mercredi 1 juillet 2015

On fait quoi ?



Marine Le Pen a déclaré hier sa candidature en Nord-Pas-de-Calais-Picardie pour les prochaines régionales. Plusieurs sondages la donnent gagnante. La droite vient après , la gauche divisée est en troisième position. Pour le moment, c'est la cata. Vous imaginez la région historique du socialisme français, la plus pauvre, la plus ouvrière de notre pays, gérée par l'extrême droite ? C'est à rendre fou, c'est un cauchemar. Sans compter le formidable appel d'air que créerait cette victoire pour son camp, un magnifique tremplin pour sa future candidature aux présidentielles ! Tout cela est abominable.

J'ai trouvé que les réactions des adversaires du FN avaient été hier incroyablement timides dans leur expression, comme s'ils avaient déjà intériorisé la défaite. C'est peut-être simplement un défaut de communication, mais c'est affreux. Aucun d'entre eux n'a sonné le tocsin, dramatisé la situation comme il faudrait le faire, en rappelant que le Front national est un parti xénophobe, extrémiste, dangereux, que son accession à la tête de la nouvelle région serait une honte pour la France, une offense à notre image à travers l'Europe, une plongée dans la crise politique pour les Picards et les Nordistes. Ce que je crains, c'est que les forces en présence, y compris à gauche, n'osent attaquer le FN et Marine Le Pen, pour ne pas froisser son électorat populaire. Si cela était, ce serait une lamentable et désastreuse stratégie, qui se retournerait inévitablement contre ses initiateurs. La guerre contre le FN doit être totale, sa chef doit être désignée comme l'ennemie absolue.

Oui, il faut faire quelque chose, on ne peut pas rester comme ça, les bras ballants, à regarder monter l'immonde marée qui finira alors par nous submerger. Quatre réflexions, qui ne sont pas chez moi nouvelles (mais la politique est une éternelle répétition, comme la pédagogie) :

1- La candidature de Martine Aubry. Oui, je sais, elle ne veut pas, un autre candidat a été désigné, la campagne a démarré. Mais je dis ce que je pense, que beaucoup de socialistes pensent : face à Marine Le Pen et Xavier Bertrand, qui sont des vedettes nationales, il nous faut une vedette nationale, c'est l'évidence, indiscutable. Si la situation n'était pas aussi dramatique, je ne dirais pas non à Pierre de Saintignon, un bon candidat. Mais la situation est dramatique, et Martine Aubry est meilleure, parce qu'elle a la notoriété et l'image pour elle, qui seront indispensables dans une bataille qui sera bien sûr de terrain, mais aussi hyper-médiatique.

Mais Martine ne veut pas ? Non, la politique ne consiste pas à savoir si on veut ou non, si on a envie ou pas : ce n'est pas une question de désir, mais de devoir, surtout lorsqu'on a atteint un certain niveau de responsabilité, qu'on est une personnalité dans l'histoire contemporaine de la gauche. Le matin, quand je vais au boulot, ou même dans mes activités associatives, est-ce que je me laisse aller à mes petites envies, est-ce je me demande si je veux ou si je ne veux pas, à la Zanini (je vous laisse rechercher le sens de cette référence ...) ? Bien sûr que non : je vais, je fais, parce que c'est mon devoir, parce que je me suis engagé, parce que j'ai des comptes à rendre. La seule question valable, c'est de savoir si ce qu'on fait est utile ou pas. La candidature de Martine Aubry en tête de liste régionale de la gauche est plus qu'utile, elle est indispensable.

2- L'union PS-Verts. Elle est évidente et indispensable elle aussi, et dès le premier tour. Au second, ce sera trop tard, l'extrême droite aura creusé la distance, irrattrapable, et la gauche divisée en trois listes sera dans le trou. Mais les écolos ne veulent pas, ou alors seulement derrière leur tête de liste ? C'est bien sûr leur droit de concourir seuls. Mais quelle responsabilité si le FN s'emparait de la région ! Il ne faut pas jouer avec le feu, tout le monde finit par s'y brûler.

