dimanche 19 juillet 2015

DSK le Grec



Après la fiche publiée le 27 juin ("apprendre de ses erreurs"), Dominique Strauss-Kahn a édité hier une nouvelle réflexion, tout aussi remarquable, sur la crise grecque et l'Europe. La première était technique, celle-ci est politique : elle conçoit l'Europe d'abord comme une "culture commune", une "longue histoire" de penseurs, d'écrivains et d'artistes. Nous devrions en effet commencer par nous représenter notre continent en termes de civilisation. Ca ne réglerait pas les problèmes financiers, mais l'approche serait au moins différente.

Culturelle, la vision de DSK est aussi géopolitique : il regrette que notre Europe se laisse dominer par le Nord, alors que c'est autour de la mer Méditerranée qu'elle doit trouver son centre de gravité, en s'intéressant beaucoup plus au Sud (cette réflexion est ancienne chez Strauss, il l'avait déjà développée il y a une dizaine d'années dans un texte qui m'avait frappé). Il refuse la petite Europe, celles des Etats riches, dont la dépendance aux Etats-Unis serait inévitable. Il se réfère à Alexandre, à Napoléon : c'est ce qu'il nous faut, sans les armes. En homme supérieur, DSK voit à travers l'espace et le temps, contre "le souverainisme larvé des élites économiques et intellectuelles".

Ces vues m'agréent complètement, à deux réserves près : DSK est un peu sévère sur l'accord signé entre la Grèce et ses créanciers ; il emploie des mots très durs, "effrayant", "mortifère", "dévastateur", ce qui n'aide pas à la pédagogie européenne, dont les peuples ont besoin (puisque leurs élites ne s'y livrent pas). Surtout, il y a un grand absent dans la réflexion de DSK : c'est la Russie. Il voit l'Europe du Nord au Sud, et c'est bien ; mais il faut la voir aussi d'Ouest en Est, et très à l'Est.

La position actuelle de DSK ne se comprend que si on se reporte à sa première fiche, du 27 juin. Avant que la crise grecque n'entre dans sa phase tragique, post-référendum, il proposait un plan alternatif, qui aurait peut-être changé le cours des choses : cesser tout financement nouveau, toute possibilité d'emprunt pour la Grèce, repousser tous les remboursements à dans deux ans, réduire la dette grecque envers les institutions publiques. A partir de ce choix, laisser le pays équilibrer tout seul son budget, entreprendre les réformes nécessaires, avec l'assistance technique des institutions financières internationales. Je ne sais pas si ce plan B aurait marché, mais son avantage politique aurait été d'éviter le sentiment d'humiliation éprouvé par la Grèce devant ce qu'elle perçoit maintenant comme un diktat (à mon avis à tort, mais les sentiments ne se commandent pas).

François Hollande, dans le JDD de ce jour, prolonge la réflexion en proposant un gouvernement, un budget et un parlement de la zone euro. Oui, tout ce qui va dans le sens du fédéralisme et de la supranationalité est bon à prendre. Mais je n'aime pas trop la notion d'"avant-garde", qui suppose que certains pays d'Europe sont plus européens que les autres. Cette idée d'une Europe à plusieurs vitesses ou à plusieurs cercles, encore défendue récemment pas Emmanuel Macron, ne me convainc pas : à force d'être dans la vitesse lente, on finit en queue de peloton et par mettre pied à terre. Et puis, un gouvernement économique à 19, c'est oublié les 9 autres qui constituent ensemble l'Union européenne. C'est là où l'approche globale de DSK me semble plus pertinente. Mais elle est encore très incomplète dans sa définition du fédéralisme. En tous cas, l'essentiel est que le débat aujourd'hui s'organise entre les sociaux-démocrates européens, pour ne pas laisser le champ de l'opinion à la gauche radicale, antilibérale et antieuropéenne.

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