lundi 13 juillet 2015

La Grèce en direct



Je n'aime pas trop les chaînes d'information continue, leur mise en scène de l'actualité. Mais il faut bien dire que je n'ai pas cessé de les regarder ce week-end, dans l'affaire de la Grèce. Grâce à elles, nous étions au cœur de l'événement, nous suivions l'Histoire d'heure en heure, comme si la prise de la Bastille était retransmise en direct. Les allées et venues à Bruxelles, les rues d'Athènes, le discours de Tsipras devant le Parlement, tout ça était médiatiquement impressionnant, parfait ...

Avec parfois un décalage presque amusant entre le texte et l'image (mais n'est-ce pas une règle générale, l'écart entre les faits et leur commentaire ?) : à Bruxelles, on nous annonçait des négociations dures, des relations tendues, des visages crispées. Or, la télévision nous montrait des dirigeants plutôt affables, souriants, se saluant aimablement, parfois s'embrassant, la main sur l'épaule, discutant tranquillement en petits comités, l'air assez détendu. On ne sentait pas une ambiance de tragédie, de tension, de conflit.

Ce qui m'épate, c'est que ces gens-là, les grands, Merkel, Tsipras, Hollande, leurs ministres, leurs conseillers, n'ont jamais des têtes de fatigués, alors qu'ils passent des nuits à parlementer. Nous autres, les petits, nous affichons souvent des gueules pas possibles au moindre effort ; mais eux, non ! Quel est donc leur secret ? Et pour s'entendre, comment font-ils ? Ils se retrouvent, les hommes de pouvoir, autour d'une table immense, très nombreux : on se demande comment ils s'y prennent pour parler, mais ils y arrivent, et ça débouche en quelques heures sur quelque chose. On a l'impression qu'ils ne sont pas fabriqués comme nous. Nous, les petits, à quelques-uns dans une cabine téléphonique, pour des problèmes mineurs, nous ne parvenons à rien, nous tournons en rond, nous repartons comme nous sommes entrés, pas plus avancés. Comment les uns réussissent-ils de compliqué ce que les autres échouent de simple ? C'est peut-être pour ça que les premiers sont des grands et les seconds des petits ...

Pendant ces derniers jours et ces dernières heures, c'était le jeu du "hou hou fais-moi peur" qui rythmait la dramaturgie télévisée. Acte 1 : Alexis Tsipras ne veut pas d'accord, n'a rien à proposer. Acte 2 : Angela Merkel ne veut pas d'accord, n'a rien à proposer. Si la crise n'existait pas, il faudrait sur nos écrans l'inventer, pour pimenter la suite des événements, spectacle oblige. Un mot revenait sans cesse, à faire peur lui aussi, un mot bizarre, mystérieux, étranger, un mot qui gratte, qui écorche, qui fait mal à prononcer : GREXIT. On aurait pu tout aussi bien dire : sortie de la zone euro. Mais la formule est trop technique, un peu fade, pas assez théâtrale. GREXIT, ça fout les boules, même quand on ne comprend pas le sens, surtout quand on ne comprend pas le sens. Notre société, qui se paie de mots, les suce comme des bonbons, sucrés ou acides. GREXIT, c'est une dragée au poivre, qui fait grimacer, notre petit frisson du week-end, en attendant les suivants.

Sur le Net, c'est un autre mot qui nous a excités, fait fantasmer, qui a circulé ces jours-ci : "coup d'Etat" ! Les créanciers et les Allemands préparaient un coup d'Etat pour renverser le gouvernement Tsipras. C'est complètement idiot, ça ne veut rien dire, ça ne renvoie à aucune réalité, mais c'est si bon de se faire mal, de penser à des choses horribles. "Coup d'Etat", ça ne vous rappelle rien ? Mais si, bien sûr, le régime des colonels, Costa-Gravas, le film "Z". Notre imaginaire a besoin d'imaginer : il fait feu de tout bois, pourvu que la tête s'échauffe. Un coup d'Etat, mais cette fois venu des financiers et des Schleus ! C'est trop beau parce que c'est trop laid. Tout est faux, mais l'essentiel est de fumer la moquette, comme disent les jeunes.