Une tête de liste écolo est-elle possible ? Tout est toujours possible, et chacun doit mettre de l'eau dans son vin et faire un pas vers l'autre, pour se rassembler. Mais le seul argument en faveur de ce cas de figure, ce serait la capacité de Sandrine Rousseau, EELV, à rallier à la liste de gauche unie le Front de gauche. Or, je n'y crois pas. A la différence des Verts, les communistes n'ont jamais participé aux gouvernements de François Hollande et contestent depuis le début sa politique. Ce qui n'est pas la situation d'EELV. L'union avec ces derniers est donc possible, mais difficile, pour ne pas dire impossible avec le PCF. Une candidature de Martine Aubry réglerait d'ailleurs le problème, personne n'osant alors contester un tel leadership. Quoi qu'il en soit, c'est l'union ou la mort !

3- Le Front républicain. J'ai toujours été un farouche partisan de cette formule politique, dans n'importe quelle élection, quel qu'en soit le candidat. Pourtant, elle est très décriée, par presque toute la droite et par beaucoup à gauche. Mais il faut avoir les idées claires : un républicain, qu'il soit de gauche ou de droite, sera toujours un républicain, et avant d'être socialiste, je suis républicain, parce qu'historiquement, la République a précédé le socialisme, et que celui-ci est contenu dans celle-là. Pour moi, entre un républicain, même conservateur, et un facho, même dans sa version adoucie, il n'y a pas photo, je n'hésite pas une seconde : je choisis, les yeux fermés, le républicain contre le facho. Pas question de les renvoyer scandaleusement dos-à-dos.

Le Front républicain, c'est l'engagement de voter, au second tour, pour le candidat républicain arrivé en premier, quel qu'il soit, contre le candidat d'extrême droite. Ce n'est pas un arrangement électoral, on ne négocie rien du tout, il n'y a pas de places à prendre : c'est une pédagogie, un signal lancé à l'électorat (qui en a bien besoin), la stigmatisation officielle du FN, "un parti pas comme les autres, un parti pire que les autres", selon l'excellente formule de Xavier Bertrand.

4- La mobilisation de la société civile. Dans la terrible bataille qui a commencé, qui va s'intensifier à la rentrée, il serait inconcevable que le monde culturel, les réseaux associatifs, les organisations d'éducation populaire ne s'engagent pas, ne donnent pas de la voix, restent spectatrices. Car elles seront les premières victimes d'une région qui basculerait à l'extrême droite, c'est-à-dire dans l'aventure. Le combat à venir est trop crucial pour le laisser aux seules forces politiques.

Il faut saluer la trentaine de manifestants qui, hier, avec sifflets et casseroles, sont venus signifier à Arras leur hostilité à la candidature Le Pen. Mais la contestation ne pourra pas bien longtemps se contenter d'une degré aussi minoritaire, et casseroles et sifflets ne suffiront pas : c'est toutes les forces qui refusent l'extrême droite dont on attend la mobilisation.

Je ne sais pas dans quel cadre cette mobilisation de la société civile pourrait se faire (un cadre, c'est toujours bien utile) : SOS racisme, LDH, LICRA, MRAP ou autres, les structures ne manquent pas. Après, il faut la volonté, la persuasion : et là, ce n'est jamais gagné ! Je lance ce soir un petit appel, au-delà évidemment des clivages politiques, je repose cette question un tantinet angoissée : contre la montée de l'extrême droite dans notre région et sa possible victoire, on fait quoi ?Demain, il sera trop tard.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

les associations font depuis longtemps leur travail, le ps non !
Nous nous dénonçons les dangers du vote front national, à vous de proposer un projet qui puisse séduire le vote des déçus du l'Europe, qui puisse rassurer les angoissés de la sécurité, les écœurés des impôts,....

Plus les politiques économiques successives échouent, plus les réformes sont molles, plus le front national monte!

Quand les politiques vont ils ouvertement saluer madame Lepen part "un bonjour madame la fascho , comment va votre parti xénophobe et raciste ?
Pourquoi les politiques n emploient pas les même mots que les associations ?

Emmanuel Mousset a dit…

Sur le langage que devraient tenir les partis républicains et de gauche à l'égard du FN, je suis d'accord avec vous : il devrait être plus ferme et plus offensif.
La ligne politique du PS et la politique du gouvernement, c'est autre chose : on la soutient ou on la critique. Si je comprends bien, vous la critiquez (ce qui est normal, si vous n'êtes pas socialiste). Moi, je la soutiens.