sociologiques et anthropologiques, dans un pays de vieille et grande culture, un “ auteur ” peut-il se permettre d’écrire n’importe quoi, la “ critique ” le porter aux nues, le public le suivre docilement – et ceux qui dévoilent l’imposture, sans nullement être réduits au silence ou emprisonnés, n’avoir aucun écho effectif ? » Il concluait par une prophétie malheureusement non réalisée : « Que cette camelote doive passer de mode, c’est certain : elle est vouée, comme tous les produits contemporains, à obsolescence incorporée. »
Il est légitime, dans le débat intellectuel, d'être contre tel ou tel penseur, en l'occurrence BHL, et même de lui retirer cette qualité. Mais il n'est pas permis d'en faire le contraire de ce qu'il est, en le décrivant en nationaliste juif anti-français.
"nationaliste juif anti-français", là intervient l'autocensure que toute personne saine devrait s'appliquer à soi-même, étant donné les événements de la Shoah. Mais précisément je pense que BHL, à la différence de Finkielkraut et de Zemmour, est un "pervers" qui joue de ça, il se sait intouchable.
Non, il faut laisser dire, pour que la vilenie s'étale en plein jour.
BHL "intouchable" ? C'est raté. Depuis longtemps, il est sévèrement critiqué. C'est toi, Erwan, utilisant une technique bien connue, qui lui accorde ce faux privilège, pour pouvoir mieux le discréditer, à défaut d'autre argument.
Mes commentaires disparaissent donc BHL est au moins protégé par Emmanuel.
Si j'ai un autre argument, si je disais à la Terre entière, que je suis le plus beau, le plus fort, le plus intelligent, le plus indispensable, que je suis "le trésor des nations"... parce que je suis Breton, on me rirait au nez, et à juste titre d'ailleurs. Avant d'être tel ou tel type, tel ou tel catégorie d'humain, on est avant tout homme, "nu" et descendant ou cousin du singe, avec qui nous avons beaucoup de ressemblances. Si seulement le judaïsme moderne pouvait s'inspirer de Montaigne plutôt que de BHL !
Philippe, je supprime tout ce qui est inutile ou idiot. C'est une question d'hygiène intellectuelle.
Erwan, pour la ressemblance avec le singe, parle pour toi !
Philippe vous pouvez toujours essayer de mettre vos commentaires sur BHL sur mon blog, peut-être ne seront-ils pas censurés.
L'air de la censure, c'est comme l'air de la bêtise : des "victimes", les pauvres chéris.
Quand je disais Céline, Houellebecq, Pasolini, Bruckner victimes, pour ne citer qu'eux, c'est très relatif. Quand on devient acteur de sa vie comme eux, que l'on devient artiste par ses actes, non par son désir d'être reconnu, on n'est évidemment plus une victime, mais un phénix. Reste le trait victimaire, à quoi l'on peut les reconnaître et en tant que lecteur se reconnaître.
Personnellement je récuse toute assimilation à un quelconque antisémitisme, d'ailleurs une de mes filles est juive, et j'en suis assez fier de ma fille et de la culture de sa mère (qui ne pratique pas cependant), même si je critique un peu férocement, BHL ou Sarah Kokman (cf mon billet "Les temps changent"), de toute façon mon point de vue a-t-il une quelconque importance, et quoiqu'il arrive ? Je ne voudrais pas que la société deviennent plus antisémite qu'elle ne l'est déjà, et ne nous voilons pas la face, elle l'est (cf "Soumission", Houellebecq); car cela ferait du mal à ma fille. Et je pense aussi que l'approche du judaïsme par Finkielkraut, de Fontenay, Levinas ou Lyotard est plus constructive et moins polémique que celle de BHL, trop guerrier à mon goût, et qui provoque ce qu'il croit être l'ennemi, parfois dans ses fantasmes.
Je le répète, je ne suis pas à proprement parler un intellectuel. Tout est faux dans l'art, je peux donner l'illusion d'être un intellectuel, comme BHL d'ailleurs, qui est plus artiste qu'intellectuel, mais un artiste qui fait des flops comme avec ses films. Quand un artiste se mêle de politique, on sait ce que cela donne en général.
Des flops comme ça, je suis preneur.
Je voulais dire flop au niveau esthétique, son film "le jour et la nuit" est un navet. 73 147 entrées en France, je ne trouve pas que cela soit terrible. Ceci dit Houellebecq lui aussi a réalisé un navet. BHL et Houellebecq sont plus doués pour l'écriture. BHL a un réel talent et ses livres se vendent bien, mais c'est un artiste qui ramène tout à lui, pas un intellectuel. Art et politique forment un cocktail très dangereux (cf Hitler, artiste "raté").
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