samedi 25 juillet 2015

Où est la "manif pour tous" ?



La justice a autorisé l'arrêt des soins pour Vincent Lambert, qui entraînerait son décès. L'hôpital de Reims a décidé de repousser la décision. La famille continue à se déchirer. Les uns et les autres affichent sur leurs tee-shirts les points de vue opposés pour lesquels ils militent. Les catholiques intégristes, hostiles à l'euthanasie, sont en pointe dans ce combat, très médiatique.

Je ne reviens pas sur le fond de cette dramatique affaire, auquel j'ai déjà consacré quelques billets. Mais c'est sa réception dans l'opinion qui m'intéresse : autour de cette terrible polémique, il n'y a aucun mouvement d'opinion, aucune protestation massive, dans un sens ou dans un autre. C'est assez surprenant, que sur un sujet aussi sensible, concernant de près nos concitoyens, pas de réaction significative ne se manifeste, pas de mobilisation ne s'organise dans l'opinion publique.

Le contraste est saisissant avec le mariage homosexuel, où d'impressionnants et multiples défilés avaient exprimé leur opposition radicale. Pourtant, l'euthanasie est une question de société tout aussi controversée, et même beaucoup plus : il n'est pas question d'amour, mais de souffrance et de mort. Normalement, le débat devrait être plus vif : mais non, il est quasiment inexistant, en dehors des milieux depuis longtemps engagés.

Le rejet du mariage pour tous avait été expliqué, chez les observateurs, par la résistance d'une France catholique et réactionnaire, dont le nombre, la jeunesse et le dynamisme avaient surpris. Le démographe Emmanuel Todd parlait de "catholicisme zombi", sorte de refoulé chrétien, surgissant à l'occasion de thèmes en quelque sorte répulsifs pour les croyants. Je ne suis pas du tout convaincu par cette interprétation, et mon scepticisme est confirmé par l'atonie de ce même mouvement devant l'affaire Vincent Lambert. Logiquement, les protagonistes de la Manif pour tous devraient redescendre dans la rue avec leurs gros bataillons, si c'est l'inspiration chrétienne qui les motivait, puisque la foi interdit tout autant de mettre fin à une vie qu'elle juge sacrée que marier des personnes du même sexe. Mais non, la rue reste vide, les catholiques intégristes, tellement actifs contre le mariage homosexuel, ne sont pas suivis dans leur refus tout aussi violent de l'euthanasie.

Mon explication, c'est que les anti-mariage homo n'ont jamais été foncièrement motivés par des arguments religieux. Ils se sont lancés dans la défense de la famille, valeur principale de la société actuelle, qu'ils ont cru menacé par le mariage de même sexe. Il y a même eu une surenchère autour de la famille, puisque au-delà du droit, le mariage pour tous refondait la famille, en l'élargissant. GPA et PMA procèdent aussi de cette obsession familiale, ce besoin d'enfant, ce souci de filiation. J'ai toujours pensé que pro et anti étaient moins en opposition qu'en concurrence. LGBT et cathos tradi, même combat pour la famille, mais pas la même ! Rien de particulièrement chrétien dans tout ça, d'autant que l'Eglise est une organisation de célibataires, dont l'idéal de vie, au Royaume des cieux, dissout les liens familiaux.

Pas étonnant alors que l'euthanasie ne suscite aucun mouvement d'opinion, n'émeuve presque personne dans les milieux qui devraient se lever contre elle. La société contemporaine célèbre la famille, mais elle défend aussi la liberté individuelle, elle a horreur de la souffrance, elle aspire au confort jusque dans les derniers instants de la vie. C'est pourquoi l'euthanasie ne verra jamais beaucoup de monde descendre dans la rue pour la contester. Cette acceptation tacite justifie-t-elle pour autant le procédé ? Je pense que non, mais c'est un autre débat.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Parce qu'on a peur de la mort en règle générale...
Une sorte de superstition qui voudrait que moins on en parle, plus ce serait loin de nous et qu'en discuter, ça attirerait les regards de la camarde !