vendredi 10 juillet 2015

Tsipras magistral



Dans mon billet de lundi, au lendemain de la victoire écrasante du non au référendum en Grèce, j'ai senti, moi qui souhaitais la victoire du oui, qu'Alexis Tsipras pouvait être l'homme de la situation, à la façon de De Gaulle en 1958, porté au pouvoir par les partisans de l'Algérie française et accordant pourtant l'indépendance à l'Algérie. En Grèce, le problème est évidemment d'une toute autre nature, mais d'une identique gravité.

Je dois dire que les propositions faites par le Premier ministre dès hier soir, et discutées en ce moment même par le Parlement grec, comblent mes espérances et font taire les commentaires méprisants de ceux qui dénonçaient l'irresponsabilité de Tsipras et de son équipe : ce sont des propositions "sérieuses et crédibles", comme l'a souligné tout de suite François Hollande, qui joue dans cette affaire un rôle très positif d'intermédiaire entre la Grèce et l'Allemagne.

Tsipras, depuis quelques jours et jusqu'à ce jour, est magistral, très politique dans ses choix et son comportement, qui se résume en trois mots : rassemblement, habileté, courage (ces trois termes expriment d'ailleurs parfaitement le sens politique quand il atteint l'excellence).

Rassemblement : au lendemain du référendum, fort de son succès, le Premier ministre aurait pu en rester là. Non, il a réuni les principaux partis de son pays, à l'exception de l'extrême droite et des communistes, pour s'assurer de leur soutien, en vue de sa rencontre avec les autorités européennes.

Habileté : n'importe quel homme politique, à quelque niveau que ce soit, obtenant 60% des voix, devient immédiatement le roi du monde. A partir de là, il a les mains libres, n'est plus tenu par une coalition incertaine, peut agir efficacement. C'est ce qu'Alexis Tsipras ne s'est pas privé de faire dès lundi. L'homme politique véritable est celui qui s'émancipe des siens. François Mitterrand, magistral lui aussi, souverain même, l'a prouvé à maintes reprises.

Courage : la politique consiste à faire accepter ce que spontanément on n'accepte pas, parce que rares sont ceux motivés par l'intérêt général (et c'est naturel : chacun pense à lui, à ses proches, pas aux autres). Le Premier ministre a repris une partie des propositions de ses créanciers, allant même plus loin qu'eux sur certains points : augmenter la TVA, réformer les retraites, privatiser, ce n'est pas facile quand on vient de la gauche radicale. Et pourtant, Tsipras le fait, parce que c'est l'avenir de son pays qui est en jeu, sa survie, et pas les intérêts d'une boutique politique.

Dans son programme, il est significatif que l'armée est touchée (réduction des dépenses militaires), mais pas l'Eglise, pourtant en partie exemptée d'impôts. Vu de France, c'est "choquant", pour employer le mot à la mode. Mais la Grèce ne vit pas, comme chez nous, sous le régime de séparation. Même Syrisa n'a pas remis en cause cette exception. Pourquoi ? Parce que la religion orthodoxe fait partie de l'identité nationale, beaucoup plus fortement que le catholicisme en France, vieux pays laïque. Surtout, cette puissante Eglise joue un rôle caritatif très important, qu'il aurait été malvenu de limiter par une taxation, alors que le pays traverse une grave crise sociale.

Tout est-il donc réglé ? Non, pas plus que De Gaulle n'a réglé en quelques jours le problème algérien. Désormais, la balle est dans le camp de l'Europe, dimanche prochain. A elle de répondre positivement aux propositions grecques, aux efforts qu'accepte de faire ce courageux pays. Mais il faut du donnant-donnant : allégement, réaménagement de la dette, nouvelle aide, il faut techniquement voir.

Dominique Strauss-Kahn a avancé quelques pistes, qui ne suivent pas strictement le plan des créanciers. A eux de revoir leur projet, comme Alexis Tsipras a revu le sien. En politique, ça s'appelle le compromis, qui est l'essence même de la politique, sauf pour les jusqu'au-boutistes, qui campent sur le rapport de force et n'en bougent pas, quitte à tout perdre. Finalement, il n'y a que deux attitudes possibles en politique : être minable ou être magistral.