Malgré tout ça, l'accord impossible est devenu possible, même s'il reste encore à le ratifier par les uns et les autres. Alors, on a trouvé un autre bonbon amer pour alimenter notre amertume, une catégorie psychologique et morale comme nous en raffolons : l'"humiliation". Les Teutons veulent "humilier" les Grecs. "Humiliation" : c'est un mot à la mode, très fort, puissant, anxiogène, hallucinatoire, comme beaucoup de mots à la mode (c'est pour ça qu'ils sont à la mode). Les Boches veulent "humilier" les Grecs ? Non, les Allemands défendent tout simplement leurs intérêts, exigent des garanties avant que l'Europe ne refile des milliards à Athènes. Peut-être ont-ils tort, que les mesures sont excessives, que la méfiance est injustifiée : politiquement, on peut en discuter, être d'accord ou pas. Mais enlevons ce terme psycho-moralisateur d' "humiliation". Les Fritz ne sont pas des sadiques qui chercheraient à tourmenter le brave petit peuple grec. Vous l'avez remarqué : en quelques jours, on est passé de la grécophobie (néologisme, tant pis) à la germanophobie, du Grec fainéant et fraudeur à l'Allemand dominateur et tortionnaire.

La suite au prochain numéro, sur BFMTV évidemment, et toujours en direct.

16 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous y voyez vraiment clair ?? Nous pas et surtout les grecques aussi , et c'est ça la réalité ... Mais on a le sentiment que l'exemple grecque va servir de modèle dans le futur ... Pour mettre des barrières à tous les politiques qui voudraient s’affranchir de la volonté de cette Europe technocratique ...
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Anonyme a dit…

des Schleus !

Les Boches

Les Fritz

Mais vous avez oublié les TEUTONS !!!!!!

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Emmanuel Mousset a dit…

1- Sur les Teutons, vous m'avez mal lu.

2- Sur l'affranchissement des peuples : tout pays de l'Union européenne est libre de la quitter.

Erwan Blesbois a dit…

Que veux-tu que je te dise Emmanuel nous vivons dans un pays complètement minable, où il n'y a plus aucune fierté d'être Français, les musulmans vont nous bouffer et ce sera bien mérité, au moins les Allemands, les Italiens, tous les autres européens ont un peu la fierté de leurs origines, même les Grecs, ce n'est plus le cas en France, le pays qui s'est tant critiqué qu'il s'est tué lui-même. Je ne dis pas merci aux intellectuels des années 60-70, et particulièrement les post-soixante-huitards, pas merci à Sartre et tous les autres dans sa lignée qui ont tué toute idée d'identité française comme suspecte de fascisme en germe. Même les Allemands qui ont pourtant beaucoup plus de choses à se reprocher ne se sont pas flingués comme nous, loin de là.

Emmanuel Mousset a dit…

Ne sois pas si défaitiste, une veille de Fête Nationale ! Et puis, nos compatriotes musulmans ont beaucoup à nous apporter, ne les crains pas.

Erwan Blesbois a dit…

Je pense que si on avait la fierté d'être Français, on aurait beaucoup plus confiance en nous pour accueillir correctement les musulmans. Le peu d'estime de soi que nous avons crée la peur de l'autre, il faut être fort pour accueillir l'autre, or nous sommes affaiblis par 50 ans d'idéologie mortifère anti-française, qui nous fait avoir honte d'être français. Cette honte d'être français, c'est ce qui explique la montée du FN.

Emmanuel Mousset a dit…

D'accord avec le début, mais pas avec la fin : je vois bien une crise, un doute, une déprime chez les Français, mais c'est un état de l'opinion, qui n'est causé par aucune "idéologie anti-française" (que je ne repère pas).

Anonyme a dit…

Le problème est que on est dans une phase d'intégration extra européenne , et aussi extra francophone ..
Revenons à l' entre deux guerres ... Polonais , Italiens , Espagnols , puis Portugais plus nombreux après la deuxième guerre venaient s'intégrer , tout en gardant des liens avec leurs pays d'origine très proches ... La deuxième génération parlait souvent exclusivement français , quant à la troisième , bien malin qui voyait extérieurement son origine ...
On ne voit pas bien ça avec ceux qui rejettent la francophonie et la mode européenne .... C'est un malaise provocateur et bien malin celui qui pourra en tirer des atouts pour la république ...
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Erwan Blesbois a dit…

