mercredi 8 juillet 2015

Vers un compromis historique



Hier soir, j'ai suivi en direct, vers 23h00, la conférence de presse de François Hollande, à sa sortie du sommet des chefs d'Etat européens. Je l'ai trouvé un peu tristounet, et pas très optimiste sur l'issue de la crise avec la Grèce. Alexis Tsipras n'avait apporté aucunes propositions nouvelles pour faire évoluer la situation, contredisant ainsi l'espoir que j'avais mis, dans mon précédent billet, à voir un Premier ministre grec gaullien, prenant de la hauteur, faisant preuve de volontarisme, passant les compromis nécessaires et imposant à son propre camp les réformes indispensables. Nous en étions donc très, très loin. La réunion d'hier a quand même permis une avancée : l'adoption d'un court calendrier, premières mesures demain, décisions définitives dimanche. En politique, l'imposition de délais est un principe majeur, sinon les discussions se prolongent à n'en plus finir.

D'un jour l'autre, la situation change. Ce matin, Alexis Tsipras a fait un excellent discours, porteur d'espoir, devant le Parlement européen. D'abord, il a confirmé l'engagement européen de son gouvernement : pas question d'un départ de la zone euro, plus question de faire des institutions européennes l'éternel bouc émissaire. C'est bien la voie du compromis que Tsipras a choisi, non celle de l'affrontement. Je m'en réjouis.

Ensuite, le Premier ministre a insisté sur la responsabilité de son propre pays dans la crise économique qu'il traverse, en indiquant qu'il faut lutter contre l'oligarchie, la fraude, l'évasion fiscale. Il a dénoncé les gouvernements précédents, qui ont laissé faire la corruption et le clientélisme. Le problème n'est donc pas européen : les difficultés sont liées à l'économie nationale. Le débat a été utilement recentré, par Alexis Tsipras lui-même, ce qui est heureux. Sa conclusion : il faut moderniser l'Etat. Oui, tout est là.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des déclarations de Tsipras lors de son intervention, il a exclu une annulation pure et simple de la dette de son pays, mais une remise afin de pouvoir la rembourser, sortir du cercle infernal qui pousse à emprunter pour rembourser, ce qui ne fait que creuser la dette et rendre difficile le remboursement. Cet objectif du remboursement me parait essentiel. Sans lui, c'est toute la crédibilité du gouvernement grec qui s'effondrerait.

Les sceptiques me répondront qu'un beau discours ne suffit pas, qu'il faut passer aux actes. Oui, ce serait fait, dès demain, à l'annonce des premières propositions : nous verrons bien. Si Tsipras se dédit, il faudra dénoncer le revirement. Mais j'ai du mal à le croire. D'autant que le nouveau ministre des Finances a déclaré aujourd'hui même que des réformes seraient engagées, système de retraite et fiscalité. Alors, le problème de Tsipras ne sera plus européen (en fait, il ne l'a jamais été), mais grec : faire admettre les changements structurels à son opinion et à ses partisans.

Alexis Tsipras sera devenu un grand politique lorsqu'il aura su décevoir les siens, ses proches, ses soutiens, au lieu de chercher à leur faire plaisir. Le principe de réalité en politique, c'est la déception, une fois que les rêves et les illusions ont été levés. Réussir au pouvoir, c'est décevoir : tous les grands sont passés par là, alors que les petits se vautrent dans le plaisir qu'ils croient procurer aux autres, mais qu'ils suscitent surtout à eux-mêmes.

Je peux bien sûr me tromper, mais je crois que Tsipras est parvenu à maturité politique, que c'est l'événement qui l'y a poussé : je pense que nous allons vers un compromis historique, favorable à la Grèce, favorable à l'Europe, et que les eurosceptiques, les anti-européens et les pseudo-européens, de droite comme de gauche, et surtout aux extrêmes, en seront pour leur frais. Demain et dimanche me donneront tort ou raison.

Une dernière chose, que personne ne souligne suffisamment, qui est pourtant une source de réjouissance au milieu de tant de malheur et de souffrance : la Grèce n'a pas basculé dans la violence de rue, l'extrême droite n'a pas profité de la crise, les néonazis de l'Aube dorée ne font plus parler d'eux. Dans un pays qui a connu il y a 45 ans une dictature militaire, c'est un fait remarquable. L'Europe démocratique n'y est d'ailleurs pas pour rien.

Oui, ce soir, nous pouvons être raisonnablement optimistes. Il y aura toujours deux façons de faire de la politique : soit être un oiseau de malheur, soit être une colombe de l'espoir. Les premiers végètent dans l'opposition comme des volatiles englués dans le mazout ; les autres volent jusqu'aux sphères du pouvoir, changent les choses et marquent l'Histoire. Alexis Tsipras est de ceux-là.

2 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Pour ce qui est de l'Allemagne, je n'ai pas connu directement le nazisme, mais je l'ai attentivement étudié comme beaucoup. Par contre ce qui s'exprime aujourd'hui c'est l'impérialisme américain qui empêche notamment l' Europe de se développer. En matière de politique européenne, ou de politique étrangère tout court, je suis gaullien, je pense qu'il faut traiter des alliances avec les pays par delà la pression que nous met les Etats-Unis, et construire l'Europe avec la Russie par delà la pression que nous met les Etats-Unis. L'Europe fédérale avec le respect de tous les peuples qui la compose, une Europe plus sociale et politique que celle qui existe actuellement, qui n'est qu'un empilement sans lien profond des égoïsmes (sur le modèle anglo-saxon du libéralisme) ; une Europe donc sociale et politique dont pourraient faire partie la Russie et l' Ukraine (qui historiquement font partie de l'Europe), serait plus puissante que les USA. C'est bien ce qui inquiète les Etats-Unis qui cherchent à mettre le feu aux poudres en Europe et notamment en Ukraine. Les Américains sont comme jadis les Anglais, ils ont peur d'une Europe fédérale et supranationale trop forte, au nom de la soi-disant liberté, qui n'est que "liberté" du libre échange, et non des peuples ; les Américains préféreraient nous voir vitrifiés, plutôt que plus puissants qu'eux. Ce que nous montre la crise grecque, c'est que pour l'instant l'Europe n'est qu'un empilement des égoïsmes, qui aboutit absurdement à l'écrasement du plus faible : la Grèce, et ravive les vieux démons du plus fort, l'Allemagne.

Anonyme a dit…

Cette Europe bancale est digne du "machin" fustigé par De Gaulle. On voit ce qu'est devenu le machin en question. L'immigration pourrait être une chance que nos compatriotes ne saisissent pas. La France est belle par nature : elle attire toujours. Dommage que ses français soient si moches pour le moment... Mais la roue tournera et le pays redeviendra ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être. C'est au moment des indépendances, au tournant des années De Gaulle, justement que ça a foiré quelque part. La communauté française avec tous ces grands états africains, ça aurait de la gueule maintenant...
La francophilie n'a pas disparu. La francophonie non plus.
Ce sont là deux bases solides dont il conviendrait de se servir pour rebâtir du beau et du solide.