mardi 28 octobre 2014

Déshonneur de la politique



Jusqu'où certains médias et certains politiques vont-ils rabaisser l'action publique ? L'émission annoncée sur D8, intitulée provisoirement "Monsieur et Madame Tout-le-Monde", semble toucher le fond de l'ignominie : des élus vont être grimés et déguisés pour s'immerger dans la "vraie vie" ! Ainsi, on pourra voir une ancienne ministre de la Défense en gardienne de la paix. D'autres feront les guignols en handicapé, brancardier, prof, mère divorcée. Et demain, pourquoi pas, en pute, en curé, en voleur ?

Finalement, ces personnalités n'échapperont qu'à un seul rôle : responsable politique, digne de ce nom, qu'elles sont incapables de jouer sérieusement, qui leur passe par dessus la tête. Quelle mascarade ! Honte à celles et ceux qui vont se prêter à cette bouffonnerie. Donnons les premiers noms : Mariani, Alliot-Marie, Dray, Accoyer, ... Retenez-les : ils auront des comptes à rendre, pour avoir dégradé de cette façon la fonction politique. Et mettons les choses au point, en cinq points exactement :

1- Monsieur ou Madame Tout-le-Monde, ça n'existe pas, c'est une facilité de langage, une fiction derrière laquelle on se retranche pour imposer son propre point de vue en le faisant porter par les autres, en ne l'assumant pas personnellement. Cette généralité est une imposture. Le réel, c'est la diversité des personnes et des situations. Les élus qui vont se livrer à cette pantalonnade ne vont rien apprendre, ni rien nous apprendre, sinon s'enfermer dans des cas particuliers dont ils ne pourront tirer aucune leçon universelle.

2- La vérité ne se trouve pas sur le terrain, mais dans la lecture des dossiers, la réflexion, la comparaison, la prospective, tout un travail intellectuel d'abstraction qui seul peut amener à la compréhension des problèmes et à l'élaboration de solutions. Je n'ai pas besoin de vivre dans la peau d'un chômeur pour savoir ce qu'est le chômage, ni pour y trouver des remèdes. Au contraire, le pur vécu empêche de prendre de la distance, d'envisager des alternatives : il soumet aux préjugés, aux réactions affectives, qui ne sont pas de bons conseillers en matière politique.

3- L'émission qu'on va nous proposer sera un monstre d'hypocrisie, de faux semblant. Les élus qui vont s'y compromettre n'ont pas besoin de caméras, s'ils veulent se livrer à ce genre d'expérience. Le tsar Alexandre se déguisait en simple voyageur pour mieux connaître son peuple. Mais là, sur D8, ce ne sera qu'un spectacle, fait pour ça, un simple divertissement, et non pas un souci de vérité. C'est donc une imposture sur toute la ligne. Les politiques impliqués sont des has been qui veulent retrouver à la télé une seconde jeunesse et une nouvelle carrière, en jouant les cabots. Pitoyable !

4- Un homme politique ne doit surtout pas être "Monsieur Tout-le-Monde" ! Il doit viser à une forme d'élévation, de grandeur, d'exception, et pour les plus grands, une sorte de génie. Parce que l'élu représente tout le monde, il ne peut pas être comme tout le monde : il faut qu'il soit au dessus de tout le monde pour qu'on puisse se reconnaître en lui.

5- Au-delà de la politique, il y a dans cette lamentable histoire bien de notre temps toute une morale de vie : vouloir ressembler à tout le monde, c'est le contraire de l'idée que je me fais de l'existence. Nous sommes sur cette terre pour ne ressembler à personne, mais pour être soi-même, ce qui est paradoxalement un objectif très difficile. C'est la différence, la singularité, l'originalité qui m'intéressent, pas la ressemblance, le mimétisme, la similitude, les grimaces de singe, les paroles de perroquet, les danses d'ours savant.

Une vague de clowns agressifs inquiète la France. Ce sont des fous, des voyous ou les deux à la fois, propulsés par l'usine à crétins qu'est Facebook, dont l'arrêt immédiat sur notre territoire national serait une oeuvre de salubrité publique et une réparation due à l'intelligence. Les politiques qui vont se prostituer sur D8 (ou ailleurs) sont eux aussi des clowns, certes pacifiques, mais non moins dangereux pour l'honneur même de la politique.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Toutes ces futilités ne font même pas réagir,sans doute depuis qu'un certain président a joué avec la "presse people"pour s'humaniser,feignant la complicité avec le peuple.
Analyse des principes,très utile à rappeler dans un contexte de médiocrité véhiculé par les médias.A.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous voulez parler de Nicolas Sarkozy, je suppose ...