Parce que tu vis dans le présent, et moi je reste bloqué au passé de mon adolescence qui a structuré mon esprit, or à cette époque il y avait bien une idéologie anti-française, portée notamment par un magazine comme "Globe" ("tout ce qui est français, enraciné dans un terroir... nous est odieux"), mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, citons en BD "super dupont" l'archétype du "super Français" ridicule, de Gotlib. Il est évident qu'aujourd'hui nous assistons à un "retour du bâton", la France revient mais avec effectivement tout ce qu'elle a de nauséabond et de rance avec le FN ; on a jeté le bébé (ce que la France peut avoir de noble, avec De Gaulle), avec l'eau du bain (Pétain, le paradigme qui définit la France encore aujourd'hui). Ce qui explique que ce qui revient est ce qu'il y a de plus sale dans l'idéologie française : le FN et le pétainisme.

Erwan Blesbois a dit…

Les droits de l'homme, la liberté, la protection sociale, tout cela c'est avec le travail des "Français", ce qu'aucun pays musulman jusqu'à preuve du contraire n'a été capable de construire dans toute l'histoire de l'humanité (qui est très courte je le sais bien, alors laissons leur une chance). Alors qu'ils respectent aussi un peu les gens qui les accueillent et leurs coutumes, et ne se contentent pas seulement de profiter cyniquement.

Erwan Blesbois a dit…

Mais dis-moi Emmanuel tu as lu Zemmour, donc tu sais bien de quoi je parle quand je dis "idéologie anti-française" et que la France se flingue elle-même. Tu peux ne pas cautionner ce que dit Zemmour, mais tu ne peux l'ignorer.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Il n'y a pas que les pays musulmans qui ne sont pas encore parvenus à notre niveau de société développée. Bien d'autres pays en sont encore plus éloignés (Afrique).

2- La France d'aujourd'hui a été en grande partie construite grâce aux travailleurs immigrés, souvent exploités. S'il y a du cynisme, c'est du côté des exploiteurs, qui rejettent maintenant les enfants et les petits-enfants de ceux qu'ils ont exploité il y a un demi-siècle.

Anonyme a dit…

Les travailleurs dont vous parlez , de cette époque , dans les mines , chez RENAULT , SIMCA , BERLIET etc... Avaient des droits aussi voire plus ( congés longs bi annuels ) garantis que les français ... Certes le BTP a toujours eu des brebis galeuse dans les comportements , mais ce n' est pas actuellement un rejet , sinon l'impossibilité des gouvernements successifs à donner du travail , le mal des délocalisations a frappé et on ne voit pas bien comment cela va s'améliorer, les fameuses courbes sont l'image de notre désarroi !!!
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Emmanuel Mousset a dit…

Non, vous délirez : les travailleurs immigrés de cette époque étaient sous-payés, vivaient pour beaucoup dans des bidonvilles. C'était une main-d'œuvre taillable et corvéable à merci : c'est pour ça qu'on l'a fait venir. Nous avons aujourd'hui un devoir de réparation à l'égard de ses descendants, que cela vous plaise ou non.

Erwan Blesbois a dit…

Mais dans ce cas là nous avons un devoir de réparation envers la Terre entière, jusqu'où ira ce devoir de repentance ? Les peuples opprimés ne valent pas mieux que nous, ils auraient été du côté des exploiteurs ils auraient fait la même chose. Il n'y a pas de peuple messianique, les hommes appartiennent tous à la même espèce partout, dont la nature universelle les pousse à exploiter autrui. Ni les juifs, ni les musulmans, ni les Indiens, ni les noirs n'échappent à cette règle, si on les met en position de dominer, ils domineront et n'auront aucun scrupule à le faire. Si nous occidentaux, nous couchons par devoir de repentance, on se fera bouffer, point barre. Nous n'avons pas à nous auto-flageller jusqu'à la fin des temps, ou alors c'est peut-être la dialectique de l'Histoire chère à Hegel, les peuples opprimés deviennent oppresseurs, à chacun de dominer ; mais quel que soit le peuple en position de force, il s'agira toujours de domination et d'oppression.

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne veux pas pinailler, mais repentance et réparation, ce n'est pas la même chose : concept religieux d'un côté, concept politique (et juridique) de l'autre.