vendredi 24 octobre 2014

Contrat unique de travail



J'ai retracé hier le projet de refondation idéologique que Manuel Valls propose à la gauche, en l'approuvant personnellement. Mais ce projet ne se contente pas de lignes générales, il avance quelques mesures précises et concrètes, comme le contrat unique de travail, que j'approuve aussi. Ce n'est que sur le terrain des propositions nouvelles, celle-ci ou d'autres, que le parti socialiste peut redevenir attractif et conquérant.

Aujourd'hui, que constatons-nous ? Que la multiplicité des contrats de travail, aussi complexes que les tarifs de la SNCF, rend illisible le lien entre le salarié et son employeur. Je sais bien que notre époque a tendance à tout compliquer, parfois par plaisir, rendant inextricables certains débats (voyez ce qui se passe avec la réforme des rythmes scolaires). Je suis de tempérament cartésien, je ne crois qu'à ce qui est simple et clair : ce n'est pas le cas dans l'actuelle législation entre employeurs et employés.

Il y a bien sûr la distinction de base entre CDD et CDI, contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée. Mais c'est une vision essentiellement juridique : le droit du travail m'intéresse moins que la politique de l'emploi. Or, dans la situation économique qui est la nôtre (et il est à craindre que les chiffres de ce soir à nouveau ne soient pas très bons), le CDI n'est plus une garantie absolue : ce n'est plus lui qui protège du licenciement. Il faut donc relativiser la religion qu'on a organisée autour de ce contrat.

A l'inverse, l'emploi qu'on dit "précaire" ne mérite pas forcément l'opprobre. J'ai le sentiment que l'adjectif sert à discréditer n'importe quel emploi qui ne relève pas de la Fonction publique. Même dans l'emploi statutaire, j'entends parler de "précarité", ce qui est un comble. Bref, le terme a perdu de sa pertinence politique, pour devenir un objet de stigmatisation, appartenant plus à la psychologie qu'à l'économie (je discutais récemment avec un enseignant sous statuts, mais faisant des remplacements : il m'a dit, pour s'en plaindre, que son boulot était "précaire" ; j'en suis bien sûr tombé sur le cul, mais je n'ai pas fait de remarques désagréables, pour ne pas lui déplaire).

Face à un chômage durable et de masse, il faut, sans attendre sa diminution, réfléchir à un autre type de contractualisation du travail. D'abord, dans un souci de justice, d'égalité, qui va de pair avec l'exigence de clarté et de simplicité. Ensuite, parce qu'il faut mieux protéger l'emploi, et notamment ce fameux travail "précaire", même si le terme, comme je viens de le dire, ne me convient pas. On ne peut plus en rester au sentiment, qui correspond partiellement à la réalité, qu'il y aurait les chanceux du CDI et les laisser-pour-compte du CDD. Enfin, parce que l'économie a besoin d'une plus grande fluidité de l'emploi. Côté CDI, la législation est contraignante (je l'ai expérimenté à la tête de la FOL, quand il a fallu licencier), côté CDD, elle est insuffisante : je ne sais pas quelle est la bonne mesure, il y a toute une dimension technique au problème. Mais politiquement, on ne peut pas se satisfaire de ce qui existe. Qui d'ailleurs en est satisfait, à part dans les discours de pure rhétorique ? Cette législation date de l'époque du plein emploi, dont on peut toujours rêver, qu'il faut tenacement espérer : mais en attendant, travaillons sur les réalités.

L'idée de contrat unique de travail me semble donc bonne dans son intention, dont il reste maintenant à définir le contenu, ce qui ne peut être fait que par la négociation, entre partenaires sociaux. Et s'ils n'en veulent pas, il n'y en aura pas, c'est aussi simple que cela. A chacun, après, en retournant devant ses mandants, d'assumer et de justifier ses prises de position. C'est ce qu'on appelle la démocratie, et c'est aussi la démocratie sociale.