2 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Le politique est désormais subordonné au dieu fric. Je ne vois pas en quoi le fait que Tsipras qui se couche devant les exigences d'austérité de Bruxelles, constitue une grande victoire. C'est peut-être une victoire politique pour Tsipras, mais elle est temporaire. En attendant le système reste le même, celui du libéralisme, celui de "Dallas" à l'échelle européenne et mondiale, "glorifie la loi du plus fort" : les Allemands à l'échelle européenne, "malheur à celui qui n'a pas compris" : les Grecs resteront faibles. Du jour au lendemain ce peuple ne va pas devenir "travailleur" et compétitif, malgré toutes les réformes que l'on pourra faire, qui entraîneront toujours un peu plus la Grèce vers l'austérité, donc vers la misère et la faillite. Oh je sais on les obligera peut-être à travailler jusqu'à 75 ans : quelle victoire morale ! Non appauvrir un peuple, lui demander toujours des sacrifices plus grands n'est pas une victoire, c'est une défaite face au dieu fric, donc une défaite collective morale, une défaite de l'idée européenne, une défaite de l'idée du respect des différences, une défaite du droit à être un peuple pacifique mais certes peu compétitif. Donc je prédis que les dettes vont continuer à s'accumuler et que ce pays va continuer à couler, quand l'Allemagne va continuer à développer ses vieux démons de domination européenne confortée qu'elle est par sa réussite économique, son vieux rêve que va certainement venir briser son déclin démographique, à moins qu'elle ne fasse venir une population immigrée en très grand nombre, je ne vois que la population musulmane, puisque c'est la seule qui près de l'Europe a un fort dynamisme démographique, qui fasse sienne les valeurs de l'Allemagne et relève le défi de la domination économique sur le reste de l'Europe, qui pourrait se transformer en domination politique. Pour l'instant l'Europe n'est qu'un enchevêtrement des égoïsmes, il n'y a que le fric et la compétitivité qui comptent, malgré cet original de Cohn-Bendit qui clame que c'est parce que les fondateurs de l'Europe étaient communistes et qu'ils on mis l'infrastructure c'est-à-dire l'économique en premier, pensant que cela serait suffisant pour construire une superstructure politique : l'Europe. Toujours les explications alambiquée et paradoxales de nos chers intellectuels, qui voudraient aussi nous faire comprendre que la France est responsable du nazisme idéologiquement, ou en encore que tout ce qui est français, blanc, bourgeois et chrétien, "enraciné dans un terroir" est "odieux", suivant cette logique il faudrait remplacer la population "de souche" par une autre (mais laquelle, la musulmane ?), plus progressiste.
Oui en attendant l'Europe n' a rien de communiste, elle est ultra libérale et en compétition les uns avec les autres, en compétition au sein même des familles, où finalement les plus prédateurs, aujourd'hui les pervers narcissiques (C'est-à-dire les J.R. Ewing), l'emportent toujours à la fin. Notre monde sans valeurs commune, sans religion, ressemble à la Rome dans son déclin, où la corruption de ses élites, ici il s'agit d'une corruption morale profonde appelé aussi perversion narcissique, risque d'entraîner le système global au naufrage. Souhaitons presque que cela arrive le plus vite possible, afin qu'il en ressorte une religion capable de fédérer les hommes, de leur inculquer des valeurs morales communes, et que l'on jette la publicité et le goût pervers de la domination sur autrui au sein même des familles, aux oubliettes de l'histoire. Peut-être comme le prédit Houellebecq, la religion est-elle l'avenir de notre système capitaliste décadent.

Erwan Blesbois a dit…

Dernière chose qui caractérise la corruption des élites : peut-être qu'un homme seul comme Tapie, un franc-tireur, va-t-il faire cracher à l'Etat, c'est-à-dire au contribuable plus d'un milliard d'Euros, cela signerait la défaite définitive du politique face au dieu fric dont Tapie est l'un des avatars.