Tout ça est bien joli, me disent mes camarades, mais le contrat unique de travail, c'est une idée de la droite et du patronat. A vérifier, mais au fond, qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Je ne me détermine pas par rapport à la droite ou au patronat, je ne me décide pas en fonction inverse de leurs choix : c'est par rapport à la gauche que je me définis, c'est à elle que je pense exclusivement. Les idées ne sont la propriété de personne, elles circulent dans les pensées. Ce qui compte, c'est de savoir si elle sont justes ou fausses. Et puis, ce ne serait pas la première fois qu'on assisterait à un jeu de ping-pong, une idée passant de droite à gauche, ou de gauche à droite. Enfin et surtout, une idée ne vaut pas grand chose, en politique, tant qu'on n'a pas dit ce qu'on en faisait. Le contrat unique de travail tel que le conçoit le MEDEF n'est sans doute pas le projet que Manuel Valls a en tête. A ce stade, la seule question est de savoir si la gauche doit ouvrir le débat : le Premier ministre l'a fait, je pense qu'il a eu raison.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Donc pour TOUS y compris pour la fonction publique ....

C'est ce que on a compris en te lisant et que tu dois éclaircir avant ta candidature au canton NORD que tes amis viennent d'annoncer comme certaine et légitime ... Donc une ligne politique claire , hyper sociale démocrate et presque de DROITE ??

Emmanuel Mousset a dit…

1- La Fonction publique est sous le régime statutaire, pas contractuel. Elle n'est donc pas concernée.

2- La social-démocratie est un courant de gauche, pas de droite.

Gilles a dit…

Cela ne sert à rien si les fonctionnaires ne signent pas un contrat unique de travail. Mais vous êtes trop frileux avec Manuel et François pour aller aussi loin.
Il faut avoir de l'audace dans la vie, et ne pas saigner les salariés du privé tout en préservant les régimes statutaires qui vous mettent à l'abri de tout sauf de la mise en cessation de paiement de l'état, du Conseil Général et du Conseil Régional.

Emmanuel Mousset a dit…

Gilles, le problème n'est pas psychologique (frilosité, audace) ni polémique ("saigner à blanc le privé"), mais politique : une Fonction publique est-elle nécessaire à la société française ? On peut penser que non, surtout quand on est libéral. Je pense que oui, sans doute parce que je suis un peu socialiste.

Anonyme a dit…

pourquoi les agents du service public ne sont ils pas tous fonctionnaires ? quelle différence entre un agent de la sécurité social et un agent ANPE, tout deux missionnés par l'état pour rendre un service public ?

la preuve est faite depuis 1945 qu'on peu avoir un service public de qualité avec des salariés sous contrats de droit privés.

le contrat unique commence par la fin du statut de fonctionnaire.

Emmanuel Mousset a dit…

Je sais bien qu'on fait des militaires avec des civils. Mais on ne fait pas, sauf exception, des fonctionnaires avec des contrats de droit privé.

Anonyme a dit…

CONTRAT UNIQUE c'est le type de solution drastique comme la tranche d’impôt .... Avec des effets mal cernés …….
Mais plus logique est la révision des seuils : Les seuils de 10, 20 et 50 salariés…
Il faut passer celui de 10 à 55 ; supprimer celui de 20 et passer celui de 50 à 110 ….. Qu'en pensez vous .. Si ces entreprises ne faisaient qu'une seule embauche , quel déblocage d'un coup d'un seul ...
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Emmanuel Mousset a dit…

Je ne vous comprends pas.

Anonyme a dit…

<< Je ne vous comprends pas ??? >>

Décidément vous survolez les problèmes ...
Rappel : Le Medef remet également encore une fois sur la table la question des seuils sociaux, qui doit être discutée avec les syndicats dans une négociation avant la fin de l'année et dont la révision pourrait permettre, selon les calculs non documentés de l'organisation patronale, «de créer entre 50.000 et 100.000 emplois sous trois ans». Le mouvement présidé par Pierre Gattaz liste encore une cinquantaine d'autres «leviers sectoriels dans 9 grands secteurs pour développer l'emploi», plus ou moins détaillés et opérationnels.
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Anonyme a dit…

la contrat unique de travail c'est le cdi, y a pas plus souple pour l'entrepreneur puisqu'il ne précise pas la durée du contrat

Emmanuel Mousset a dit…

1- Quel rapport entre les seuils sociaux et la réforme du contrat de travail ?

2- Le contrat unique sera forcément un autre type de contrat que le CDI, celui-ci ne pouvant pas être généralisé à tous les emplois.